Sous-marin Titan : "Vous allez tuer quelqu'un", les avertissements ignorés d'OceanGate refont surface

  • Une très probable "implosion catastrophique" a coûté la vie aux cinq personnes à bord de Titan.
    Une très probable "implosion catastrophique" a coûté la vie aux cinq personnes à bord de Titan. MAXPPP - OceanGate
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Centre Presse Aveyron

La société OceanGate Expeditions au centre des critiques après la mort des cinq passagers.

L’odyssée tragique des passagers du Titan soulève de multiples questions. Le submersible de la société américaine OceanGate Expeditions, dans lequel ont péri ces cinq hommes de 19 à 77 ans partis explorer l’épave du Titanic, était-il adapté pour assurer de telles descentes dans les abysses de l’océan ? Le scénario esquissé jeudi soir par les gardes-côtes américains, celui d’une "implosion catastrophique" du sous-marin, apporte un début de réponse.

Selon le Wall Street Journal, l’US Navy a détecté dimanche "une anomalie pouvant correspondre à une implosion ou une explosion dans la zone où le Titan opérait quand les communications ont été perdues".

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C’est là, aux côtés de l’épave du Titanic, que de larges débris correspondant à cinq pièces du sous-marin ont été découverts par un robot, à 4 000 mètres de profondeur. Alors que des investigations sont lancées, la piste d’une implosion pourrait accréditer, à ce stade, l’hypothèse d’une défaillance de l’appareil. Le Titan avait déjà plongé à cette profondeur. Mais de nombreux doutes avaient été émis sur la sécurité à bord, et notamment sur sa coque en fibres de carbone. Avant d’embarquer à bord dimanche, l’océanologue français Paul-Henri Nargeolet avait lui même confié à ses proches ne "pas avoir confiance en ce nouveau sous-marin en matériau composite".

"Avertissements ignorés"

David Lochridg, ancien directeur des opérations marines d’OceanGate, avait, lui, été licencié, après avoir affirmé en 2018 que le hublot de 60 centimètres à l’avant du submersible avait été conçu pour résister à une pression de 1 300 m de profondeur et non de 4 000 m. Des doutes sur la sécurité du Titan avaient également été soulevés, cette année-là, lors d’un symposium d’experts en sous-marin. "Cet engin n’était absolument pas équipé pour être sauvé en cas de soucis en eaux profonde", pointe Bertrand Sciboz, expert maritime en recherche sous-marine.

Embarqué à bord du Titan l’été dernier, le journaliste David Pogue explique d’ailleurs que le sous-marin avait perdu le contact pendant plusieurs heures avec le navire de surface. Il s’était inquiété de l’aspect "MacGyveresque" de ce submersible de la taille d’un van, piloté avec une manette de jeu vidéo. Le fabricant du Titan avait choisi de ne pas faire certifier l’engin par un organisme indépendant. Will Kohnen, président du comité sur les submersibles habités de la Marine Technology Society (MTS), avait prévenu Stockton Rush, le PDG d’OceanGate mort lui aussi dans l’accident, que cette décision pourrait avoir des conséquences "catastrophiques".

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"Un certain nombre des principaux acteurs de la communauté des ingénieurs spécialisés dans la submersion profonde ont même écrit des lettres à l’entreprise pour lui dire que ce qu’elle faisait était trop expérimental pour transporter des passagers", explique le réalisateur du film Titanic, James Cameron, qui dénonce des "avertissements ignorés" et appelle à une certification obligatoire de ces appareils.

"Vous allez tuer quelqu'un"

La chaîne américaine BBC a également révélé des mails échangés entre le patron d'OceanGate et le spécialiste en exploration profonde, Rob McCallum. "Je pense que vous vous placez potentiellement, vous et vos clients, dans une dynamiqu dangereuse", écrivait-il en 2018. "Vous allez tuer quelqu'un", craignait le spécialiste.

La donne pourrait-elle changer ? Jusqu’ici, aucun décès n’avait été enregistré en plus de soixante ans de voyages de civils en eaux profondes. Le monde devra en tirer "des leçons", prévient Charles Haas, président de la Titanic International Society. Ce premier accident mortel à bord d’un submersible de tourisme en haute mer entraîne déjà des appels à un renforcement des règles de sécurité. "Les questions relatives aux réglementations applicables et aux normes seront, j’en suis sûr, au centre d’un futur examen", estime le contre-amiral John Mauger, garde-côte américain. Mais ces sous-marins ont la plupart du temps plongé dans des eaux internationales qui échappent au contrôle des États.

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Quel avenir pour le tourisme par sous-marin ?

La Titanic International Society appelle à mettre un terme aux visites habitées de l’épave la plus célèbre au monde. "La meilleure façon de préserver l’héritage de ces cinq explorateurs est de mener une enquête, de découvrir ce qui n’a pas fonctionné, d’en tirer les leçons et d’aller de l’avant", rétorque Guillermo Söhnlein, cofondateur d’OceanGate.

Les familles des victimes du Titan attaqueront-elles l’entreprise, malgré les décharges signées par les passagers avant l’expédition ? Le Titan est un "navire submersible expérimental qui n’a été ni approuvé ni certifié par aucun organisme de régulation et pourrait entraîner des blessures physiques, des traumatismes émotionnels ou la mort", prévenait le document.

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