"Les paysages et le calme de l'Aveyron me manquent" : à Toulouse, les confidences du journaliste, écrivain et photographe Philippe Gagnebet

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  • Basé à Toulouse, Philippe Gagnebet  reste très attaché à l’Aveyron. Basé à Toulouse, Philippe Gagnebet  reste très attaché à l’Aveyron.
    Basé à Toulouse, Philippe Gagnebet reste très attaché à l’Aveyron. Reproduction - L’Aveyronnais
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Recueilli par Emmanuel Pons

Journaliste, écrivain, photographe… Le Ruthénois Philippe Gagnebet est installé à Toulouse où il assure la correspondance du quotidien Le Monde pour la Région Occitanie.

Un homme qui vous a marqué

Sans aucun doute, mon père, qui n’était pas Aveyronnais et s’était installé dans les années 1950, à Rodez. Il était originaire de Gironde et c’était l’époque des "représentants" de commerce. Je me souviens du dépôt, sorte de grand hangar, où étaient entreposés les bonbons de la marque pour laquelle il travaillait. Il avait connu ma mère dans un bal, du côté de Pont-de-Salars, je crois. Très bavard et ouvert, il s’est ensuite engagé dans le rugby comme dirigeant.

À sa mort, il y a eu un superbe hommage au stade Paul-Lignon, ce qui prouvait qu’il avait su parfaitement s’adapter, et ce n’est pas toujours facile. Le lundi matin, je me souviens des discussions et analyses houleuses et colorées d’après-match, dans son bureau du parking Foch dont il s’est occupé longtemps. Et puis c’est grâce et avec lui que j’ai découvert les paysages du département : il était également un chasseur passionné.

Une femme qui vous a marqué

On l’appelait "Yaya", elle habitait place du Bourg, dans un petit appartement chauffé à la gazinière-poêle et elle a été ma nounou pendant longtemps. René, son mari, partait faire le jardin presque tous les jours vers Vabre, à côté de Rodez, et je me souviens encore des odeurs du goûter. Elle pleurait souvent Yaya, je ne sais plus trop pourquoi, peut-être parce qu’elle débordait de gentillesse et d’attention envers les gamins.

Un souvenir fort

Ah, certainement quand mon premier amour m’a largué… Elle habite encore certainement à Rodez, donc je ne balancerai pas de nom ! Mais je pense que c’est pour ça que j’ai ensuite quitté le coin, pour aller voir ailleurs !

Une habitude ou un rituel

J’essaie d’aller tous les étés voir un vieux copain qui habite à Rodelle. Ce village hors du temps, coincé en haut de deux vallées, à l’ombre de cette sorte de grand rocher qui domine les maisons de pierre caractéristique. L’auberge est aujourd’hui fermée, malheureusement, mais au fil du temps on s’y est fait des amis. Concerts, repas, balades, piscine, les étés sont doux à Rodelle, vivement le prochain.

Le petit truc de l’Aveyron qui vous manque

Sans aucun doute la nature, les paysages, le calme. J’ai pas mal voyagé pour mon travail, en France et à l’étranger, mais il faut bien avouer que l’Aveyron déborde de coins sympas, variés dont un, que je vous dévoile à la question suivante.

Un lieu

Curieusement, je n’ai découvert les gorges du Tarn (les mal nommées) que tardivement. On les a descendues avec une bande de copains il y a quelques années et c’était fabuleux. D’autant qu’on logeait le soir sur le causse Méjean que j’ai aussi découvert, c’était vraiment merveilleux, la journée la descente en canoë et le soir feu de camp sous les étoiles. Et aussi les vautours des gorges de la Jonte qui nous survolaient paisiblement. J’adorerais retourner dans ces coins si particuliers.

Une bonne table

"La petite auberge" de Bezonnes, reprise il y a trois ou quatre ans je crois par une équipe de jeunes chefs super talentueux, et qui ont eu la bonne idée de moderniser le lieu, tombé un peu en désuétude. Déco avec du matériel de récupération, grande terrasse festive et de très bonnes choses dans l’assiette.

Un plat

Là, je crois vraiment que c’est la façon dont ma mère cuisinait les bécasses. Avec un père chasseur, obligé de trouver la meilleure recette adaptée à chaque gibier. Je crois que ma mère a mis des années à concocter cette "bécasse sur canapé" comme on disait. Elle la mettait au congélateur, sans la vider, la sortait une semaine avant le repas pour préparer les fameuses tartines avec le gésier de la bête. Selon mes souvenirs de gosier, et avec les compliments des amis de mon père de l’époque, j’avoue que je n’ai plus mangé depuis de gibier aussi bon.

Une boisson

C’était l’époque des premières bières artisanales et celle de Saint-Geniez, dite des "Marmots" sortait vraiment du lot. Je crois qu’elle se fabrique encore. Mais je ne dis pas "non" à un verre de rouge des côtes de Millau et surtout bravo à ceux qui arrivent à cultiver des vignes dans des endroits aussi arides.

Une qualité

On me l’a souvent rappelé lorsque je travaillais à Paris, et encore aujourd’hui à Toulouse, les Aveyronnais sont vus comme travailleurs, un peu radins et têtus. Du coup, je me permets de sauter la question suivante !

Un défaut

Lire ci-dessus.

Une devise

Peut-être celles qui accompagneront le livre toujours en cours que je tente de terminer. Celle de Henning Mankell, l’écrivain suédois : "Avec les médias, on sait comment les Africains meurent mais pas comment ils vivent". Et le principe de Spinoza : "Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre".

Un rêve

Comme pour prolonger le rituel de mes étés à Rodelle, j’aimerais bien y avoir un pied à terre, mais le village est très convoité. Donc je crois que je vais encore loger chez mon ami. Mais avec le temps, j’ai aussi découvert que j’étais un gars de la mer, ou plutôt de l’océan, dont je raffole en hiver. Alors pourquoi pas l’été en Aveyron et le reste du temps dans une cabane en bois à l’ombre des pins, non loin du littoral. Comme un bon plat terre-mer, en quelque sorte.

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