Vitesse à 80 km/h : "Je suis pour. Mais est-ce que ça va changer quelque chose ?"

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Centre Presse Aveyron

Des victimes de la route entre espoir et résignation. 

Si ça peut sauver même une vie, je suis pour. Mais est-ce que ça va changer quelque chose?" Victime d'un accident en 2011, Elodie accueille avec circonspection, entre espoir et doute, le prochain abaissement de la vitesse à 80 km/h sur certaines routes. A 32 ans, la jeune femme connaît les dangers et les drames de la route.

En 2011, un accident l'a laissée tétraplégique durant trois mois. A force de volonté, elle a défié les pronostics et récupéré l'essentiel de ses facultés. Mais son quotidien d'employée de crèche - où elle a repris le travail à mi-temps - reste contraint par des douleurs persistantes et un "manque de force".

Elle continue de venir régulièrement à l'hôpital de Garches (Hauts-de-Seine) pour des soins. Comme beaucoup de Français, elle s'interroge sur les effets de limiter à 80 km/h, à partir du 1er juillet, 400 000 kilomètres de routes secondaires à double sens sans séparateur central (muret, barrière...), au lieu de 90 km/h actuellement. Selon des experts et le gouvernement, cela pourrait sauver entre 300 et 400 vies par an.

"La plus grande différence de vitesse avec ceux qui ne respectent pas la limitation risque d'augmenter la gravité des accidents, non? C'est une question que je me pose"

"Je suis pour trouver des solutions pour faire baisser le nombre de morts et d'accidents, mais est-ce que réduire à 80 km/h va changer quelque chose?", demande-t-elle. "Si ça peut sauver même une vie, je suis pour. Mais les inconscients, les fous sur la route ? Le fait de diminuer la vitesse ne va pas les empêcher de faire n'importe quoi".

Dans son fauteuil roulant, Roxane Merckx, paraplégique depuis qu'une voiture a renversé son scooter en octobre après avoir grillé une priorité, est elle aussi "mitigée". "La plus grande différence de vitesse avec ceux qui ne respectent pas la limitation risque d'augmenter la gravité des accidents, non ? C'est une question que je me pose", glisse cette juriste de 26 ans, au quotidien désormais rythmé par les séances d'"ergothérapie, kiné, sport, balnéo, orthophonie..." 

"Pédagogie insuffisante"

Dès l'annonce de cette mesure controversée le 9 janvier, le gouvernement avait estimé que la "communication" serait "clé". Alors que des associations d'automobilistes et de motards et des parlementaires contestent son efficacité pour réduire la mortalité, les partisans des 80 km/h regrettent une "pédagogie insuffisante" des autorités sur ce sujet très sensible dans l'opinion.

En avril, 76% des Français s'y disaient opposés. "De tout temps, lorsqu'une mesure majeure de sécurité routière a été prise, il y a toujours eu des gens contre, qui ne la comprenaient pas, qui disaient +On verra bien+... Mais leurs effets ne sont plus contestés aujourd'hui".

"Il faut un accompagnement permanent de communication, avant et après l'entrée en vigueur", insiste Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière. "Il y a un problème de méthode et de pédagogie", abonde le président de la Fédération nationale des victimes de la routes, Dominique Courtois.

"Le gouvernement a dit +C'est comme ça+. S'il avait mieux expliqué que la vitesse est cause mais aussi facteur aggravant d'accidents, qu'un accident fait basculer une victime, mais aussi une famille, dans le désespoir pour toute une vie, peut-être que les gens comprendraient mieux." A la Sécurité routière, qui amplifie ses campagnes médiatiques à l'approche du 1er juillet, on admet "une pédagogie particulièrement difficile".

"Les gens comprennent facilement les dangers du téléphone ou de l'alcool. Mais le lien entre la baisse de la vitesse et la baisse des accidents fait appel à des notions, des études scientifiques plus difficiles à concevoir", fait valoir le délégué à la Sécurité routière Emmanuel Barbe, qui a sillonné la France ces derniers mois pour expliquer la mesure. Mais pour Elodie, la meilleure pédagogie ne se fait pas avec les chiffres: "Il faudrait surtout que les gens qui causent les accidents fassent un stage ici (à l'hôpital de Garches, ndlr) et qu'ils voient ce qui se passe pour les victimes, ce qu'on endure. Peut-être que là, ils se rendraient compte." 

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