Roumanie: un chef de prison communiste jugé pour crimes contre l'humanité

  • Alexandru Visinescu 2014 lors d'une interview à l'AFP le 19 septembre 2014 à Bucarest
    Alexandru Visinescu 2014 lors d'une interview à l'AFP le 19 septembre 2014 à Bucarest AFP/Archives - Daniel Mihailescu
  • L'intérieur de la prison de Ramnicu Sarat, le 23 août 2014 en Roumanie
    L'intérieur de la prison de Ramnicu Sarat, le 23 août 2014 en Roumanie AFP - Daniel Mihailescu
  • Valentin Cristea, 84 ans, dernier survivant des ex-détenus politiques de la prison de Ramnicu Sarat, chez lui à Campina, le 18 septembre 2014 en Roumanie
    Valentin Cristea, 84 ans, dernier survivant des ex-détenus politiques de la prison de Ramnicu Sarat, chez lui à Campina, le 18 septembre 2014 en Roumanie AFP - Daniel Mihailescu
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Centre Presse Aveyron

Le procès du commandant de l'une des plus brutales prisons communistes roumaines, accusé de crimes contre l'humanité, a débuté mercredi à la Cour d'appel de Bucarest.

Près de 25 ans après la chute du régime totalitaire, la justice demande pour la première fois des comptes à un dirigeant de prison ou camp de travail communiste dans le pays, où plus de 600.000 personnes - intellectuels, opposants politiques, officiers ou prêtres - ont été détenues entre 1947 et 1989.

Vêtu d'un costume trois pièces bleu foncé et d'un chapeau gris, l'accusé Alexandru Visinescu, qui aura 89 ans samedi, est arrivé au tribunal accompagné d'un de ses neveux, qui parle la plupart du temps pour lui. "A mon âge, je ne suis pas bien. Voyez dans quel état je suis!", a déclaré M. Visinescu à l'AFP avant d'entrer dans la salle.

"Comment pourrais-je avoir confiance dans la justice après tout ce qu'on a raconté sur moi?", a-t-il ajouté, s'exprimant avec difficulté.

Il est accusé d'avoir instauré un "régime d'extermination" à la prison de Ramnicu Sarat (est), qu'il dirigea entre 1956 et 1963. Le terrible établissement était connu, outre pour le manque de nourriture et de chauffage, pour l'isolement des détenus, condamnés au silence absolu.

Il risque la prison à perpétuité.

"En tant que commandant, l'inculpé (...) a soumis les détenus politiques à des conditions de nature à entraîner leur destruction physique, en les privant de soins médicaux, de nourriture et de chauffage et en leur infligeant de mauvais traitements", indique l'acte d'accusation. Au moins 14 détenus en sont morts.

Décrit comme une "brute" par certaines de ses victimes, M. Visinescu clame son innocence et montre du doigt ses supérieurs. "Je n'étais pas responsable des règles dans la prison. Je respectais les ordres de la direction", avait-il déclaré à l'AFP.

- Trop tard? -

"Ce procès est particulièrement important car, pour la première fois, un instrument de la terreur communiste comparaîtra devant la justice", a indiqué à l'AFP le président de l'Institut roumain de recherche sur les crimes du communisme (IICCMER) Radu Preda.

"Toutes proportions gardées, il s'agit d'un Nuremberg roumain", a-t-il jugé. D'autres procès devraient suivre, 35 autres tortionnaires présumés étant dans le collimateur de la justice.

Nombre d'anciens détenus ou leurs proches estiment que ces démarches interviennent trop tard, alors que la plupart des anciens chefs de prison ont plus de 80 ans et pourraient ne pas passer un seul jour en prison.

Il n'est jamais trop tard pour répondre à la question : "Qui est coupable pour les crimes du communisme ?", a toutefois estimé M. Preda.

La Roumanie, membre de l'Union européenne depuis 2007, fait figure d'exception en Europe centrale, où globalement les crimes communistes n'ont jamais été condamnés malgré plusieurs tentatives. En Pologne, le procès de l'ancien homme fort du pays Wojciech Jaruzelski, a été clos sans suite après la mort de ce dernier. En Bulgarie, l'ex-dictateur Todov Jivkov fut finalement acquitté.

Le procès de M. Visinescu pourrait durer plusieurs mois voire des années.

Son avocat Dan Petre, avait évoqué dans un bref entretien avec l'AFP "l'état précaire de santé physique et mentale" de son client. Selon des sources proches du dossier, il pourrait plaider l'aliénation pour obtenir un acquittement.

Source : AFP

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