Histoire : il y a 40 ans, Millau se noyait sous deux mètres d'eau

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  • 40 ans après, au même endroit, les souvenirs de Didier Martinez sont intacts : « On avait 1,70m d’eau ».
    40 ans après, au même endroit, les souvenirs de Didier Martinez sont intacts : « On avait 1,70m d’eau ». -
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Louis Dupin

Le 8 novembre 1982, Millau se réveillait inondée. Retour sur cet épisode mémorable pour le département.

"On a reçu une alerte météo nous disant qu’il y avait un risque de crue". Le vendredi 5 novembre 1982, quand Didier Martinez obtient une permission pour passer le week-end à Millau, chez ses parents, concierges à la mégisserie Deruy, rue de la Saunerie, le jeune homme de 21 ans est loin de se douter qu’il mouillera sa chemise dans les rues de la cité du gant deux jours plus tard.

En effet, une tempête sans précédent s’abat sur la sous-préfecture de l’Aveyron, provoquant une crue colossale, elle inonde les quartiers bas de Millau. « Le dimanche, une voiture avec une sirène commençait à tourner, on n’a pas dormi de la nuit, on s’est rendu compte que l’eau montait de plus en plus. Le lendemain matin, on avait 1,70 m d’eau dans la cuisine », se remémore Didier Martinez. Réunie à l’étage de leur maison, située rue de la Saunerie, la famille Martinez est évacuée par la fenêtre grâce à un engin de chantier, comme les autres sinistrés. « On a pris nos affaires, on a été hébergé chez mon grand-père qui habitait sur le boulevard de l’Ayrolle (zone non touchée par la crue, NDLR) pendant trois semaines », poursuit Didier Martinez.

Solidarité millavoise

Aujourd’hui président de l’association des riverains du Tarn et de la Dourbie, l’homme garde un souvenir impérissable de cet événement tragique qui a marqué à vie les Millavois. « Il y avait une telle solidarité, ceux qui étaient au sec accueillaient ceux qui avaient été sinistrés, souligne le président. On se connaissait tous dans le quartier, dès qu’il y avait un événement, on le faisait ensemble. Personne n’a été laissé de côté, il n’y avait ni riches ni pauvres, c’était formidable. »

Si les Millavois se sont entraidés pour s’héberger, le nettoyage des rues et des maisons sinistrées a aussi été une affaire collective. « On a attendu le mercredi pour commencer à nettoyer, des employés de l’usine Deruy ont commencé de bonne heure, puis nous les avons rejoints avec nos balais et nos seaux pour les aider. On ne s’est pas posé de question pour savoir s’il fallait y aller, tout a été spontané », souligne Didier Martinez. Des camions de l’entreprise Sévigné venaient chercher les affaires irrécupérables des habitants laissés sur le bord de la route.
De ce « moment très difficile qui nous accompagnera jusqu’à la tombe », Didier Martinez veut s’en faire le porte-parole et continuer à raconter cette crue centennale.

« On a un devoir de transmission, c’est le rôle de notre association, assure le président des riverains du Tarn et de la Dourbie. Il faut apprendre à vivre avec l’eau, ce n’est pas notre ennemi. On est là pour dire aux jeunes générations de rester vigilant, on est les sages qui transmettent. » Parler aux jeunes sans oublier de rendre hommage aux sinistrés de 1982. « Cette journée est aussi une reconnaissance pour ceux qui ont connu la crue et ne sont plus là », confie Didier Martinez.

Le reste reste "important"

Sensibiliser sur les risques d’inondation est une des missions du Syndicat mixte du bassin-versant Tarn-amont. À l’occasion du quarantième anniversaire de la crue centennale, « le risque reste important, alerte Céline Delagnes, directrice du syndicat. Les aménagements faits vont dans le bon sens mais ne peuvent pas tout faire. Par exemple, l’arche supplémentaire du pont Lerouge permet de diminuer la pression mais il faut être conscient que Millau reste en zone inondable. »

Qui plus est, en 1982, les effets du réchauffement climatique ne se faisaient pas autant ressentir qu’aujourd’hui. « Il peut même avoir plus de crues, poursuit Céline Delagnes. Avec le changement climatique, on connaît des épisodes plus intenses, comme cet été avec la sécheresse, mais cela peut se produire avec des inondations. » Face à ce constat, la meilleure solution reste la prévention pour le syndicat. « Il faut rappeler aux gens que la crue de 1982 peut se reproduire, les préparer, les renseigner et leur donner les bons comportements », souligne Stéphanie Braud, chargée de mission au syndicat. Ne pas aller sur les berges, ni chercher ses enfants à l’école ou encore se préparer une radio pour se tenir informé en cas de coupure de courant sont autant de bons gestes à adopter en cas d’inondations. Néanmoins, des stations de vigilance, situées en amont, à Montbrun et Florac-trois-rivières, en Lozère, permettent d’alerter en cas de débordement du Tarn. « Ce qui nous laisse environ huit heures pour réagir et nous protéger », rassure Céline Delagnes.

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