Decazeville. Avec ou sans "K", quand l’estofinade devint un plat emblématique de l'Aveyron

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  • Le restaurant Alazard, haut lieu gastronomique du stockfisch à Livinhac, début du XXe siècle.
    Le restaurant Alazard, haut lieu gastronomique du stockfisch à Livinhac, début du XXe siècle.
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Centre Presse

Le "K" du stockfisch disparut pour devenir stofish, estofi, avant de finir en estofinade, recette incontestée du territoire.

Au XIXe siècle, dans le Rouergue, les soupes servent de base alimentaire, qu’elles soient à l’ail, à l’oignon, aux légumes ou encore aux châtaignes. Les cuisinières y font souvent mijoter un jarret de porc fumé. L’arrivée de la pomme de terre diversifie et enrichit les plats. On se rend compte que le tubercule importé des Amériques peut se marier avec bonheur avec le stockfisch. Les recettes évoluent, se complètent pour finalement se bonifier.

On construisit les écluses

Les premières estofinades se voient souvent associées aux vendanges et à l’arrivée du vin nouveau. Bien que les vignes perdent en superficie à cause du phylloxéra, la tradition de manger le poisson venu de Norvège se maintient. Dès les années 1830-40, alors que Decazeville grossissait à vue d’œil, les mineurs et métallos du Bassin goûtèrent ce plat consistant et l’adoptèrent. L’avènement de l’ère industrielle demandait que de nouveaux travaux soient entrepris sur le Lot pour exporter le charbon, les productions d’acier, de verre et de zinc.

On y construisit des écluses. Puis le chemin de fer permit une arrivée plus régulière des produits dont le fameux stockfisch. Les ballots de poissons séchés alimentaient les grossistes qui les vendaient ensuite aux épiciers du Bassin pour la vente au détail, sachant que les ports de la vallée du Lot sont restés actifs jusqu’à la fin du XIXe siècle. Les ménagères apprécient le "poisson-bâton" car il n’est pas cher, il devient l’un des plats préféré des ouvriers et des mineurs, les paysans n’étant pas en reste. Les aubergistes en firent progressivement une spécialité incontestée de notre territoire. Le restaurant Alazard-Druilhe, près du vieux pont de Livinhac-le-Haut, à partir de 1910, s’érigea comme le premier établissement véritablement spécialisé pour l’estofinade qui se diffusa dans des nombreux restaurants aux alentours et bien plus loin.

La restauratrice Fernande Ferrières d'Almont-les-Junies montre que les stockfisch étaient expédiés dans des sacs de jutes, dans les années 70.
La restauratrice Fernande Ferrières d'Almont-les-Junies montre que les stockfisch étaient expédiés dans des sacs de jutes, dans les années 70.

Almont, capitale culinaire

Mais dans les années 1960, le concile Vatican II supprima l’obligation de ne manger que du poisson pendant le carême pour les catholiques. Se doubla à cette mesure la fermeture des mines de fond sur le Bassin. La baisse d’intérêt pour l’estofinade ne dura pas.

La recette connaît un nouveau souffle avec les trois restaurateurs d’Almont-les-Junies : Cavaignac, Ferrières, Romiguière-Trayssac. Le village devint la "capitale de l’estofinade" à partir des années 1970, une "Mecque" pour les gastronomes qui arrivèrent d’un peu partout. La renommée des maisons d’Almont reposait sur une cuisine traditionnelle, des produits de qualité et un savoir-faire reconnu. Durant l’hiver, les restaurants ne désemplissaient pas le dimanche et se renvoyaient les clients quand ils affichaient complet. La recette se fait à la force du poignet car il faut émietter le poisson et enlever les arêtes. On y ajoute des pommes de terre qu’il faut écraser à la fourchette, de l’ail, du persil haché, des œufs frais, de l’huile.

Reste le souvenir de ces repas passionnés sur le plateau d’Almont, grondant parfois comme l’eau du Lot en contrebas, avec des gourmets loquaces qui débattaient sur l’onctuosité de l’estofinade, la qualité du vin ou plus sérieusement sur l’avenir du Bassin et de ses industries…

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