INTERVIEW. Aveyron : le scénariste decazevillois Alain Layrac entre cinéma, télévision et littérature

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  • Dominique Auzel et Alain Layrac à l’espace Georges-Rouquier de Goutrens.
    Dominique Auzel et Alain Layrac à l’espace Georges-Rouquier de Goutrens. DDM - BHSP
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Bernard-Hugues Saint-Paul

L’association Georges-Rouquier de Goutrens a accueilli récemment le scénariste et écrivain decazevillois Alain Layrac. Accompagné par le professeur de cinéma, écrivain et directeur des éditions Privat, Dominique Auzel, il a présenté « Le cours de la vie », un film dont il a écrit le scénario inspiré de son propre livre « Atelier d’écriture, 50 conseils pour réussir son scénario sans rater sa vie ». Cette année et la suivante verront aboutir plusieurs projets d’Alain Layrac, sur le petit et grand écran. Entretien.

Quelle est votre actualité cinéma ?
Un très beau film sur lequel je suis coscénariste : « Les truites » de Lucie Prost qui a écrit le scénario et tourné dans le Jura. C’est un film en résonance avec l’actualité. Il parle du désarroi des agriculteurs. Le personnage principal est un chercheur à Berlin qui retourne dans le Jura car son père agriculteur s’est suicidé. Il vient pour régler la succession. Ce film traite comment se reconnecter avec ses racines. Peu de films parlent du monde rural et de sa jeunesse, de manière non caricaturale. « Les truites » comme « Chien de la casse » sont des films non réalisés par des Parisiens. C’est le contraire de « L’amour est dans le pré », de la vision des Parisiens de la campagne et qui m’énerve. « Les truites », c’est aussi un film avec une enquête comme « Erin Brockovich ». Le film sera prêt pour Cannes, on espère être dans une sélection. Il y a une vraie qualité, avec un vrai regard, et un très beau casting.

Pour la télévision ?
J’ai coécrit le téléfilm « Les ailes collées » qui va se tourner au mois de mars et sera diffusé en prime time sur France 2 à la fin de l’année, et sera suivi d’un débat. Il est tiré du livre « Les ailes collées » de Sophie de Baere. Il s’agit d’une histoire d’amour entre deux garçons, deux adolescents dans les années 80 et leurs retrouvailles une quinzaine d’années plus tard. Une magnifique histoire qui se passe à Aix-les-Bains. Cela parle de la difficulté, toujours d’actualité, d’être gay, de s’aimer. C’est sur la confusion des sentiments et le regard de la société. Le casting est en cours. Le film sera réalisé par Thierry Binisti. J’ai également fait une consultation sur un film que va se tourner au mois de mai pour une sortie l’année prochaine : « Baise-en-ville » de Martin Jauvat (qui a sorti « Grand Paris » l’an dernier). On a revu le scénario ensemble, c’est l’un des plus drôles que j’ai lu. Je n’ai jamais autant ri et s’il fait rire les gens, cela sera sûrement un succès.

Un autre projet ?
L’an prochain, va sortir « Planètes », un film de Momoko Seto, une artiste et réalisatrice au CNRS spécialisée dans l’infiniment petit, sur lequel j’ai commencé à travailler en 2016, qui a eu 268 jours de tournage. Il y a la magie de Méliès. J’ai découvert sur ce film des artisans du cinéma, des passionnés, des artistes. Le tournage est fini. Un scénario sans dialogue et sans humains car il n’y a que des insectes et des végétaux. Ce n’est pas « Microcosmos », film qui n’avait pas de scénario et où on filmait juste les insectes. « Planètes » est sans doute le premier film de l’histoire du cinéma joué par des insectes, avec de l’émotion, des scènes à jouer, des marques au sol. On leur a fait interpréter des personnages. Le tournage en Islande, en France et au Japon est fini, il y a maintenant un an d’animation car les personnages principaux sont quatre akènes, des graines de pissenlit. Il y a des stars dont une mante religieuse, une limace, un papillon. C’est une expérience incroyable, unique. Les images sont aussi sublimes. Momoko est capable de filmer l’intérieur de la sève d’une feuille, la moisissure d’une orange ou l’eau en ébullition. C’est un premier film, un prototype. J’espère qu’il ouvrira les yeux des gens à l’infiniment petit. Désormais, je ne regarde plus les choses de la même manière. J’imagine tout ce qu’il y a à l’intérieur d’une fleur, d’une feuille, d’une mie de pain. Le film sera prêt pour Cannes 2025 et sortira fin 2025.

Sur quoi écrivez-vous actuellement ?
Mon roman « Le garçon qui ne savait pas pleurer » est fini mais il est en réécriture. Il se passe à Decazeville dans les années 80. Je ne sais pas quand il sera publié. J’écris également depuis 5 ans avec Rémy Boubal, musicien de film originaire de Laissac, « L’homme qui rajeunit ». Un spectacle pour la scène, entièrement chanté, 2 h 20 de musique, 24 chansons, dont 12 déjà écrites. J’ai une autre comédie musicale, ou plutôt une série où les acteurs interprètent des tubes des années 80. L’action se passe au cœur des années 80 dans l’Aveyron. Elle devait se passer à Decazeville mais finalement devrait, si le projet aboutit, se tourner à Millau. Une série de 8 fois 52 minutes. J’ai signé, j’écris depuis 7 mois. On recherche actuellement des partenaires. C’est une série très personnelle, partie de mon adolescence à Decazeville. Une sorte de West Side Story ; la guerre des clans se passant entre des groupes de musique locaux et des rugbymen, de manière non caricaturale. La productrice est Iris Bucher, de Quad drama (Les combattantes, Le bazar de la charité, Vortex, Meurtres à…). Ce projet est très ambitieux, nous sommes en discussion avec plusieurs plateformes. J’ai écrit la « bible » et ses personnages, j’ai terminé le premier épisode. On a dû changer le décor, car tout ce que je décrivais à Decazeville en 1985 où je voulais tourner n’existe plus, Je voulais tellement que ça se tourne en Aveyron qu’on a fait le choix de transposer l’action à Millau avec les ganteries, le Larzac, le rugby également ; c’est une ville ouvrière et industrielle comme Decazeville, avec aussi un brassage de population. L’idée serait que j’écrive tous les épisodes pour idéalement un début de tournage en septembre 2025.

« C’est un grand film d’émotions »

« Le cours de la vie » est sorti le 10 mai 2023, puis le film est sorti en DVD à la fin de l’année. Il est actuellement diffusé sur Ciné +.
« La projection à Goutrens, c’est un peu boucler la boucle puisque la première projection était à Toulouse et à Decazeville le lendemain. J’ai un sentiment de satisfaction et de travail accompli, car il fallait 60 000 entrées pour amortir le budget du film (600 000 €), et nous avons attiré 94 000 spectateurs en salles. Son parcours a été curieux : il devait être diffusé dans 60 salles, puis finalement on est sorti sur 140 salles, puis 230 salles en 2e semaine. J’ai fait une vingtaine de projections-débats, c’est le record de tous les films que j’ai écrits. Il y a eu de très beaux moments, le plus beau étant Decazeville, avec tellement d’émotion que j’ai le sentiment que je n’aurai pas l’occasion de représenter un film dans lequel les gens puissent se projeter autant que dans celui-là. Il y a aussi eu des projections dans des petits lieux où les gens racontaient leur deuil ou leur première histoire d’amour. Je pense que ce film dont j’avais peur qu’il ne parle que de cinéma, touche à la vie des gens. Il parle davantage de vie que de cinéma ou d’écriture. »
Le film a obtenu plusieurs prix dont cinq à Liège : meilleure actrice pour Agnès Jaoui, meilleur acteur pour Jonathan Zaccaï, meilleure révélation pour Guillaume Douat, une mention spéciale du jury et le prix du meilleur scénario pour Alain Layrac. « C’est une grande fierté car c’est mon deuxième prix dans ma vie, après celui d’Albi pour “Mauvaises fréquentations”. C’est un grand film d’émotions.
J’ai l’impression qu’il aura une trajectoire comme “Héroïnes”, qui avait fait seulement 72 000 entrées mais a eu une carrière incroyable. Il a attiré 6 millions de spectateurs lors de sa première diffusion sur France Télévision. Puis M6 l’a acheté. Il est très régulièrement diffusé. »
Agnès Jaoui, actrice principale du film, va recevoir un César d’honneur à la prochaine cérémonie. « On espérait qu’elle serait nominée pour le film, mais avant la fin des nominations, a été annoncé qu’elle recevra ce César d’honneur. Je suis très très heureux pour elle. Sans Agnès, il n’y aurait pas eu ce film. sur lequel j’ai fait deux rencontres essentielles : Agnès Jaoui et Géraldine Nakache. J’ai le sentiment qu’on est juste au début de la vie de ce film. On espère que Canal + va l’acheter. »
 

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