Procès de l’abattoir de Rodez : trois ans après la vidéo choc de L214, les anciens dirigeants à la barre ce mercredi
Trois ans après la révélation d’images chocs de l’association L214, trois anciens dirigeants de l’abattoir de Rodez sont jugés ce mercredi pour "mauvais traitements" envers des animaux. Début du procès à 14 heures.
Des pratiques "inacceptables" avec des manquements "graves" aux règles de protection animale. Tels étaient les mots du ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, en juin 2020 après la révélation par l’association L214 d’images chocs sur une chaîne d’abattage de l’abattoir de Rodez.
Trois ans plus tard, des dirigeants de l’ancien exploitant Arcadie Sud Ouest – l’abattoir a depuis été repris par la coopérative Unicor, actionnaire à l’époque –, doivent répondre d’actes de maltraitance animale devant le tribunal de Rodez. Le procès s’ouvre mercredi 20 septembre 2023 à 14 heures. Il avait été renvoyé en début d’année, la juridiction demandant du temps pour définir au mieux les responsabilités de chacun. Aujourd’hui, sont attendus à la barre : le directeur général d’Arcadie, qui depuis a déposé le bilan, le directeur du site d’Arsac ainsi que le directeur de la chaîne de production ovine à l’époque des faits.
"La justice a un rôle majeur"
"Aujourd’hui, les dirigeants de cet abattoir sont mis devant leurs responsabilités grâce à notre enquête, s’est félicitée Brigitte Gothière, cofondatrice de L214, hier dans un communiqué de presse. La justice a un rôle majeur : elle peut ici prononcer une peine proportionnée à la gravité de la situation et ainsi donner un signal fort à l’ensemble de la profession. À Rodez, les non-conformités majeures perduraient depuis au moins 2016 : elles étaient détectées, signalées, mais la direction de l’abattoir n’agissait pas et les services de l’État laissaient couler… La mise à mort des animaux dans les abattoirs est une opération des plus violentes par essence : les infractions à la réglementation augmentent les souffrances des animaux, prolongent les agonies".
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Une cadence infernale ?
En 2020, après la diffusion de la vidéo et le retrait de l’agrément à l’abattoir, les dirigeants d’Arcadie avaient refusé de s’exprimer. Répondront-ils aux questions des juges aujourd’hui ? La question des cadences sur le site d’Arsac pourrait être centrale.
Selon nos informations, la chaîne ovine était à l’époque programmée pour l’abattage de 200 agneaux à l’heure. Dans la réalité, un était abattu toutes les dix secondes, soit presque le double… Selon la défense, cela s'expliquerait en raison de la fermeture de l’abattoir de Sainte-Geneviève-sur-Argence à l’époque des faits. Il était également propriété d’Arcadie Sud Ouest. Toujours est-il que les débats promettent d’être longs. Et âpres.
De très nombreuses infractions
Car l’enquête menée par le parquet de Rodez relève 376 infractions visibles sur les images fournies par L214 mais aussi des non-conformités en ce qui concerne l’abattage des bovins identifiées grâce aux investigations de la gendarmerie et de la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP). Parmi lesquelles on pourrait citer : des manipulations violentes et des actes de violence avec des ovins tirés par la queue, les oreilles ou les pattes alors qu’ils n’étaient pas étourdis, l’absence d’immobilisation des ovins qui sautaient à l’extérieur du restrainer ou au-dessus de leurs congénères, l’absence d’immobilisation pendant toute la durée de l’abattage sans étourdissement, l’absence d’étourdissement systématique lors de l’abattage standard, l’absence de vérification de l’inconscience de l’animal, des mauvais gestes de saignée…
"Ces non-conformités sont en porte-à-faux à l’égard du cahier des charges Label rouge ou de la certification halal", dénonce encore L214, dont le travail lors de cette enquête sur la face cachée du roquefort en Aveyron fut salué par le ministre en personne. À noter qu’à l’instar de L214, l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes s’est également constituée partie civile dans ce procès.
L’État déjà condamné dans l’affaire
Saisi également par L214, le tribunal administratif de Montpellier a, dans une décision rendue en mai dernier, condamné l’État à verser la somme de 4 500 € à l’association, dont 3 000 € pour son "préjudice moral lié à la faute de l’État dans l’insuffisance de ses contrôles de la réglementation relative à la protection animale par l’abattoir de l’Arsac". Selon le tribunal administratif, de nombreux manquements aux législations nationale et européenne avaient déjà été constatés sur le site en 2016 et 2019 et une mise en demeure de mise en conformité avait été adressée à la société gestionnaire de l’abattoir, Arcadie Sud-Ouest. "Ces constatations n’ont pas fait l’objet de suites administratives appropriées ou le cas échéant de signalement au procureur de la République pour les plus graves d’entre eux", avait relevé le tribunal administratif, indiquant que les contrôles ont été "insuffisants pour prévenir le risque de maltraitance animale alors même qu’à raison des non-conformités majeures relevées en 2016, une vigilance et un suivi particuliers s’imposaient".
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