Procès de l’abattoir de Rodez : les anciens dirigeants se renvoient la responsabilité, l'affaire mise en délibéré au 18 octobre

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  • Me Hélène Thouy, représentante de L214,  et Me Pierre Morrier, conseil  de l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes.
    Me Hélène Thouy, représentante de L214, et Me Pierre Morrier, conseil de l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes. Centre Presse Aveyron - M. R.
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Poursuivis pour mauvais traitements envers des animaux, à la suite de révélations en 2020 de l’association L214, plusieurs anciens dirigeants de la société Arcadie Sud Ouest étaient entendus au tribunal, ce mercredi 20 septembre 2023. Diverses peines ont été requises à leur encontre. La décision sera rendue le 18 octobre, à 14 heures.

Après des décennies à la tête de l’abattoir de Rodez, la société Arcadie Sud Ouest avait quitté les lieux sans un mot à l’été 2020. Placé en liquidation judiciaire, le géant de l’abattage venait de subir ce que tous les acteurs de l’industrie agroalimentaire redoutent : la révélation par l’association L214 d’images édifiantes sur le bien-être animal. Des agneaux saignés sans étourdissement préalable, pendus à des crochets alors qu’ils montraient encore des signes de conscience, des animaux traînés par la queue, les oreilles, la tête… Bref, la liste est longue.

"Au final, il se faisait n’importe quoi"

Trois ans après la diffusion de cette vidéo, les anciens dirigeants de la société étaient appelés à la barre du tribunal de Rodez mercredi 20 septembre, tous poursuivis pour mauvais traitements envers des animaux mais également tromperie sur la marchandise pour ne pas avoir respecté le bien-être nécessaire à l’obtention du Label rouge sous lequel étaient commercialisés les ruminants à la sortie de l’abattoir.

Et rapidement, pour les juges aveyronnais, une question s’est imposée : comment Arcadie Sud Ouest a-t-il laissé de tels actes se produire sur sa chaîne de production alors que depuis 2016, d’innombrables rapports des services vétérinaires pointaient du doigt de sérieux dysfonctionnements et anomalies majeures ? Pour comprendre, il faut commencer par le bas si l’on peut dire. Et le directeur de la production du site d’Arsac. Devant les enquêteurs, il avait eu cette phrase : "Au final, il se faisait n’importe quoi !"

Un bien-être animal sacrifié pour raisons économiques ?

À la barre, il s’est montré bien plus mesuré, reconnaissant les mauvais traitements du bout des lèvres… "Aux postes de la saignée, on est passé de quatre opérateurs à deux en quelques années. Ils m’ont expliqué que c’était juste, qu’il fallait au moins une personne de plus, je l’ai d’emblée fait remonter au directeur du site. Mais rien n’a changé", explique-t-il.

Il jure avoir formé ses équipes aux bonnes pratiques. "Mais ça les embêtait parfois", reconnaît-il. Ce poste de responsable de la production, il l’occupe toujours depuis les faits. "Mais avec d’autres moyens", précise-t-il au tribunal, en référence au repreneur de l’abattoir, la coopérative locale Unicor.

Le bien-être animal aurait-il ainsi été sacrifié pour des raisons économiques sous la présidence d’Arcadie ? Celle-ci connaissait de sérieuses difficultés financières, un déficit de 10 millions d’euros en 2019 a été évoqué hier. L’ancien directeur du site d’Arsac en était bien conscient. Lui explique qu’il avait "la pression" de ses dirigeants et l’obligation de réaliser des économies : 150 000 € sur l’année 2020. Alors, impossible de répondre au manque de personnel. Et aux actes de mauvais traitements des animaux, il préfère évoquer "un non-respect du mode opératoire, parfois". Et quid des nombreuses mises en demeure reçues par les services vétérinaires ? "J’ai fait remonter plus haut.."

Plus haut, c’est l’ancien directeur général du groupe. Poursuivi également, il était entendu hier aussi. Lui dit n’avoir été au courant de rien. "J’avais 18 sites à gérer", souffle-t-il. En revanche, il assure n’avoir jamais dit "de réduire le personnel". Mais "de faire des efforts et gérer la masse salariale". Et jure au final que s’il avait été destinataire, en nom propre, des avertissements des services vétérinaires, il "aurait agi !".

Jusqu’à 6 mois de prison avec sursis requis

Ce qui fait dire à la procureure Esther Paillette " que dans ce dossier, outre parfois jouer sur les mots, on se renvoie la responsabilité ". Elle a déploré " une inaction totale des dirigeants de l’entreprise " avant de requérir à leur encontre des peines d’amendes (2 000 € pour le directeur de la production, 4 000 pour le directeur général du groupe Arcadie) et une peine de six mois de prison avec sursis contre le directeur du site " au rôle central ".

Peu avant, l’avocate de l’association L214, Me Hélène Thouy, avait dénoncé " une carence de tous les maillons de la chaîne. Et au final, ce sont les animaux qui subissent l’horreur. Ils ne sont rien pour ces dirigeants. Et pourtant, les règles de bien-être sont minimes dans notre pays… "

En fin de soirée, après plus de huit heures de débats, les avocats de la défense ont, eux, dénoncé " un dossier bancal". "On a pris les dirigeants et on les poursuit. Mais, ils n’y sont pas sur la vidéo à maltraiter les animaux ! Pourquoi n’a-t-on pas poursuivi les opérateurs ? Pourquoi n’a-t-on pas également poursuivi les vétérinaires ? Ils étaient 17 à intervenir sur le site et ils n’ont rien fait pour dénoncer ces faits !", a notamment plaidé la Ruthénoise, Me Stéphanie Boutaric.

Le tribunal de Rodez rendra sa décision le 18 octobre prochain, à 14 heures. En mai dernier, celui de Montpellier avait déjà condamné l’État à verser 4 500€ à L214 dans cette affaire, pour avoir laissé se poursuivre les actes de maltraitance en ne mettant pas en place des contrôles suffisants.

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Les commentaires (3)
Jema Il y a 7 mois Le 21/09/2023 à 16:15

il faut une forte foi pour dire non quand la sécurité économique est en jeux.

Jema Il y a 7 mois Le 21/09/2023 à 15:55

3,2 millions d'animaux tués par jour en France, et il y en a qui s'indignent du loup.

filochard Il y a 7 mois Le 20/09/2023 à 22:39

Egorgement hallal pourquoi ? On est en France