Aveyron : la pauvreté se féminise et gagne du terrain, le Secours catholique tire la sonnette d'alarme

Abonnés
  • 50,5 % des publics aidés dans les comités Aveyron-Tarn-Lozère sont des femmes.
    50,5 % des publics aidés dans les comités Aveyron-Tarn-Lozère sont des femmes. Centre Presse Aveyron - José A. Torres
Publié le , mis à jour

Le dernier "Etat annuel de la pauvreté" dressé par l'association pointe notamment les conséquences de l'inflation sur les ménages les plus précaires. Et les femmes sont les plus durement touchées.

"L'état de santé d'une société se mesure au sort qu'elle réserve aux plus pauvres de ses membres." Et visiblement, la société française se porte mal. C'est en tout cas ce que suggère Véronique Devise, présidente nationale du Secours catholique, par ces mots, écrits en préambule du rapport annuel réalisé par l'association, nommé "Etat annuel de la pauvreté". Le comité solidaire le déplore, la pauvreté gagne du terrain. 

Le niveau de vie médian des bénéficiaires a diminué de 7,6 % en un an, passant de 579 € par mois en 2021, contre 538 € en 2022. Un public déjà en extrême situation de précarité, puisque 95 % d'entre eux se situent sous le seuil de pauvreté, estimé pour cette année à 1 211 € par le Secours catholique.

18 % des bénéficiaires vivent avec moins de 400 € par mois

Une situation nationale, traduisant des écarts gargantuesques de revenus dans les grandes métropoles direz-vous ? Pas seulement. Puisque l'Aveyron et de nombreux territoires ruraux et périphériques sont également concernés, comme le relate le rapport localisé de la délégation Tarn-Aveyron-Lozère. 

Ici aussi l'on retrouve les mêmes grandes tendances. Et cela s'explique notamment par un fait, l'inflation. "Les prix de l'alimentation ont augmenté de 6,8 % et ceux de l'énergie de 23,1 % en 2022", dresse cet "Etat annuel de la pauvreté".

Ainsi, les 5 440 personnes soutenues dans ces trois départements ont elles aussi vu leurs revenus mensuels diminuer de 756 € en 2021 à 724 € en 2022, et surtout, 18 % d'entre eux, vivent avec moins de 400 € chaque mois. "Ce rapport plein de chiffres, de pourcentages et de graphiques jette une lumière crue sur la nécessité vitale de l'action de nos 57 équipes locales", déclarent d'une même voix les vice-présidents de la délégation Tarn-Aveyron-Lozère, Bruno Caussé, Louis Droc et Hélène Trocellier.

Les femmes plus durement touchées

D'autant que la situation est plus alarmante encore pour les femmes. On pourrait être tentés de dire que la pauvreté n'a pas de sexe, mais visiblement si. Du moins, dans notre société, et c'est de plus en plus le cas, les personnes de sexe féminin sont sévèrement touchées par le phénomène de paupérisation.

57 % des bénéficiaires du Secours catholique sont des femmes, elles n'étaient que 51 % en 1989. Par exemple, dans nos territoires, 50,5 % des publics épaulés par le comité sont des femmes isolées, ou des mères seules avec leurs enfants. 

TEMOIGNAGE. "La vie est très difficile, surtout quand on est seule"

Voilà désormais quatre années qu'Arjola a quitté son Albanie natale pour rejoindre Onet-le-Château avec ses deux filles âgées de 20 et 23 ans. Si dans les Balkans, cette femme diplômée de l'université travaillait dans une école maternelle, elle déplore une situation beaucoup plus difficile dans l'Hexagone.

"C’est très difficile de vivre en France et sans papiers. Je voudrais travailler mais ce n'est pas possible sans cela. Ce qui compte pour moi aujourd’hui, c’est d'avoir mes papiers pour vivre normalement, c'est très dur... Un jour j’espère pouvoir travailler ici avec les enfants ou avec les personnes âgées, car c'est ce qu'il me plaît", déclare-t-elle. 

Alors, cette femme veuve prend son mal en patience, "il faut beaucoup se battre, tout le temps, bouger tous les jours car la vie est très difficile surtout quand on est seul". Et c'est pour cela qu'en parallèle des cours de français qu'elle prend, celle-ci s'est engagée auprès du Secours catholique. 

"Je suis bénévole ici et j’ai trouvé des personnes très gentilles. Je viens trois fois par semaine pour aider à la boutique et au tri. C’est comme une grande famille pour moi, surtout que je suis seule ici. A la boutique, je vois du monde et je parle français", de quoi faciliter son intégration.

"Les femmes sont plus pénalisées que les hommes notamment parce qu’elles s’occupent d’autrui, principalement les enfants, situation qui les cantonne à l’emploi à temps partiel ou à rester au foyer", pointent les vice-présidents locaux. Alors le Secours catholique note une phrase, souvent entendue dans les murs de l'association, traduisant le comportement de nombreuses mères. "Même si je ne mange pas, l'essentiel ce sont mes enfants".

Face à cette situation alarmante, le comité mène certains projets, visant à rapprocher ces publics en difficulté de la société qui les entoure, ou de leur fournir de quoi subvenir à leurs besoins. En Aveyron par exemple, un service de chauffeurs solidaires a été mis en place, visant à lutter contre l'isolement et les problèmes de mobilité. Ou encore, un diagnostic est en train d'être mené sur Rodez Agglomération, afin de palier aux difficultés d'accès à l'alimentation. De quoi, le Secours catholique l'espère, "tourner le dos à la pauvreté", en se "tenant collectivement aux côtés des personnes en galère".

TEMOIGNAGE. A Espalion, Nadine se rend au Secours catholique pour lutter contre l'isolement

Etre seule, dans un nouvel environnement. C'est la difficile situation que vit Nadine à Espalion. Il y a huit ans maintenant qu'elle a débarqué au bord du Lot, mais sans aucun contact avec sa famille depuis onze ans, veuve et sans enfant, c'est contre la solitude qu'elle doit se battre.

Alors, par l'invitation de deux bénévoles du Secours catholique, elle franchit les portes de l'association. "Ça fait du bien d’être occupée comme ça, de se sentir utile, de savoir qu’on apporte quelque chose aux autres. Lorsqu’une personne me parle, il faut que je lui fasse
trouver du réconfort et de la convivialité auprès de moi, des autres", note-t-elle. 

Ce quand bien même celle-ci note certaines difficultés financières : "Je n’aime pas m’étaler sur ça. Bien sûr, j’ai peur de ne pas arriver à payer ceci ou cela.. Comme tout le monde, je vois ma pension baisser, et mon loyer continuer à monter ! Tout cela fait peur, je me demande comment je vais y arriver..." Mais comme elle le dit, à force de soutien et de réconfort, elle "laisse ses soucis dehors".

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (1)
Larrynautik Il y a 4 mois Le 05/12/2023 à 14:56

Comme si être un homme pauvre était plus acceptable. Alala, qu'est-ce qu'il ne faut pas lire. La pauvreté est une chose inadmissible dans tous les cas.

Et les expériences machiavéliques sur les RSA ne va absolument pas arranger quoi que ce soit. Ainsi que les délires de l'algorithme de la CAF, exposés au grand jour dans Le Monde. On s'étonnera ensuite des gens qui décident de ne plus jamais avoir à ces organismes.