INTERVIEW. Handicap et éducation : "L’enjeu, c’est d’améliorer l’inclusion scolaire en milieu ordinaire"

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  • Marie Lascoumes est la directrice de l'IME La Roquette en Aveyron.
    Marie Lascoumes est la directrice de l'IME La Roquette en Aveyron. Centre Presse Aveyron - Jennifer Franco
Publié le , mis à jour
Recueilli par Jennifer Franco

L’Institut médico-éducatif de La Roquette, à Sévérac-d’Aveyron, est le seul établissement spécialisé du département, à accompagner les enfants et les jeunes adultes avec un trouble du spectre de l’autisme. Entretien avec sa directrice, Marie Lascoumes.

En France, 700 000 personnes souffrent d’autisme, dont 100 000 enfants. Si l’école devient inclusive, la prise en charge des enfants autistes reste inégale.

En Aveyron, l’Institut médico-éducatif La Roquette, que dirige Marie Lascoumes, est géré par l’association départementale des pupilles de l’enseignement public (ADEPEP12). L’ARS a investi 5,5 M€ pour offrir à la structure, qui comprend 40 places d’internat et 18 places d’accueil de jour, un lieu adéquat pour accompagner ces enfants, adolescents et jeunes adultes, entre autres, dans leur scolarité et à les préparer à l’après-IME que ce soit en milieu ordinaire ou dans d’autres structures adaptées.

Qu’est-ce que l’autisme, un handicap encore mal connu ?

L’autisme est un cas particulier dans le champ du handicap. C’est un trouble qui a été documenté assez tardivement. Dans les années 70-80, on lui attribuait uniquement une entrée psychologique, c’est-à-dire, un défaut d’attachement, des enfants positionnés sur un repli volontaire ou du moins qui se seraient coupés dans la relation au monde.

Concrètement, les enfants et adultes autistes étaient accueillis en hôpital psychiatrique avec un suivi exclusivement dans le domaine sanitaire. On se concentrait d’abord sur la guérison de leur autisme, et ensuite, pouvait être envisagée une scolarité.

Il a fallu attendre 1995 pour que la recherche avance et que l'autisme soit reconnu comme un handicap et plus comme une maladie. Cela a permis un accès aux structures d’accompagnement médico-sociales et pour certains, au milieu scolaire ordinaire. En France, la scolarisation des enfants en situation de handicap a longtemps été confiée aux instituts médico-éducatifs (IME) en parallèle de l’école.

Aujourd’hui, l’enjeu c’est de rapprocher l’école ordinaire et les acteurs du secteur médico-social pour améliorer l’inclusion en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap.

On parle d’ailleurs de trouble du spectre de l’autisme (TSA) ?

L’autisme, c’est une manière de fonctionner, une forme d’intelligence particulière. Les personnes autistes sont atteintes de manière très différentes. Elles ont une sensorialité qui diffère (bruits, odeurs). Le point commun, c’est un déficit dans le domaine de la communication, dans les centres d’intérêt et dans les interactions sociales à des degrés divers. Forcément, la réponse en termes d’accompagnement et de scolarisation va être différente, en fonction des besoins particuliers de l'enfant.

La loi du 11 février 2005 a-t-elle eu un effet donateur ?

La grande loi qui a réaffirmé le droit à la scolarisation des enfants en situation de handicap, c’est effectivement celle de 2005. En priorité, en milieu ordinaire. Elle prévoit que tout enfant souffrant d'un handicap a le droit de suivre une scolarité continue et adaptée en milieu ordinaire, au plus près de son domicile. Dans la mise en œuvre, du temps a passé avant que cela devienne effectif.

En 2013, une seconde loi très importante, dite elle de refondation de l’école, rappelle la dimension inclusive que doit avoir l’école. Hélas, malgré les avancées, il y a des listes d’attente et pas encore autant de places que de besoins.

Comment le TSA est-il diagnostiqué ?

Le diagnostic est une étape capitale. Plus le TSA est diagnostiqué tôt, plus on peut engager un processus de prise en charge et d’accompagnement tôt. Tout dépend du contexte familial dans lequel l’enfant évolue. C’est le plus souvent, lorsqu’il rentre en société, que le diagnostic fonctionnel est posé. L’autisme, c’est aussi le handicap de l’ajustement social dans toutes les relations. Cela touche davantage les garçons (4 garçons pour une fille).

Ce qui est acté au niveau de la recherche, c’est que l’autisme, est un trouble du neuro-développement, c’est-à-dire un problème de traitement des informations par le cerveau au même titre que la dyslexie, la dysphasie. Ce qui a permis de mieux comprendre ce handicap, ce sont les personnes autistes elles-mêmes qui expliquent comment elles voient le monde. En revanche, on n’en connaît pas encore formellement l'origine. Il y aurait un facteur génétique car il existe des fratries d’enfants autistes.

Mais le cerveau, c’est l’organe du corps humain que l’on connaît encore le moins. L’équipe du Docteur Bagdali du CRA (centre de ressources autisme) du Languedoc-Roussillon, basé à Montpellier, travaille, par exemple, actuellement sur la question des facteurs environnementaux, les perturbateurs endocriniens, les pollutions atmosphériques comme possibles causes des TSA.

Quelles sont les réponses ?

La scolarisation des enfants et jeunes autistes constitue l’un des axes prioritaires de la stratégie pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement, avec la mise en place de modalités de scolarisation adaptées. Notre travail, ensuite, va être d’accompagner vers le milieu adulte.

En Aveyron, l’IME La Roquette dispose de 40 lits d’internat pour enfants, adolescents et jeunes adultes présentant un TSA, 18 places d’accueil de jour et 5 places d’accompagnement en milieu ordinaire. L'établissement propose  par ailleurs plusieurs dispositifs en Aveyron. Au total, 113 places.

Un projet d’habitat inclusif et un projet d’Unité d'enseignement élémentaire automatisme

L’ADPEP12 a pour un projet de développer de l’habitat inclusif en partenariat avec l’Union départementale des associations familiales (UDAF 12). Il s’agira d’un appartement en colocation pour trois adultes autistes avec l’appui ponctuel d’un éducateur. "Cela permettra à de jeunes adultes avec TSA de prendre leur envol, en accédant à un logement autonome, tout en ayant un filet de sécurité".

Autre projet, un appel à projet a été lancé par l’ARS pour ouvrir, à Millau, la première UEEA (unité d’enseignement en élémentaire autisme) de l’Aveyron destiné aux 6-12 ans. L’ADPEP12 a déposé sa candidature pour porter ce nouveau dispositif.

 

Il existe plusieurs réponses en matière de scolarisation pour les enfants avec TSA : la scolarisation individuelle avec appui médico-social, c’est-à-dire que l’élève est scolarisé dans sa classe de référence, sans ou avec un accompagnement personnalisé ; les Ulis (unité locale d’inclusion scolaire) où l’élève est scolarisé dans sa classe de référence et bénéficie d’un accompagnement ; le dispositif d’autorégulation (lire ci-dessous) ; les UEMA (unité d’enseignement en maternelle autisme, voir ci-contre) ; les UEE (unité d’enseignement externalisée) rattachées à l'IME. À cela, il faut ajouter les 28 places du Sessad autisme (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) composé d’une équipe pluridisciplinaire qui accompagne l’enfant dans tous ses lieux de vie (école, domicile, etc.)

La prise en charge des troubles de l’autisme commence dès la maternelle, une priorité ?

Une prise en charge précoce est essentielle pour soutenir la scolarisation en milieu ordinaire. Dès 2016, en Aveyron, l’école maternelle s’est ouverte peu à peu aux enfants autistes. En 2016, à Rodez, l'ADPEP12 a ouvert la première Unité d’enseignement maternelle adaptée autisme (UEMA), puis en 2021, une seconde unité, à Millau, pour mailler le territoire. Ces unités destinées aux 3-6 ans qui n’ont pas suffisamment d’autonomie pour entrer en classe maternelle avec une AEHS (accompagnant des élèves en situation de handicap), sont implantées en milieu ordinaire.

Les enfants (14 places au total) sont scolarisés à temps plein. Il y a un enseignant spécialisé associé à trois éducateurs et des thérapeutes (orthophoniste, psychologue, psychomotricien). D’où l’importance du diagnostic précoce. La chance de l’Aveyron, c’est que c’est un petit territoire. Malgré les difficultés, cela reste du sur-mesure. Il faut du temps. C’est important d’accompagner les enseignants, de les former. Il faut être là pour faire de la pédagogie, expliquer.

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