Le monde des maths en quête de la bonne formule pour aller vers la parité

  • Les maths font figure de "cancres des disciplines scientifiques" en matière de parité des genres, déplore Marie-Françoise Roy, professeure émérite à l'Université de Rennes.
    Les maths font figure de "cancres des disciplines scientifiques" en matière de parité des genres, déplore Marie-Françoise Roy, professeure émérite à l'Université de Rennes. Greg Rosenke / Unsplash
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ETX Daily Up

(AFP) - Si la France caracole en tête des récompenses en mathématiques, elle fait figure de mauvais élève pour ce qui est de la parité homme/femme chez ses chercheurs: une équation que les mathématiciens veulent résoudre.

Avec moins de 25% de femmes chez les enseignants-chercheurs et chercheuses en mathématiques à l'université et dans les organismes de recherche, les maths font figure de "cancres des disciplines scientifiques" en matière de parité des genres, déplore Marie-Françoise Roy, professeure émérite à l'Université de Rennes.

"Tout le monde est d'accord sur le constat mais quand il y a des choses à remettre en cause on n'y touche pas", juge sévèrement la scientifique qui observe que ce chiffre est "constant depuis 15 ans".

En mathématiques dites pures ou fondamentales, la proportion des femmes est même encore plus faible chez les professeurs: 7%.

Pour expliquer ce phénomène, les scientifiques usent de la métaphore du "tuyau percé": la part des femmes dans les sciences fondamentales en général, et en mathématiques en particulier, s'amenuise au gré de leur progression dans ces disciplines jusque dans le monde professionnel.

Un déséquilibre qui naît dès l'enseignement secondaire, voire primaire, mettent en avant des chercheurs réunis à l'occasion d'une table ronde aux Assises des Mathématiques organisées à Paris par le CNRS.

Le retour d'un enseignement obligatoire de mathématiques pour tous les lycéens de la filière générale pour la classe de première à la rentrée 2023 est-il dès lors une bonne nouvelle?

Par effet domino, une première mouture de la réforme du lycée lancée en 2019 avait en effet provoqué un effondrement du nombre de filles suivant la spécialité maths avec un enseignement renforcé de la discipline en vue du bac.

Les participants à la table ronde délivrent donc un bon point à l'Education nationale même si d'autres mathématiciens réunis en collectif se montrent davantage sceptiques.

Pour ce qui est du supérieur ou la recherche, "les filles décrochent parce qu'elles ne sont pas écoutées, reconnues et promues suffisamment", avance la professeure Roy, en appelant la communauté mathématique à un "examen de conscience collectif sur le sujet".

- le tabou des quotas -

Mais au-delà des politiques consistant à lutter contre les stéréotypes de genre dès le primaire, la bonne formule reste encore à découvrir.

Plusieurs universitaires ou chercheurs pointent du doigt l'obligation de mobilité géographique, qui contraint les promus à un poste de maître de conférence ou de professeur à changer d'institution. Une obligation beaucoup plus mal vécue par les femmes que les hommes.

Le sujet sensible des quotas fait également partie de l'équation. Selon Guillaume Hollard, professeur d'économie à la prestigieuse École polytechnique, l'"X" (le surnom de l'établissement, ndlr) "plafonne à 10-12% de femmes au point que l'école réfléchit si elle ne va pas imposer 20% de femmes, avec des quotas".

Les quotas ont été un "tabou absolu" pendant longtemps, complète Marie-Françoise Roy, qui est aussi présidente de la Commission pour les femmes en mathématiques de l'Union mathématique internationale.

Elle fait état d'un consensus croissant dans la communauté des mathématiciens pour des "mesures favorisant l'intégration et la promotion" des femmes, en remarquant que des pays comme l'Allemagne et les États-Unis ont mieux réussi dans ce domaine depuis quelques dizaines d'années.

Pour Étienne Ghys, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences qui compte "13% de femmes membres", la situation s'améliore lentement depuis que l'institution exige d'avoir autant de candidates que de candidats.

Si comme le rappelle Stéphane Jaffard de l'Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI), "il y a beaucoup d'études et initiatives prises en faveur de la parité", le problème est leur absence d'évaluation scientifique.

Ces programmes "sont difficiles à évaluer parce qu'ils n'ont pas été construits pour ça", explique Guillaume Hollard. Un deuxième "blocage" résidant selon lui dans le temps trop long pour obtenir des données permettant d'évaluer l'efficacité d'un programme.

Paradoxalement, a remarqué Etienne Ghys, "la communauté mathématique n'aime pas trop être évaluée de manière numérique". Un comble pour des scientifiques chevronnés!

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