Dégradations à la préfecture de l'Aveyron : "Rien ne tient dans l’enquête !"

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  • Les avocats de la défense ont longuement plaidé hier, alors que leurs clients ont préféré garderle silence.
    Les avocats de la défense ont longuement plaidé hier, alors que leurs clients ont préféré garderle silence. José Antonio Torres
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Mathieu Roualdès

Quatre personnes ont comparu ce mercredi 17 janvier devant le tribunal de Rodez pour des dégradations en marge des manifestations contre la réforme des retraites au printemps dernier. Si comme attendu, leurs conseils ont dénoncé un "procès politique", ils ont surtout insisté sur "une procédure qui ne tient pas". Le parquet a requis quatre mois avec sursis et du travail d’intérêt général. Délibéré le 21 février.

Devant le palais de justice, les drapeaux des mouvements politiques, syndicaux ainsi que les banderoles installées sur les grilles annonçaient la couleur. "Solidarité avec les inculpés, Darmanin démission", "Pas de justice, pas de paix", pouvait-on notamment y lire. Le procès de quatre personnes poursuivies pour des jets de peinture sur la façade de la préfecture, à Rodez le 14 avril dernier, promettait d’être politique. Il l’a été, mais pas seulement.

Agriculteur, mère de famille…

Dès l’instant où ils furent appelés à la barre, "les quatre" ont indiqué qu’ils feraient valoir leur droit au silence, comme lors de leurs auditions… " On a simplement un message à vous lire ", ont-ils indiqué timidement, avant que le président Marc Gambaraza ne les laisse s’exécuter. Outre leur vision politique d’une réforme des retraites qualifiée " d’abjecte ", ils reconnaissent et assument leur présence devant la préfecture ce soir du 14 avril. " Oui, nous avons été témoins de la rage populaire exprimée partout en France et en Aveyron de manière bien inoffensive par un peu de couleur […] Oui, nous avons été inquiétés par la police dans cette affaire à cause de nos engagements politiques passés et présents […] Mais non, nous n’avons pas jeté de peinture sur le bâtiment de la préfecture ", ont-ils lu tour à tour.

Avant d’accepter de livrer, du bout des lèvres, quelques éléments biographiques : l’une est mère de famille installée à Rieupeyroux, l’un est agriculteur dans le Ségala et possède "un très faible revenu ", une autre trentenaire est également exploitante agricole… Le dernier, âgé de 59 ans, a refusé d’indiquer s’il travaillait, s’il était en couple ou bien quelles étaient ses ressources financières. "J’habite à Marcillac, je n’ai rien à déclarer d’autres. Mon avocat répondra à vos questions", a-t-il dit. "Votre avocat ne répondra pas, il plaidera", lui a fait remarquer le président. Et effectivement, si le temps des débats fut raccourci, celui des plaidoiries a duré. Là aussi d’une même et seule voix pour les quatre conseils des prévenus appelant la relaxe.

"Pourquoi n’ont-ils pas été interpellés sur place ?"

Tout d’abord sur l’enquête qu’ils ont qualifiée de "politique", "indigente", "vide"… Dans leurs mains, les images de vidéosurveillance sur lesquelles leurs clients auraient été reconnus, en train de lancer des projectiles sur la façade du bâtiment d’État. "Ce ne sont pas des photos mais des pixels ! On n’y voit rien, sans compter que certains ont des casquettes, des bonnets, des masques pour le Covid-19…" Puis sur la façon dont les policiers ruthénois sont remontés jusqu’aux prévenus plusieurs semaines après la plainte des services de la préfecture. "Ce n’est pas une procédure pénale mais une procédure "peinarde"… rien ne tient dans cette enquête ! Déjà, pourquoi n’ont-ils pas été interpellés sur place ? Puis, la police ruthénoise indique qu’ils ont été retrouvés par leur connaissance locale de la délinquance… Comment est-ce possible ? Tous les prévenus ont un casier judiciaire vierge et ils habitent dans des territoires qui sont le ressort de la gendarmerie ! Cela pose vraiment question. Existe-t-il ici un fichier où les gens sont connus par rapport à leur appartenance politique ? La vérité, c’est que le préfet avait lancé la chasse dans ses déclarations publiques et il fallait trouver des coupables. Les policiers l’ont fait, sans aucun cadre. Mais vous, juges indépendants, allez-vous faire le jeu de cette préfecture et de procès politique ?", ont questionné Me Arnaud Cagnac, Me Alexandra Gosset, Me Sébastien Delorge et Me Cécile Brandely.

Cette dernière s’est également émue des demandes de la partie civile : un peu plus de 5 000 € pour le nettoyage des traces de peinture et d’huiles sur la façade – un devis faisait état de 67 000 € de réparations ! –, et près de 2 000€ pour le remplacement d’une serrure. "Le hic, c’est que la facture de celle-ci date du 11 avril… Trois jours avant les faits ! De qui se moque-t-on franchement ?", a ironisé l’avocate du barreau de Toulouse, sous les rires d’une salle d’audience dans laquelle s’étaient réunis plusieurs des soutiens des prévenus.

Du travail d’intérêt général ? "Non", répondent-ils

Et qui ont écouté dans le calme les réquisitions du ministère public. Et pour sa représentante, Esther Paillette, il n’y a pas de doute sur la culpabilité des prévenus. "Vous n’êtes pas ici pour avoir manifesté, ni pour vos opinions politiques mais pour une infraction pénale", leur a-t-elle fait savoir avant de requérir quatre mois de prison avec sursis, 250€ d’amendes et 210 heures de travail d’intérêt général pour chacun. "Êtes-vous prêt à travailler pour la société ?", leur a demandé le juge. "Non", ont-ils répondu. Délibéré le 21 février, à 9 heures.

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