L'Aveyron, terre de cinéma : Farrebique et Biquefarre, uniques dans l’histoire du cinéma français

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  • Georges Rouquier au clap en 1945. Georges Rouquier au clap en 1945.
    Georges Rouquier au clap en 1945. Espace Georges Rouquier / Repro CPA
  • André Benaben et Jean-Claude Trebosc font vivre l’espace Georges Rouquier en assurant sa coprésidence et en contant aux gens de passage cette belle histoire du cinéma.
    André Benaben et Jean-Claude Trebosc font vivre l’espace Georges Rouquier en assurant sa coprésidence et en contant aux gens de passage cette belle histoire du cinéma. Centre Presse - Joel Born
Publié le , mis à jour
Philippe Routhe

Cet été, Centre Presse vous emmène sur ces sites aveyronnais qui ont servi de cadre au tournage de films et autres séries. Du Larzac à l’Aubrac en passant par l’Ouest-Aveyron, dans les châteaux et les villages du département, le décor naturel de l’Aveyron a souvent inspiré les réalisateurs. Aujourd'hui, la saga de Georges Rouquier, cinéaste hors norme, qui a son espace à Goutrens. 

Farrebique en 1946. Biquefarre en 1983. S’il y a bien un pan de cinéma qui a marqué l’Aveyron à jamais, c’est ce diptyque unique dans le cinéma français signé Georges Rouquier. À 38 ans d’écart, le cinéaste est venu filmer le quotidien de ce hameau qui abrite la ferme paternelle. La France paysanne.

Farrebique. Ce film, par son originalité et son sujet, qui fait de la nature la star principale, bouscule le cinéma français, et donne un nom à Georges Rouquier. Il a 29 ans quand, avec une petite équipe, il tourne l’histoire des Rouquier, dans cette ferme nichée à quelques mètres de Goutrens. Le jeune réalisateur va s’inscrire dans le rythme des saisons pour donner tout le poids de l’authenticité à ce film que l’on décrit comme un documentaire à peine romancé. Georges Rouquier ignore encore le retentissement qui se prépare.

Cannes, Venise, Paris

Remarqué par le festival de Cannes de 1946, Grand prix du cinéma français cette même année, sélectionné à la Mostra de Venise, Farrebique reste un "phénomène" cinématographique. Tourné qui plus est avec les paysans du hameau dans leur propre rôle. Ce film-là est une sorte d’instantané de la vie dans la campagne française au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Quarante ans plus tard, Biquefarre. Au début des années 80, Georges Rouquier entreprend de faire le pendant de Farrebique. Il tourne Biquefarre et met à nouveau tout le village au diapason.

C’est grâce aux Américains, pour qui Farrebique reste un monument du film français, que Rouquier trouvera les fonds nécessaires pour ce tournage Biquefarre. Une équipe un peu plus élargie avec huit à dix techniciens, une histoire un peu plus romancée, un tournage resserré sur sept – huit semaines, mais toujours des comédiens du terroir. Résultat, à l’aube des années 80 : le succès est éclatant pour Biquefarre. Et Farrebique son inséparable.

Le 26 mars 1984, à la salle des fêtes de Rignac, il y avait près de 700 personnes pour voir l’avant-première mondiale", glisse Jean-Claude Trebosc, coprésident de l’association qui gère l’espace Georges Rouquier à Goutrens. "Le président du Département, l’évêque et même le producteur américain étaient présents".

Le lendemain, Biquefarre est sur tous les grands écrans. Il restera trois mois à Rodez et enregistrera plus de 25 000 spectateurs. Il décrochera le grand prix spécial du jury du festival de cinéma de Venise. Inscrivant définitivement ce diptyque dans l’histoire du cinéma français.

En créant l’espace Georges Roquier dans le village de Goutrens, les habitants continuent de faire vivre Farrebique et Biquefarre. "On devait bien cela à Georges", souffle André Benaben, l’autre co-président de l’association. "Sans ses films, le cinéma aurait été orphelin de quelque chose".

La visite de Costa Gavras

Avec Jean-Claude Trébosc, ils font partie des nombreux habitants qui ont tenu un rôle dans la réalisation de Biquefare. Jean-Claude à la régie et André sur le plateau. Il avait trente ans et à l’instar et s’est retrouvé devant la caméra. "C’est un grand souvenir. D’autant que Georges et son équipe nous mettaient tous très à l’aise. Ils voulaient que l’on reste naturel", se souvient André Benaben.

"C’est une chance qui nous a été donnée de tourner dans ce film. C’était assez impressionnant aussi, surtout quand on se voit ensuite le grand écran de cinéma. Au début, je n’ai pas vu le film. J’ai surtout vu tout ce qu’il y avait autour", raconte André Benaben.

Cette chance, Jean-Claude Trebosc la mesure également avec l’amitié qu’il a nouée au fil du temps avec Costa Gavras, grand ami de Georges Rouquier. Le réalisateur de "Z" ou de "Missing" a d’ailleurs fait le voyage jusqu’à Goutrens, en 2018, pour visiter l’espace dédié au cinéaste aveyronnais. "Nous sommes toujours en contact, et chaque fois que je le vois, il me demande comment ça va au pays !", sourit le coprésident. "Pour lui, Farrebique lui parlait de sa jeunesse dans le Péloponnèse".

Cette amitié entre Rouquier et Gavras souligne la dimension de Georges Rouquier dans l’univers du cinéma. Auteur de nombreux films, dont un avec Jean Marais ("SOS Noronha"), Lourdes et ses miracles ou "Malgovert", aujourd’hui encore Georges Rouquier, s’il n’est pas dans le box-office du grand public, est enseigné dans les écoles de cinéma.

Projection ce mercredi 9 août

L’espace Georges Rouquier, au cœur même du village, dévoile tout cela dans une scénographie très accessible. "On organise également des projections en plein air, de Farrebique et Biquefarre, à la demande des gens. Début juillet, à Bournazel, quatre-vingts personnes avaient fait le déplacement à Farrebique. Et ce 9 août, à 21 h 30 à Goutrens, on projettera Biquefarre en présence de William Gilcher, un des co-producteurs du film.. Puis on recommencera l’été prochain", explique Jean-Claude Trébosc.

Presque 80 ans après le tournage de Farrebique, 40 ans après celui de Biquefarre, Goutrens est véritablement le gardien de l’œuvre de l’enfant du pays…

Visiter l’espace Georges-Rouquier et marcher sur les traces du tournage

L’espace Georges-Rouquier, ouvert au cœur du village de Goutrens, en 2011, met en lumière tout le travail du cinéaste. Au gré d’une scénographie bien orchestrée, on suit la vie du réalisateur du tournage de Farrebique à celui de Biquefarre.

Actuellement une exposition temporaire est à voir jusqu’en septembre : "Biquefarre 40 ans" (puis à la Médiathèque de Rignac en novembre). Le village propose également une balade de huit kilomètres, avec très peu de dénivelés, reliant les sites importants de tournage des deux films, avec, qui plus est, des passages sur des sites où la vue est véritablement à couper le souffle.


 

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