L'Aveyron tend vers une gestion autonome des déchets

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  • Les sacs noirs aveyronnais prennent aujourd’hui la direction du site de traitement des déchets Trifyl, dans le Tarn.
    Les sacs noirs aveyronnais prennent aujourd’hui la direction du site de traitement des déchets Trifyl, dans le Tarn. Repro CP
  • Jean-François Rousset, à gauche. Jean-François Rousset, à gauche.
    Jean-François Rousset, à gauche. Repro CP
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François Cayla

Jean-François Rousset, nouveau président du Sydom, entend mener à bien deux gros projets pour parvenir à cet objectif.

Jean-François Rousset, vice-président de la commission des ordures ménagères et de l’environnement à la communauté de communes Monts Rance et Rougier, et deuxième adjoint au maire à Montlaur, a été élu, début septembre, président du Syndicat départemental des ordures ménagères (Sydom).

Déjà membre du bureau de la structure, l’élu du Sud-Aveyron a été désigné comme président pour les six ans à venir par les 37 représentants des 18 intercommunalités qui adhèrent au Sydom. Il succède à Patrice Couronne, en poste depuis 2008.

Solena

"La transition s’est faite en douceur, précise Jean-François Rousset. Avec Patrice, nous avons beaucoup discuté en amont de ce passage de relais. Je suis dans la continuité du travail accompli, des décisions qui ont été prises. Mais pour autant, je suis quelqu’un de très ouvert. On peut toujours faire évoluer les choses. " Cette ouverture d’esprit, le nouveau "patron" du Sydom pourrait être amenée à la tester avec l’un des gros dossiers de la mandature : le projet Solena,

Pour mémoire, la société Solena, groupement constitué par les entreprises Séché Environnement et Sévigné, doit créer un pôle multifilière de valorisation et de traitement de déchets non dangereux de l’Aveyron sur les sites de Dunet, de l’Igue du Mas et de Cérons, à Viviez et Aubin, dans le Bassin decazevillois. Cette unité, dont l’aménagement nécessitera un investissement de 50 M€ et serait créateur d’une quarantaine d’emplois directs, regrouperait plusieurs installations industrielles complémentaires permettant de récupérer dans les déchets tout ce qui peut être valorisé : sous forme de matière pour être recyclé, sous forme d’énergie en produisant du biogaz, ou sous forme de compost. Les prévisions laissent apparaître un volume de 85 000 tonnes de déchets traitées par an, dont 59 000 tonnes d’ordures ménagères.

La préfecture de l’Aveyron a rendu, le 21 août dernier, un avis favorable à la demande d’autorisation environnementale déposée par les porteurs du projet. Dans le cadre d’une Délégation de service public (DSP) qui court sur 25 ans, le Sydom, en tant que propriétaire de l’usine, s’est engagé à exercer le contrôle, au quotidien, des activités de la future usine pour un strict respect du cahier des charges.

La démarche engagée, associée à l’aménagement du centre de tri de Millau (lire par ailleurs), doit permettre au département de tendre vers une complète autonomie en matière de gestion et de traitement des déchets.

Cul-de-sac

Pour l’heure, et depuis une dizaine d’années, les ordures ménagères aveyronnaises sont acheminées vers le site de Trifyl, dans le Tarn. Mais selon Jean-François Rousset, ce fonctionnement ne peut plus durer.

"Le site de Trifyl va lui aussi engager de lourdes transformations techniques, indique le président du Sydom. Aujourd’hui, Trifyl ne valorise pas majoritairement les déchets. Il les enfouit. Or, en résumé, la loi va obliger les collectivités à n’enfouir que 30 % des déchets, le restant devant être valorisé. On se doit donc d’évoluer. Et on n’a pas 36 solutions, car, à terme, Trifyl ne pourra plus traiter nos déchets. Alors on fait quoi ? Comment ? Cela voudrait dire envoyer nos déchets encore plus loin ? Avec le surcoût que cela représenterait pour les Aveyronnais ?"

Jean-François Rousset concède qu’un projet comme Solena ne peut que susciter des oppositions chez les populations riveraines. Sans surprise, dans le Bassin decazevillois, ces oppositions sont marquées et sont fédérées par l’association Adeba. Une association qui vient de saisir la justice en déposant plusieurs recours qui concernent les délibérations des collectivités locales, les autorisations préfectorales, la procédure de DSP…

Malgré ça, le président du Sydom affirme qu’il n’y a, pour l’instant, " aucune situation de blocage " et que l’avancement du projet est " normal. Non, à ce jour, le projet n’est pas bloqué, ni même ralenti. Le calendrier renvoie toujours à une mise en service en 2024. Et soyons clairs : si Solena venait à être empêché, l’Aveyron se retrouverait dans un terrible cul-de-sac… "

Kéréa

Avant d’en arriver là, le Sydon va ouvrir, dans les tout prochains jours, une vaste campagne de communication sur le sujet. Car comme Jean-François Rousset est prêt à le reconnaître, l’accompagnement du projet a peut-être manqué de communication et de pédagogie auprès de la population.

"Déjà, souligne-t-il, nous avons décidé de baptiser le futur site du nom de Kéréa. Chaque lettre de ce nom reprend un mot égyptien qui sera expliqué par divers canaux. Et nous allons d’ailleurs expliquer tout ce qu’il y a à expliquer. On doit rassurer les gens et rappeler que le Sydom gardera un droit de regard permanent sur l’usine, de même que l’État et que les collectivités locales. On ne va pas donner les clés du camion et revenir voir dans 25 ans si tout s’est bien passé. Non. Nous serons au contraire extrêmement attentifs à tout ce qui se passera, jusque dans les conditions de travail des salariés. Je suis par ailleurs disposé à rencontrer les opposants au projet. Mais dans un esprit serein et d’écoute. Si c’est uniquement pour prendre des œufs sur la tête, ce n’est pas la peine…"

 

Travaux lancés au centre départemental de tri à Millau

L’autre "gros morceau" que Jean-François Rousset va devoir concrétiser lors de sa présidence pose moins de problèmes "relationnels" que le projet Solena. En effet, l’aménagement d’un nouveau centre de tri départemental, à Millau, n’a suscité jusque-là aucune véritable opposition, bien au contraire. Au lieu-dit Fialets, le futur unique centre de tri du département, qui recevra donc l’ensemble des sacs jaunes aveyronnais (une partie de ces déchets prend encore aujourd’hui la direction de Saint-Jean Lagineste, dans le Lot), traitera environ 25 000 tonnes de déchets par an (moins de 15 000 actuellement) et emploiera une vingtaine de personnes, reprenant les emplois existant sur le site actuel. Les travaux d’aménagement de la nouvelle structure, qui vont mobiliser plus de 20 M€, viennent de débuter et la livraison de l’équipement est prévue à l’automne 2021. " La loi nous impose d’augmenter notre capacité de tri à l’échelle départementale, explique Jean-François Rousset. Cette opération est donc nécessaire. Le nouvel équipement disposera par ailleurs des dernières technologies en la matière, ce qui permettra d’accompagner l’Extension des consignes de tri (ECT) à tous les emballages plastiques, pots de yaourts et barquettes alimentaires compris. "

La tarification incitative à l’étude

À jeter un regard plus large sur la gestion des déchets ménagers dans le département, le nouveau président du Sydom considère que les choses ne vont pas si mal, y compris en période de confinement. Pour autant, et dans la volonté d’améliorer toujours plus le comportement des Aveyronnais, Jean-François Rousset espère que les collectivités vont intensifier leur communication auprès de leurs administrés. Dans ce cadre et pour venir en appui, le Sydom vient d’embaucher de nouveaux ambassadeurs du tri, qui vont sans tarder aller sur le terrain afin de sensibiliser encore davantage aux intérêts économiques et environnementaux d’une bonne pratique en matière de tri. Et pour aller encore plus loin, sachant que le dispositif risque d’être rendu obligatoire, le Sydom réfléchit à la mise en place de la tarification incitative (TI). Cette tarification permet en fait l’application du principe pollueur – payeur aux usagers du service. Elle intègre le niveau de production de déchets de chacun pour facturer l’usager, qui est alors incité financièrement à des comportements (plus) vertueux pour entraîner une réduction sensible du volume des déchets. "C’est piégeux, reconnaît Jean-François Rousset. Mais la TI se déploie un peu partout en France. Il va falloir y venir. C’est très, très difficile. Mais c’est un objectif, un vrai sujet de réflexion."

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