"En récompensant chaque don, nous valorisons les vêtements qui dorment dans nos placards" (Valentine Silvin Collon - Redonner)

  • A l'occasion de la Journée mondiale de l'océan, Valentine Silvin Collon, co-fondatrice de Redonner, revient sur l'évolution des comportements des consommateurs en matière de recyclage.
    A l'occasion de la Journée mondiale de l'océan, Valentine Silvin Collon, co-fondatrice de Redonner, revient sur l'évolution des comportements des consommateurs en matière de recyclage. Wachiwit / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - 170.000 milliards de morceaux de plastique flotteraient à la surface des océans, d'après une récente étude publiée dans la revue PLOS One. Et l'industrie de la mode, si elle n'est pas seule responsable de cette pollution, y contribue grandement, ne serait-ce que via les microfibres plastiques rejetés chaque année dans les fonds marins, la surproduction, et des lacunes en matière de recyclage. Constat qui a donné naissance à la start-up Redonner, lancée en pleine pandémie de Covid-19, qui récompense le don de vêtements pour sensibiliser le public à la mode circulaire. A l'occasion de la Journée mondiale de l'océan, organisée le jeudi 8 juin, Valentine Silvin Collon, sa co-fondatrice, revient sur l'impact de cette initiative qui a déjà permis de collecter 78 tonnes de textiles et chaussures, soit 1.800 tonnes de CO2 évitées.

Redonner a été fondé en pleine pandémie, en mai 2020. Avez-vous observé un changement d'habitudes en matière de recyclage en trois ans ?

Complètement ! Il y a trois ans, nous sentions que nous étions un peu en avance sur notre temps, pour les marques comme pour les consommateurs. L’heure était alors plutôt à la seconde main, au vintage. Aujourd’hui, et particulièrement cette année, la question du recyclage et de la gestion des déchets textiles est sur toutes les lèvres, portée par les médias comme le gouvernement ! On ressent vraiment une plus grande traction ces derniers mois auprès des consommateurs et des marques qui sont de plus en plus nombreuses à nous contacter pour se positionner sur le sujet.

D'après l'Ademe, les Européens se débarrassent chaque année de quatre millions de tonnes de textile, dont 80% sont jetés à la poubelle pour ordures ménagères. Pourquoi le recyclage n'est-il toujours pas devenu un réflexe en 2023 ?

Le nœud du problème c’est le manque d’information. Beaucoup pensent que leurs vêtements ou chaussures usés ne méritent que de terminer à la poubelle. Soit parce qu’ils ne savent pas qu’ils peuvent être recyclés, ou bien parce qu’ils n’osent pas donner des vêtements en mauvais état aux associations. Alors qu’en réalité tous pourraient avoir une nouvelle vie ! La filière textile française, dont font partie Emmaüs, La Croix-Rouge, Le Relais, pour ne citer que les associations les plus connues, assure déjà un taux de revalorisation de 98% de ce qu’elle collecte… Et ce, même si 44% ne sont pas en assez bon état pour être revendus en seconde main.

Le concept de Redonner s'adresse aux particuliers, mais les pays membres de l'UE ont récemment fait part de leur volonté d'interdire la destruction des vêtements neufs invendus. Faut-il aussi faciliter et encourager le recyclage auprès des professionnels du textile ?

Bien sûr qu’il faut prendre en compte tous les déchets textiles ! D’ailleurs Redonner travaille main dans la main avec les particuliers et les professionnels du textile. Il existe deux types de déchets textiles : ceux issus de la fabrication - et donc jamais portés - et ceux post-consommation - vendus et portés. Redonner intervient sur la deuxième branche en permettant aux marques d’inciter leurs clients à recycler les vêtements qu’ils ne portent plus. Mais il est évident qu’il faut aussi apporter des solutions en amont, pour tous les textiles qui n’ont même pas été vendus. Une belle manière d’empêcher leur destruction est de les donner aux collecteurs - trieurs qui ont déjà l’habitude de traiter le post-consommation. En l'occurrence aux associations comme Emmaüs, La Croix-Rouge, ou Le Relais, entre autres, vers qui nous orientons les marques qui nous posent la question d’un débouché pour éviter la destruction de leurs invendus.

Vous proposez aujourd'hui plus de 40.000 points de collecte, parmi lesquels justement ceux du Relais, d'Emmaüs, ou encore de La Croix-Rouge. Pourquoi ce choix ?

Dès le début, nous avons fait le choix de mettre en lumière les points de collecte déjà existants de la filière du tri et du recyclage. La raison de ce choix est double. Il s'agissait d'abord d'éviter de créer une logistique supplémentaire à celle déjà en place. Avec plus de 40.000 points de collecte, 86% de la population française peut déposer ses vêtements à moins de cinq minutes de chez elle. Plutôt que de créer de nouveaux flux avec un impact CO2 supplémentaire, nous avons préféré nous intégrer aux flux existants. C’est ce que nous continuons de faire aujourd’hui dans le développement de notre solution de collecte en boutique en intégrant les boutiques devenues points de collecte aux circuits habituels des collecteurs. Mais cette décision vient aussi d’une profonde envie de soutenir la filière du tri et du recyclage plutôt que d’agir dans notre coin ! En augmentant les volumes collectés nous permettons à cette filière de s’industrialiser et de grandir. Et nous permettons aussi le financement de toutes ces associations qui font partie de l’Economie Sociale et Solidaire et ont besoin des dons de vêtements pour perdurer.

Quels types de vêtements et d'accessoires peuvent être déposés dans vos points de collecte ?

Absolument tous ! Vêtements, sous-vêtements, chaussures et linge de maison, peu importe leur état, peuvent être déposés dans les points de collecte identifiés sur notre site ou ceux de nos marques partenaires. Même un collant filé ou une chaussette orpheline, c'est dire ! La seule condition est qu’ils soient propres et secs puisque tous seront triés à la main. En fonction de leur état, leur composition, leur marque, ils seront envoyés sur plusieurs circuits de revente ou de recyclage. Pour tous ceux que l’on ne sait pas encore bien recycler, ils ne seront pas jetés mais revalorisés en énergie sous la forme de briquettes de combustible solide de récupération. En fait, moins de 1% des vêtements déposés terminent à la poubelle.

Quel chemin font les vêtements et chaussures déposés dans ces points de collecte ?

Tous rejoignent d’abord l’un des soixante-six centres de tri en France pour être triés à la main en plus de vingt catégories. Pour tous les textiles qui peuvent être réutilisés, de l'ordre de 56%, ils sont ensuite triés une seconde et même une troisième fois par marque, typologie, saison, etc. On sépare aussi les pièces de grandes marques, les pièces vintage, ou très spécifiques pour les revendre à part ! Tout est conditionné en cartons avant de partir chez des revendeurs de seconde main en France ou à l’export - vers l’Afrique et l’Europe de l’Est. Pour le reste, les textiles et chaussures partent vers plusieurs filières de recyclage. En France, la majorité se fait aujourd’hui en boucle ouverte pour devenir de l’isolant, du rembourrage, des matériaux de construction, etc. Ces dernières années nous avons vu de nombreux projets naître comme Renaissance Textile, Refact, ou Revival qui permettent de faire du recyclage en boucle fermée et ainsi réintroduire la matière dans la filière textile. Et ce n’est que le début !

L'upcycling est devenu en trois années l'une des solutions envisagées par les marques pour revaloriser les déchets. Est-ce que Redonner pourrait à terme vendre les vêtements collectés pour produire du neuf ?

Non pas vraiment puisque, comme expliqué, nous ne collectons rien nous-même mais faisons appel aux collecteurs déjà présents en France. Beaucoup d’entre eux ouvrent déjà les portes de leurs centres de tri aux créateurs d’upcycling pour leur permettre de sélectionner de la matière. Mais monétiser ce gisement n’est a priori pas un projet pour nous.

La récompense par le don est-elle le seul moyen de faciliter le recyclage aujourd'hui ?

Nous observons que les consommateurs ont besoin de voir leurs gestes valorisés. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le faire ! Toutes les plateformes de seconde main proposent en fait aux particuliers de monétiser ce qu’ils ont dans leurs placards tout en faisant un geste écologique. En récompensant chaque dépôt grâce à nos marques partenaires, nous valorisons les vêtements, même usés, qui dorment dans nos placards. Mais nous valorisons aussi le geste responsable de ceux qui prennent le temps de faire le tri et de se rendre en point de collecte ! Pour beaucoup de nos utilisateurs, cette récompense est vraiment le point d’entrée pour passer à l’action ! Nous leur demandons un effort, mais cela ne va pas sans contrepartie. Cette récompense est d’autant plus appréciée en ce moment par des consommateurs qui ont un budget de plus en plus restreint et sont aussi à la recherche de bons plans.

Combien de vêtements ont été collectés depuis la création de Redonner ?

Difficile de compter le nombre exact de vêtements, mais en trois ans nous avons collecté 78 tonnes de textiles et chaussures ! C'est l'équivalent de 1.800 tonnes de CO2 évitées, soit les émissions de 1.800 vols aller-retour Paris/New York pour une personne !

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