Justice : drogue, alcool, violences... La fête dérape à Millau

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  • Les trois "fêtards" de Millau ont été condamnés devant le tribunal de Rodez, vendredi 12 janvier 2024.
    Les trois "fêtards" de Millau ont été condamnés devant le tribunal de Rodez, vendredi 12 janvier 2024. Centre Presse Aveyron - José A. Torres
Publié le , mis à jour

Le procès s'est déroulé ce vendredi devant le tribunal de Rodez.

C'est un milieu que les magistrats ruthénois commencent à bien connaître. Celui de ceux qu'on appelle vulgairement "les tox" de Millau. Celui où l'on parvient difficilement à s'en sortir et où les casiers judiciaires fleurissent aussi vite que l'on se perd dans l'alcool, la drogue... et les histoires.

Elles mènent toutes à la violence, inlassablement. Et à des scènes qui laissent parfois sans voix. Une nouvelle s'est déroulée dans la nuit de mercredi 10 à jeudi 11 janvier 2024, dans le huis clos d'un appartement du centre-ville. À deux heures du matin, un quadragénaire bien connu dans la cité du gant veut en découdre. Il sort tout juste de prison et on lui a rapporté que durant son séjour derrière les barreaux, une "connaissance" a plongé sa compagne dans la drogue. Dure.

"Elle est devenue un légume", s'agace-t-il devant le tribunal de Rodez, vendredi. Sous sa barbe épaisse, il a encore du mal à calmer ses nerfs malgré la présence d'une large escorte. "Je voulais lui faire une leçon, lui mettre une tartine. Ni plus, ni moins", dit-il. Mais derrière le langage fleuri, la "petite gifle" comme il évoque encore, on découvre d'autres témoignages. Plus éloquents. Cette nuit-là, il aurait forcé sa victime à se mettre à nu, l'aurait frappé à de nombreuses reprises, avec les poings, une queue de billard, l'aurait menacé avec un couteau, jouer à le planter entre ses doigts ou encore l'aurait invité à exécuter des faveurs sexuelles à un autre homme présent...

"C'était pour rire, ce mec a des problèmes avec tout Millau et c'est lui qui menace les gens en général!", se justifie-t-il, dans un surprenant détachement. Dans la salle, la victime ne bronche pas. Le visage tuméfié, cet homme à la forte corpulence s'est vu prescrire huit jours d'ITT. Il s'est dit encore "très choqué"... 

"Et si nous avions eu la même vie, que serions-nous devenus ?"

Dans le box des prévenus, son "bourreau" n'est pas seul. Deux femmes l'accompagnent. La nuit des faits, il les avait invitées à le rejoindre dans l'appartement "pour se calmer". Elles disent qu'elles s'attendaient à une "soirée coke (cocaïne)". Car elles connaissent la victime, il les "dépannait" parfois en drogue.

Cela n'empêchera pas l'une d'entre elles à lui mettre "une gifle" aussi. Puis à repartir avec plusieurs objets du domicile : quelques billets, des clés, un sac à dos, un paquet de lessive, un harnais pour chiens... "Je suis désolé vraiment", répète à l’envi l'une d'entre elles. Jusqu'à agacer la présidente du tribunal l'appelant au calme, avant de l'exclure de la salle d'audience.

Jusqu'à trois ans de prison ferme

Son comparse, ne tenant pas en place, a aussi terminé le procès dans les geôles du tribunal. Lui a écopé de deux ans de prison ferme, elle d'un an, la troisième prévenue de trois mois. Pour "cette fabuleuse soirée", comme ont ironisé les magistrats. En plaidant, l'un des avocats de la défense, leur avait posé cette question : "Nous avocats, vous magistrats, si nous avions eu la même vie qu'eux, que serions-nous devenus ?" 

Et de dérouler le fil de ces vies. Pour le prévenu, 40 ans, elle a débuté en banlieue parisienne avec le décès à son plus jeune âge de ses parents. Confié à de la famille, il subira plusieurs actes de maltraitances. Il a ensuite été ballotté de foyer en foyer, avant de tomber dans l'alcool, la délinquance et enchaîner les passages en prison en France, aux Pays-Bas...

"Franchement, il y a pire !", a-t-il réagi à l'examen de sa personnalité vendredi. Peut-être évoquait-il le parcours de ses deux coprévenues dont les visages portent les stigmates d'une vie faite d'addictions. Pour l'une d'entre elles, 39 ans, cheveux blonds attachés, c'est une chute vertigineuse dans la drogue après avoir subi un viol durant l'adolescence. Elle consomme entre trois et quatre grammes de cocaïne par jour, sans compter l'alcool et les traitements tels que le Subutex... Ses enfants sont placés et elle dit ne pas parvenir à s'en sortir "dans ce milieu pourri de Millau". Pour l'autre, c'est la toxicomanie et la rue. En fugue dès l'âge de ses 15 ans, elle a vécu plusieurs années dans la rue à Paris, jusqu'à arriver en Aveyron où elle a également vagabondé avant de trouver un hébergement. Sous une crête à la punk, elle aussi dit vouloir "quitter Millau au plus vite pour repartir de zéro". La juge, Mélanie Cabal, lui rappellera aussi sa "grave maladie" et "la nécessité d'arrêter toutes consommations avant que ce ne soit très rapidement fatal !"...

"Effectivement, on peut se dire qu'avec ces vies, la violence est courante. Qu'elle l'est encore plus lorsqu'on devient toxicomanes. Mais il n'y a pas de sous justice. Dans ce dossier, il y a une victime. Et qui qu'elle soit, ce qu'on lui a fait subir n'est pas acceptable. Et ici, tout le monde se vaut", avait fait savoir dans son réquisitoire le procureur, Nicolas Rigot-Muller. Il a été entendu.

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