On remonte les origines très lointaines du stockfisch, plat emblématique de l'Aveyron

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  • Une fidèle reconstitution d’un drakkar viking qui emportait le stockfisch dans ses cales.
    Une fidèle reconstitution d’un drakkar viking qui emportait le stockfisch dans ses cales. DDM - LAURENT DARD
Publié le
D. L.

Peu d’hommes ont eu le pied marin en Aveyron et pourtant un mariage heureux s’est réalisé entre notre territoire et un poisson de mer qui perdure au fil des siècles.
 

Spécialité aveyronnaise et quercynoise, un des symboles culinaires et culturels de notre territoire, l’estofinade, dérivée de l’esfofi, lui-même une déformation du mot stockfisch, se faufile à travers les siècles, nimbée parfois de légendes. Une chronique aquatique qui charrie du poisson du cercle polaire jusqu’aux hautes terres de la vallée du Lot et du Bassin de Decazeville-Aubin, à travers les mailles de l’Histoire avec un grand H.

De quel poisson parle-t-on ?

La morue est le poisson vivant qui est pêché. Vendu frais, il est appelé cabillaud qui peut être conservé salé voire séché, formant des sortes de « gros triangles cartonnés » que les Norvégiens clouent parfois à l’extérieur de leurs chalets. Enfin, ce poisson peut être séché - surtout pas salé - en bordure de mer sur des racks (ou grands séchoirs), selon un processus écologique, qui devient le stockfisch (mot d’origine anglo-saxonne). Ainsi, pesant seulement 1/7e de la morue fraîche, il est loisible de le conserver jusqu’à 20 ans, tout en profitant de toutes ses vertus.
Tout débuta avec les Vikings, ces grands gaillards aventuriers qui sillonnèrent les mers et se montrèrent de redoutables conquérants entre le IXe et XIe siècles. Ils auraient même touché l’Amérique du Nord, au Labrador. Poussant loin leurs périples marins, ils avaient besoin de stocker de la nourriture prenant peu place et se conservant au long cours sur leurs drakkars : le stockfisch. Il s’avéra un produit idéal car il ne s’altère pas en le maintenant au sec dans les cales, gardant intactes ses protéines et vitamines.

Comment est-il parvenu jusqu’à nous ?

Il n’est pas facile de faire la part des choses, plusieurs versions ont été avancées dans le livre de Christian Bernad et Daniel Crozes. Outre la guerre et l’expansion viking, les Norvégiens s’adonnaient au commerce qui prit de l’ampleur au XIIIe siècle. La puissante Ligue Hanséatique ou germanique établit de nombreux comptoirs en Europe. Parmi ces comptoirs, il y a Bordeaux et Marseille. On sait avec certitude que des marchands de Figeac et de Villefranche-de-Rouergue importaient du stockfisch.
Autre version, les gabarres descendaient le Lot jusqu’à Bordeaux pour livrer surtout du charbon et des merrains de chêne. Au retour, ils ramenaient avec eux, en suivant les voies de halage, du stockfisch qui était attaché à l’arrière du bateau le temps de se réhydrater.

Autres origines possibles, les Anglais qui sont restés présents trois siècles en Aquitaine, les soldats de Louis XIV qui auraient rapporté ce poisson séché après la guerre de Hollande, les pèlerins de St-Jacques auraient contribué aussi à faire connaître cette nourriture basique ou, plus près de nous, les mineurs Gallois appelés à Decazeville pour lancer l’industrie au début du XIXe siècle.

Bien évidemment, ces origines se sont croisées, modifiées, complétées, disparaissant à plusieurs endroits. Quoi qu’il en soit, le stockfisch est resté bien présent dans le Bassin minier et les environs.
 

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