Aveyron : avec 6 000 lettres envoyées aux quatre coins du monde, l'histoire du gardien de musée qui a voulu devenir peintre

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  • Jean-Claude Casi devantl’une de ses peintures arbres.
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  • Le gardien de musée  qui a voulu devenir peintre
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Joel Born

Originaire de Guadeloupe, Jean-Claude Casi est gardien de musée du Grand Rodez depuis 2010. Son métier a permis à ce pur autodidacte de découvrir l’art et l’abstraction à travers notamment l’œuvre de Pierre Soulages. Devenu peintre amateur, il en pince également pour la poésie.

Il y a des parcours (et des histoires) qui semblent dépasser l’entendement, embarqués sur des chemins un brin surréalistes. Celui, assez incroyable, de Jean-Claude Casi en fait partie. Cet habitant de Sainte-Radegonde, où il vit aux côtés de son épouse Stéphanie et de leurs deux filles, Zohé et Louane, est originaire de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, où il a vu le jour il y a de cela 48 ans. Gardien de musée pour le Grand Rodez depuis 2010, il est arrivé en France en 1998. "Lorsque je suis arrivé, je savais tout juste lire et écrire, je suis autodidacte en tout, avoue-t-il en toute sincérité et humilité. Je suis venu en métropole pour faire une formation de vendeur et puis je me suis dit, il faut absolument que j’évolue."

Dix fois le bac en candidat libre

Après avoir décroché le brevet des collèges à l’âge de 25 ans, avec le créole en option, Jean-Claude s’est mis en tête d’obtenir le bac. Ce qui fut fait en 2013 pour ses 38 ans ! "Je me suis présenté dix fois en candidat libre, confesse, souriant, l’Aveyronnais d’adoption. En 2013, j’ai enfin réussi. Un bac pro en relation clients usagers. Il venait juste d’être créé, j’avais l’impression qu’il était fait pour moi." Après de nombreux petits boulots dans les domaines de la sécurité ou de la vente, il devient gardien de musée. Une véritable révélation pour le natif des Caraïbes, un déclic qui lui permet de découvrir l’art et l’abstraction, à travers notamment l’œuvre de Pierre Soulages.

Échanges épistolaires avec le maître de l’Outrenoir

"Je me suis rapidement passionné pour l’œuvre de Soulages, poursuit Jean-Claude. Je l’ai rencontré plusieurs fois. Il m’a encouragé, m’a soutenu, et je lui ai écrit 250 lettres. Dès que j’avais une idée, une question, un problème, je lui demandais de m’aider à comprendre l’abstraction." Dans une lettre à Jean-Claude Casi, en date du 27 juillet 2016, Pierre Soulages écrit : "Je suis stupéfait devant la quantité, le sérieux, la sensibilité, la passion artistique des documents que vous m’avez adressés. Stupéfait et reconnaissant." Et le peintre de terminer ainsi : "Bravo pour le travail que vous faites, pour l’intelligence dans la présentation de ces documents, mais avant toute chose, pour la passion qui vous anime. À bientôt je l’espère."

Plus de 6 000 lettres dans le monde entier

Avide d’apprendre, boulimique dans sa quête de connaissances, Jean-Claude Casi ne s’arrête pas à sa seule correspondance avec Pierre Soulages. Il écrit quelque 6 000 lettres dans les musées et les écoles des Beaux-Arts du monde entier, en France, aux États-Unis, au Japon, à Tahiti, à Honolulu… Le musée Picasso lui envoie une méthode de cubisme et la directrice des Beaux-Arts de Paris, Alexia Fabre, lui retourne ses félicitations, saluant sa passion pour son métier de gardien de musée. "Je voulais vraiment comprendre l’abstraction et c’est ce qui m’a amené à devenir peintre, insiste le Guadeloupéen. En 2014, j’ai commencé à gribouiller. J’essaie, je me trompe, et je pense, qu’aujourd’hui, j’ai trouvé ma voie." Surprenant Jean-Claude Casi ! Outre la peinture, il se lance en poésie et prend régulièrement la plume pour écrire à de nombreuses personnalités de ce monde. Hollande, Macron mais aussi la reine d’Angleterre, la famille royale de Belgique, le prince de Monaco, le roi d’Espagne, la reine de Suède et tant d’autres… "La culture m’a sauvé. Je voulais leur transmettre cette idée que l’art est source d’ouverture et d’insertion, que même quelqu’un très éloigné de la culture pouvait comprendre l’art", explique-t-il. Sa correspondance avec Pierre Soulages lui a, bien évidemment, donné confiance. Mais il n’en tire pas pour autant un sentiment de fierté. "Il y a une petite voix intérieure qui me pousse, qui me dit que je dois continuer, que je peux le faire. Je ne savais pas écrire, maintenant, pour moi, c’est une joie d’écrire. C’est comme si vous étiez dans l’eau, soit vous nagez, soit vous vous noyez", image l’ancien champion de Guadeloupe (quatre fois, tout de même) de taekwondo, qui aimerait vraiment pouvoir vivre un jour de la peinture et de la poésie. "Souvent, ça me fait un peu peur, car je ne sais pas vraiment ou cela peut me conduire."

Forcément inspiré par Pierre Soulages, Jean-Claude Casi peint avec du brou de noix, qu’il fabrique dans son jardin de Sainte-Radegonde, où il accroche parfois ses peintures arbres. Cet été, il a eu le plaisir de participer à sa première exposition grand public, à Latoue, en Comminges, lors du 1er Salon des arts du petit format. Et il devrait prochainement exposer à l’École de la Loire puis, pour l’Art Verne, à Montmartre.

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