Lucas, Ambre, Lindsay... Après la série de suicides d’adolescents victimes de harcèlement scolaire, Pap Ndiaye met la pression

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  • La succession, ces derniers mois, de suicides d’adolescents victimes de harcèlement scolaire a provoqué une réaction au plus haut sommet de l’exécutif.
    La succession, ces derniers mois, de suicides d’adolescents victimes de harcèlement scolaire a provoqué une réaction au plus haut sommet de l’exécutif. Capture d'écran
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Richard Gougis

Après la tragique série de suicides d’ados, le ministre de l'Education annonce un durcissement de la lutte.

La succession, ces derniers mois, de suicides d’adolescents victimes de harcèlement scolaire a provoqué une réaction au plus haut sommet de l’exécutif.

Très investie sur ce sujet, Brigitte Macron, ancienne professeure, avait reçu jeudi dernier la maman de Lindsay, cette adolescente de 13 ans qui avait mis fin à ses jours le 12 mai dans le Pas-de-Calais. La première dame de France lui avait promis d’intensifier la lutte contre ce fléau. Ce lundi 12 juin, en écho, le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye a annoncé un changement de braquet avec des mesures fortes destinées à faire de cette lutte "la priorité absolue de la rentrée 2023".

L’Éducation nationale pensait avoir pris la mesure du problème mais sur le terrain, la lourdeur du système rend encore trop fréquent le fait de sous-estimer ou de banaliser certains comportements. Voici ce qui devrait changer.

1. Pression sur la hiérarchie

Pap Ndiaye organise ce mardi 13 juin une réunion en visioconférence avec l’ensemble des recteurs, des directeurs départementaux et les 14 000 chefs d’établissement du pays. Le but ? Rappeler l’ensemble des leviers à leur disposition et recueillir leurs remontées de terrain. Clairement, le ministère ne veut plus se voir reprocher une inaction coupable après le geste désespéré d’un ou d’une élève. Cela avait été le cas dans les affaires récemment médiatisées. Pour Lucas dans les Vosges, Ambre dans la Drôme ou Lindsay dans le Pas-de-Calais, les parents avaient dénoncé une inaction de la hiérarchie scolaire malgré des signalements répétés.

Le ministère affirme qu’il sera désormais "obligatoire d’engager une procédure disciplinaire contre les auteurs de faits de harcèlement". Le syndicat des chefs d’établissement (SNPDEN) tempère toutefois ces annonces en précisant qu’il "s’agissait déjà de la procédure à suivre".

2. Sensibilisation de tous les collégiens

Le ministre exige la mise en place dès cette semaine d’une heure de sensibilisation sur le thème “harcèlement et réseaux sociaux” pour les 3,4 millions de collégiens. Une séance dont le but sera de "souligner la responsabilité de chacun dans l’usage des réseaux sociaux" et de répondre aux questions des élèves.

3. Plus d’expulsions d’élèves harceleurs

Jusqu’à présent, il était très compliqué d’exclure un élève harceleur en école primaire sans l’accord de ses parents. À partir de la rentrée 2023, le Dasen (Direction des services départementaux de l’Éducation nationale) pourra le changer d’office d’école avec l’accord du ou des maires concernés. Les chefs d’établissement ont aussi pour consigne de signaler les faits préoccupants aux procureurs.

4. Référents pour déployer pHARe

Le programme pHARe de l’éducation nationale est en cours de déploiement au niveau national et sera étendu à la rentrée prochaine à tous les lycées et écoles primaires. Il prévoit notamment la mise en place d’élèves ambassadeurs pour recueillir la parole d’élèves harcelés.

Pour accélérer sa mise en place, le ministère annonce la désignation d’un adulte référent harcèlement (infirmier, CPE, professeur) dans chaque établissement, moyennant une rémunération supplémentaire. Certaines associations impliquées dans ce programme déplorent l’absence d’évaluation.

Conscient que ce combat se joue aussi sur les réseaux sociaux, Pap Ndiaye a rencontré la semaine dernière le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et les dirigeants de Meta France (Facebook, Instagram et WhatsApp) et de TikTok. Le tout pour un chantier colossal : détecter les contenus haineux et les bannir de la toile.

Chefs d’établissement très remontés

Les chefs d’établissement n’ont guère apprécié ces annonces de dernière minute, en particulier l’obligation d’improviser une heure de sensibilisation à tous les collégiens en pleine organisation des conseils de classe et examens de fin d’année. "C’est maladroit car ça laisse à penser qu’il ne se faisait rien jusqu’à présent, ce qui est faux, résume Florent Martin, proviseur à Argelès (P-O) et secrétaire académique du SNPDEN (Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation Nationale). C’est un temps d’annonce politique et contre-productif. Ce problème grave nécessite un travail de fond. Il aurait été plus judicieux de se poser pour réfléchir sur la bonne façon de sensibiliser les élèves à le rentrée prochaine." "Il y a des situations qui nous échappent et notre devoir, c’est de mieux les détecter, reconnaît Florent Martin. Il y a sans doute une prise de conscience mais elle passe par plus de moyens. Beaucoup de choses reposent sur les CPE qui croulent sous les tâches diverses. Infirmiers et psychologues ont aussi besoin d’être aidés. Il est aussi important d’intégrer les enseignants au dispositif car ils sont au plus près de l’élève pour détecter des signes alarmants."
 


 

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