Pourquoi la qualité de l'eau du robinet va s'améliorer tout en ayant autant de pesticides ?

  • Des molécules dérivées d'un pesticide "déclassées", et aussitôt une eau conforme ?
    Des molécules dérivées d'un pesticide "déclassées", et aussitôt une eau conforme ? Pixabay
Publié le

L'Agence nationale de la sécurité sanitaire (Anses) a modifié la "pertinence" de deux molécules issues d'un pesticide. De fait, des milliers de communes françaises verront leur eau potable redevenir conforme à la consommation. Des associations de défense de l'environnement s'interrogent.  Explications.
 

Elles s'appellent ESA-métolachlore et NOA-métolachlore, deux molécules dérivées d'un herbicide largement utilisé dans la culture du maïs. La première est très souvent détectée dans les prélèvements d'eau du robinet. En 17 mois, entre janvier 2021 et juillet 2022, ces deux molécules ont été présentes dans 6 958 prélèvements  à un taux plus de 0,1 microgramme par litre (μg/L), détaille France Info. L'Anses classait jusqu'à présent ces deux molécules comme "pertinentes", c'est-à-dire représentant un risque potentiel pour la santé humaine. Mais depuis, l'Agence nationale de sécurité sanitaire a révalué cette pertinence, suite à de nouvelles études fournie fin 2021 par la société Syngenta, qui commercialise le pesticide en question. Du coup, l'Anses s'apprête à relever le seuil de vigilance de ces deux molécules de 0,1 à 0,9 μg/L, les classant du coup en "non pertinentes", et donc tolérées dans l'eau potable. Si ce nouveau critère doit attendre un décret d'application pour réellement entrer en vigueur, ces deux molécules (ou métabolites) sont d'ores et déjà déclassées par l'Anses.

Avec ce déclassement, ce sont des milliers de communes françaises qui vont voir leur eau redevenir conforme. Un "tour de passe passe" qui interroge des associations de défense de l'environnement. Selon Générations futures, "97% des eaux distribuées déclarées non conformes suite à un dépassement de la valeur de qualité pour l'ESA-métolachlore, redeviendraient conformes". Et selon France Info, les taux de dépassement qui vont être relevés dans les prochains prélèvements d'eau du robinet vont être 32 fois moindre.

Pourtant, les données pour connaître la dangerosité de ces molécules, leur potentiel cancérogène ou leur capacité de perturbation endocrinienne notamment, sont loin d'être complètes. Y compris pour l'herbicide S-Métolachlore : selon les données de l'Anses, cet herbicide "peut provoquer une allergie cutanée" et est "très toxique pour les organismes aquatiques", entraînant "des effets néfastes à long terme".

Un décision de l'Anses précipitée ?

Le vice-président d'Atlantic'Eau, syndicat de l'eau en Loire-Atlantique, Mickaël Derangeon, met le doigt sur un autre point d'achoppement concernant la décision de l'Anses : "Ce sont les producteurs de pesticides qui fournissent des nouvelles données pour invalider le fait que leur molécule soit dangereuse. Ils sont à la fois juges et parties prenantes. Comment reconquérir la confiance des citoyens sur la consommation de l'eau potable ?".

Enfin, l'herbicide S-métolachlore est actuellement l'objet d'une réévaluation au niveau européen. Dans quelques mois, celui-ci pourrait par exemple être classé comme perturbateur endocrinien. Dans ce cas, selon un avis de l'Anses elle-même,  "il serait nécessaire de réévaluer le classement de la pertinence" des molécules ESA-métolachlore et NOA-métolachlore. Et des milliers de communes françaises pourraient voir, à nouveau, leur eau du robinet redevenir non conforme.
N'était-il pas urgent d'attendre ?

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?