Les mocktails, une nouvelle tendance en Arabie saoudite

  • Dans la plupart des grandes villes, des restaurants haut de gamme proposent désormais des menus entiers de "mocktails", des cocktails sans alcool.
    Dans la plupart des grandes villes, des restaurants haut de gamme proposent désormais des menus entiers de "mocktails", des cocktails sans alcool. Fayez Nureldine / AFP
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ETX Daily Up

(AFP) - Un bar éphémère en Arabie saoudite proposant des bellinis et des spritz, certes sans alcool, mais servis dans des verres à cocktail: le pari était plutôt osé dans le royaume abstème.

L'expérience, menée l'année dernière en plein ramadan, mois sacré pour les musulmans, s'est révélée être un succès, témoignant du changement des habitudes dans la monarchie du Golfe, qui abrite deux des sites les plus saints de l'Islam et où l'alcool est strictement interdit.

"Honnêtement, nous étions sceptiques, mais en fin de compte ça a marché", raconte Evans Kahindi, responsable de la marque Blended by Lyre's qui a organisé l'événement, dans la capitale Ryad.

Dans la plupart des grandes villes, des restaurants haut de gamme proposent désormais des menus entiers de "mocktails", des cocktails sans alcool, tandis que des mixologues chevronnés quittent des villes plus libérales comme Berlin ou l'émirat voisin de Dubaï pour servir les riches clients du royaume pétrolier.

Pour les Saoudiens, cette tendance s'inscrit dans le cadre des efforts menés par le prince héritier Mohammed ben Salmane pour faire de l'Arabie Saoudite un centre d'affaires, de tourisme et de divertissement.

La rapidité des changements est toutefois surprenante, souligne Abdallah Raslane, le responsable marketing de Blended by Lyre's, dont les "no-groni" et les "pink colada" sont aujourd'hui servis dans un grand espace de restauration de la capitale.

"Je ne vais pas vous mentir, l'Arabie saoudite est un pays plutôt religieux, mais il s'adapte de plus en plus à ce qui se passe dans le monde", dit ce saoudien de 38 ans, originaire de la ville de Khobar dans l'est du pays.

- Marché noir -

L'alcool a été banni dans le royaume par le roi Abdelaziz au début des années 1950, peu de temps après que son fils, dans un excès de colère et sous l'influence de l'alcool, a abattu un diplomate britannique.

Depuis, la plupart des 32 millions d'habitants du royaume sont officiellement au régime sec, la consommation ou la possession d'alcool étant passible d'amendes, de peines de prison, de flagellation publique et d'expulsion du territoire pour les étrangers.

Des boissons alcoolisées sont toutefois servies dans les missions étrangères du quartier diplomatique de Ryad, tandis que certains résidents fabriquent leur propre vin. D'autres se tournent vers le marché noir, où le prix d'une bouteille de whisky peut atteindre plusieurs centaines de dollars à la veille du réveillon du Nouvel An.

Les habitants peuvent aussi prendre la route pour boire dans le royaume voisin de Bahreïn.

Les réformes sociales menées récemment dans le royaume (comme la mixité dans les concerts ou l'ouverture de salle de cinemas), et l'accueil prévu de grands événements comme l'Expo 2030 ou la Coupe du monde de football en 2034, alimentent les spéculations sur une possible levée des restrictions sur l'alcool, du moins dans des zones spécifiques, même si les autorités excluent tout changement à ce stade.

- "Réinventer la roue" -

Le barman Asabek Mashraboy, lui, a fait une croix sur l'alcool après s'être évanoui en dégustant sa première bière. "Une seule canette de bière (...) et j'étais comme mort", se souvient le jeune homme de 24 ans, originaire d'Ouzbékistan.

Cela ne l'empêche pas d'officier au bar du Meraki, un restaurant aux influences grecques à Ryad, où ses "Mykonos mules" et ses "Old Fashioned" vierges lui valent de nombreux compliments, y compris de la part de clients étrangers habitués aux versions alcoolisées.

"Je peux rivaliser" avec les cocktails classiques, dit-il fièrement.

C'est précisément ce défi qui a poussé Moussa Shihadeh à quitter son Allemagne natale, où il a travaillé dans différents bars et hôtels, pour tenter l'expérience en Arabie saoudite.

Ce spécialiste en marketing se réjouit d'avoir introduit de nouvelles boissons sur le marché, remplaçant le "champagne saoudien" (jus de pomme et eau gazeuse) et les mojitos sirupeux proposés jusque-là.

"Il est beaucoup plus compliqué de travailler avec des boissons non alcoolisées qu'avec des boissons alcoolisées", explique-t-il. "Quand on vient ici, il faut vraiment réinventer la roue".

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