De Salles-Curan à l’Australie, Geneviève Thibaux a embrassé son rêve d’aventure

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  • Geneviève Thibaux retrouve sa terre natale de Salles-Curan tous les étés, pour échapper à l'hiver australien.
    Geneviève Thibaux retrouve sa terre natale de Salles-Curan tous les étés, pour échapper à l'hiver australien. L'Aveyronnais - Marie-Pierre Pougenq
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Margot Pougenq

Partie vers l’Australie en 1972, dans le cadre du vaste programme d’immigration post-Seconde Guerre mondiale, Geneviève Thibaux y a trouvé une terre d’accueil. Et, plus de 50 ans après le périple qui lui a ouvert les portes de Sydney, elle reste accrochée à ses racines aveyronnaises.

Homme libre, toujours tu chériras la mer !" Tel est le vers avec lequel Charles Baudelaire ouvre son poème "L’homme et la mer". Et tel est un vers qui pourrait résumer le chemin emprunté par l’Aveyronnaise Geneviève Thibaux qui a quitté son village natal au début des années 1970 pour voguer vers de nouveaux horizons. Et un sentier qui l’a conduit à enseigner le français à Sydney jusqu’à ses 70 ans. "Je trouvais que mon univers de Salles-Curan était trop limité", se souvient-elle, 51 ans plus tard. Revenue sur ses terres après une licence d’espagnol décrochée à Toulouse, Geneviève Thibaux rêvait d’aventure quand elle surveillait les couloirs du lycée Monteil, à Rodez. C’est à cette période qu’elle a eu vent du programme d’immigration du gouvernement australien, qui avait déjà tenté Aveyronnaises et Aveyronnais, dont certains de son cercle d’amis. Après la Seconde Guerre mondiale, le pays a senti la nécessité de peupler ses villes et a offert l’asile à qui le voulait. "On s’engageait pour deux ans et le gouvernement australien nous payait pour venir et travailler", précise-t-elle. Ainsi, en novembre 1972, la Salles-Curanaise, alors âgée de 23 ans, a bouclé ses valises et pris la mer depuis Rotterdam (Pays-Bas) avec un copain, Jean-Claude, direction : l’Océanie. "Après un mois de voyage en bateau, on s’est arrêté aux Canaries. Puis à Cape Town en Afrique du Sud, qui était encore sous l’apartheid. Ça m’avait choquée."

"J’adore ce pays, je m’y sens comme dans une couverture chaude"

Et après la traversée de l’océan Indien, juste avant Noël, Geneviève Thibaux a finalement pu apercevoir les côtes australiennes. "Mon premier contact avec le pays a été Fremantle (au sud-ouest de l’Australie). C’était un dimanche et on aurait dit qu’il y avait eu une attaque nucléaire : tout était fermé et désert", replonge-t-elle dans ses souvenirs.

Geneviève Thibaux (à gauche) et une amie à Sydney, en 1975.
Geneviève Thibaux (à gauche) et une amie à Sydney, en 1975. Reproduction L’Aveyronnais

Sa rencontre avec l’Australie a aussi été marquée par une nouvelle connaissance : la chaleur. Très loin des hivers froids du plateau du Lévézou, Geneviève Thibaux se rappelle des 42 °C de Melbourne (au sud-est), l’arrêt suivant au programme de son périple. "J’adore ce pays, je m’y sens comme dans une couverture chaude", sourit-elle. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ne revienne en Aveyron que l’été… pour échapper à l’hiver australien, dans l’autre hémisphère. Et depuis "1975 ou 1976", soit quatre ans après son départ, l’Aveyronnaise rentre en France chaque mois de juillet, dans la maison de ses racines. L’occasion pour elle de "faire une cure d’huîtres", son rituel de retour, notamment à la terrasse du Kiosque, dans le jardin public de Rodez, ou au bord du lac de Salles-Curan.

Après avoir travaillé dans une usine de pièces électriques jusqu’en avril 1972, Geneviève Thibaux et son compagnon de voyage ont pris la direction d’Adélaïde (à l’ouest de Melbourne), où elle s’occupait de préparer les chambres dans un hôtel. Avec assez d’argent pour s’acheter une caravane, le duo a roulé jusqu’à Alice Springs, en plein centre du pays. "Les routes n’étaient pas goudronnées, c’était un vrai parcours du combattant : à l’époque, il n’y avait aucun guide sur l’Australie." Et après une étape à Darwin (dans le Nord), une à Bali en Indonésie, une à Brisbane (à l’ouest) et un retour à Adélaïde, Geneviève Thibaux a bouclé son odyssée par Sydney (au sud-ouest). Là-bas, elle y a rencontré Alain Thibaux, avec qui elle a eu Sabine, sa fille. Et elle est retournée sur les bancs de l’université pour pouvoir enseigner le français, d’abord au secondaire, puis au primaire.

La migration dans l’ADN

"J’ai toujours su, depuis l’enfance, que je voulais partir", souligne l’Aveyronnaise. Et il y a un peu d’hérédité dans tout ça : Geneviève est née Jasinlis, d’une mère Polonaise, Joséphine, et d’un père Lituanien, Stanislas, dont le vrai nom de famille était Jasiulis, avant d’être transformé par l’administration française. Ses parents ont immigré en Aveyron pour travailler, entre 1924 et 1925. Un peu comme elle l’a fait cinquante ans plus tard. "Après la guerre, beaucoup de Polonais sont arrivés car il y avait un grand besoin de main-d’œuvre, notamment dans les fermes."

Et une des choses qui l’a séduite en Australie a été un remède à une plaie de l’enfance. "Je m’y suis tout de suite sentie comme un poisson dans l’eau car c’était un milieu cosmopolite. Au village, on était les seuls étrangers (avec ses parents et sa sœur, Émilienne). On était "les Polonais". Je sentais qu’on me pointait du doigt."

Geneviève Thibaux au milieu des haricots dans le jardin d’une amie, à Salles-Curan.
Geneviève Thibaux au milieu des haricots dans le jardin d’une amie, à Salles-Curan. Reproduction l’Aveyronnais

Et en se plongeant dans ses origines, voyage qui l’a notamment menée jusque sur le sol qui a vu naître ses parents au cœur de l’Europe, Geneviève Thibaux a réalisé que son grand-père avait lui aussi quitté son foyer et qu’il avait émigré aux États-Unis. "C’est peut-être un petit peu génétique", rigole-t-elle. Mais la chose la plus inouïe, la Salles-Curanaise l’a apprise plus tard, en fouillant dans des archives. "J’ai découvert que pour rejoindre les États-Unis, il était parti de Rotterdam…" Comme elle, pour embarquer vers l’Australie et l’aventure de sa vie. Comme une boucle qui se bouclait.

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