Carole Delga : «Je suis une militante des territoires»

  • «Je suis la présidente de tous les territoires, des Montpelliérains,des Toulousains,des Ruthénois mais aussi des habitants de Saint-Chély-d’Aubrac.
Je veux être en prise directe avec les gens.»
    «Je suis la présidente de tous les territoires, des Montpelliérains,des Toulousains,des Ruthénois mais aussi des habitants de Saint-Chély-d’Aubrac. Je veux être en prise directe avec les gens.» José A. Torres
Publié le , mis à jour
Joël Born

Plus jeune présidente de Région de France, Carole Delga a rapidement pris ses marques à la tête de l’assemblée régionale du Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées. Elle nous expose sa vision pour la Région et l’Aveyron.

On venait tout juste l’apprendre sa nomination à la vice-présidence des Régions de France, lorsque Carole Delga nous a reçus dans son sobre bureau toulousain, qui domine une partie de la ville rose. «Je suis lucide, c’est pour respecter la parité», a-t-elle lâché avec humour.

Malgré un emploi du temps particulièrement chargé, digne de l’ancienne ministre qu’elle fut, la jeune et avenante présidente du conseil régional du Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées nous a accordé un long entretien, au cours duquel elle a répondu, sincèrement, à toutes nos questions sur les dossiers aveyronnais, mais aussi plus largement sur sa vision pour la Région.

Une présidente souriante, qui n’a pas manqué, à plusieurs reprises, d’exprimer son profond attachement aux territoires, tous les territoires qui composent désormais ce vaste ensemble régional aux dimensions européennes.

Comment avez-vous vécu ces premières semaines de présidence 

Ce furent des semaines passionnantes, dans un climat positif, constructif. Je me suis battue pour être présidente. C’est une belle aventure qui commence, à la hauteur de mes espérances. [GRAS-

Pourquoi l’Aveyron n’a pas de vice-présidence à la commission permanente ?

C’est le cas pour d’autres départements. Emmanuelle Gazel et Guilhem Serieys en sont membres. Stéphane Bérard est président de la commission des transports et Monique Bultel-Herment est membre du bureau de l’assemblée.

L’aménagement de la RN 88 avance au ralenti et les crédits sont insuffisants. Comptez-vous accélérer ce dossier ?

Je vais rencontrer Alain Vidalies (NDLR: le secrétaire d’État chargé des Transports) sur ce sujet. Le véritable enjeu est de poursuivre l’aménagement de la RN 88 au-delà de Rodez, afin de relier Toulouse à l’A75. Fin février, je rencontrerai Jean-Claude Luche. C’est important pour désenclaver tout le Nord du Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées.

La ligne aérienne Rodez-Paris fait l’objet d’une nouvelle délégation de service public, en partenariat avec l’État. Peut-on espérer, un jour, une participation de la Région ?

Comme pour d’autres aéroports et d’autres lignes, c’est une question de répartition entre l’État et la Région. C’est également un sujet sur lequel nous allons travailler.

Le désenclavement passe aussi par le rail. Gérard Onesta veut développer le ferroutage. Quelle est votre position ?

La Région a déjà beaucoup investi sur le réseau ferroviaire du quart Nord-Est de Midi-Pyrénées, à travers le Plan Rail. L’Aveyron a bénéficié de nombreux travaux de rénovation, notamment l’étoile de Capdenac. Je suis favorable au ferroutage.

C’est une discussion que nous allons mener avec la SNCF. À ce sujet, j’avais proposé d’instaurer une taxe transport au niveau régional pour le transit international. Plusieurs présidents de région sont sur la même longueur d’ondes. Nous allons en débattre au niveau du bureau de l’Association des Régions de France.

L’Aveyron subit la désertification médicale. La Région va-t-elle maintenir sa politique de soutien aux maisons de santé ?

En Aveyron, la Région a soutenu 60 maisons de santé, dont 19 projets aveyronnais pour plus de 1,5 M€ d’aides. Nous allons poursuivre cet effort. J’ai demandé à Michel Boussaton d’effectuer des propositions pour créer des centres de santé, avec des personnels salariés. C’est une expérimentation que je voudrais mettre en place dans des zones rurales, mais aussi dans certains quartiers ou villes défavorisées. Dans ce domaine, la Région sera toujours très volontaire.

En Aveyron, l’éolien reste un sujet sensible. Comment vous positionnez-vous sur le dossier des énergies renouvelables ?

Notre ambition est de faire du Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, la première région en Europe à énergie positive. Une stratégie ambitieuse va être mise en place avec tous les acteurs. Pour l’éolien, il faut être attentif à des projets menés en concertation avec les habitants. Cela passe par une prise en compte de la pollution visuelle et de la qualité des paysages. En Aveyron, nous souhaitons aussi soutenir le développement du biogaz, comme cela a été le cas pour l’unité de méthanisation collective de Sébazac.

Les attentes des agriculteurs sont fortes. D’autant plus que la Région gère désormais les crédits européens...

Les aides européennes sont en forte augmentation. Pour l’ensemble de la région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, les fonds du Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural) ont représenté une enveloppe de 1,2 milliard d’euros sur la période 2007-2013. Elle sera de 1,9 milliard d’euros pour la période 2014-2020.

Ces crédits permettent notamment de soutenir les investissements collectifs pour les dispositifs de modernisation. L’une de nos priorités est l’agriculture bio et paysanne et nous devons encourager les circuits courts.

Concernant la crise de la filière canard, nous allons apporter des aides en trésorerie et initier des actions de formation pour les techniques de biosécurité. Nous allons également engager une grande campagne de communication nationale pour rappeler la qualité des produits régionaux de la filière.

Quelles sont vos priorités pour l’emploi ?

Nous allons débloquer 800 M€ en 2016 pour la filière du bâtiment et des travaux publics. Cela va créer un effet d’entraînement et permettre à d’autres collectivités de s’inscrire dans cette dynamique.

Nous allons rapidement engager les projets du contrat de plan État-Région, comme la déviation de Gimont, par exemple. Un autre volet concerne le tourisme. De nombreux emplois ne sont pas pourvus. Il faut mettre en adéquation les compétences des demandeurs d’emplois avec les besoins des professionnels.

Le gouvernement mise sur la formation. Avec ça, des organismes comme l’Afpa éprouvent de grosses difficultés financières...

La formation devait être soumise à concurrence. Dans le cadre du plan de formation discuté avec le gouvernement (NDLR: la rencontre a eu lieu ce mardi), je vais plaider pour des formations longues de qualité. À ce niveau, l’Afpa a une vraie expertise.

La Région sera-t-elle encore derrière l’Estivada, dont l’organisation est reprise par la ville de Rodez

La Région sera toujours là, aux côtés du maire de Rodez, et je souhaite que le festival conserve sa dimension interrégionale.

Comment comptez-vous établir un véritable équilibre territorial et effacer les rivalités entre Toulouse et Montpellier ?

Ce matin, nous avons signé l’accord-cadre entre les deux métropoles. Je suis attentive à cet équilibre. Je suis la présidente de tous les territoires, des Montpelliérains, des Toulousains, des Ruthénois mais aussi des habitants de Saint-Chély-d’Aubrac.

La Région doit avoir un rôle d’équilibre territorial et aider ceux qui en ont le plus besoin. Le musée Soulages est un très bon exemple. Mais c’est aussi valable quand on soutient la maison de santé de Salles-Curan, Jeune Montagne, la charcuterie Cros de Rebourguil ou la fabrique de biscuits bio de La Fouillade.

Vous avez décidé de baisser les indemnités régionales et de lutter contre l’absentéisme. Est-ce avant tout des signes forts adressés à ceux qui se sont détournés de la politique ?

J’encourage, avant tout, la citoyenneté. Je constate que le niveau de vie des gens a baissé. Ils font des efforts. Les élus doivent en faire aussi. Les indemnités, c’est aussi au mérite...

Et le cumul des mandats?

Je suis très claire. J’ai voté la loi et dès le début j’ai dit que je resterai députée. C’est juste pour une année et j’arrive à conjuguer les deux.

À ce propos, certains s’interrogent sur l’utilité et le coût du Ceser ?

 Le Ceser permet d’avoir une vision plus large. C’est vraiment une richesse. Il va être très utile, par exemple, pour la mobilisation sur le bâtiment, l’élaboration des schémas régionaux ou la consultation sur le nom de la région.

Je souhaite une consultation publique la plus large possible rapidement. Le vrai problème concerne le statut juridique des élus. Je vais continuer à militer pour. Il est difficile de concilier activité professionnelle et mandat d’élu. Cela pose un vrai problème de représentation.

Qu’avez-vous appris de Martin Malvy ?

Il m’a beaucoup appris. C’est avec lui que mon engagement a pris une autre dimension. Il m’a fait confiance, donné des responsabilités. Il m’a appris à toujours être dans la hauteur de vue, à avoir une grande rigueur intellectuelle. Il me disait: «Le toit de la Région ne va pas te tomber dessus.» Je suis une militante des territoires. Mon rôle est de fédérer, bâtir, préparer un avenir commun. Ce ne sont pas les chicaneries qui m’interessent. 

En dehors de l’action politique, avez-vous d’autres passions?Ma famille compte beaucoup. J’aime la nature et la marche en montagne, la gastronomie, la peinture, la sculpture, l’art en général et l’histoire.

Si Carole Delga devait se définir en quelques mots ?

Je dirais travailleuse, honnête, déterminée, proche des gens. Je veux être en prise directe avec les gens.

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