Aveyron : quand la crise sanitaire fait valser les orchestres…

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  • Thierry Bonnefous et sa formation, l’un des ténors du bal musette.
    Thierry Bonnefous et sa formation, l’un des ténors du bal musette. Reproduction Centre Presse - Reproduction Centre Presse
  • Frédéric Vernhet et sa troupe, spécialistes du spectacle cabaret.
    Frédéric Vernhet et sa troupe, spécialistes du spectacle cabaret.
  • Véronique Pomiès. Véronique Pomiès.
    Véronique Pomiès.
  • Benjamin Malric. Benjamin Malric.
    Benjamin Malric.
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Christophe Cathala

Mesures sanitaires, confinements et gestes barrières ont mis un terme aux thés dansants et aux bals musettes, plongeant les artistes qui les animent dans l’incertitude quant à leur avenir.

Musiciens de scène, artistes de cabaret, ténors du bal musette, ils ont baissé le rideau. Depuis mars pour la plupart d’entre eux, à de bien rares exceptions près durant la période estivale où quelques comités des fêtes se sont enhardis à maintenir la tradition. "Nous sommes les grands oubliés de la culture, soupire l’accordéoniste Véronique Pomiès. Je ne sais pas faire autre chose que de faire danser les gens et la danse est interdite par principe". Et toute forme de rassemblements à l’avenant.

Garder le contact et ne pas perdre la main

"Je n’ai pas sorti mon camion depuis le 8 mars, renchérit Thierry Bonnefous. En tant qu’intermittent du spectacle, on a eu droit, avec mes musiciens, au chômage prolongé jusqu’à fin août. Mais à partir de septembre, il nous faut repartir sur 507 heures, sinon on n’a plus rien". L’orchestre de Thierry Bonnefous compte cinq professionnels qui ont trompé leur ennui en assurant, quelques vendredis soirs, l’ambiance au Bowling du Rouergue, qui a refermé depuis le deuxième confinement. "On reste un peu dans la composition de nouveaux morceaux… Mais on commence à trouver le temps long".

"Il faut continuer à s’entraîner, sinon on perd vite la main, confirme Frédéric Vernhet. On répète ensemble ou à distance, individuellement avec le confinement". Lui qui assure des spectacles cabaret avec sa troupe (jusqu’à huit ou neuf artistes avec les danseuses) est à l’arrêt depuis mars. "Le contact nous manque, c’est d’autant plus pesant que nous n’avons pas une vision claire de la reprise. On espère remonter sur scène l’été prochain, beaucoup de comités des fêtes ont reconduit leurs contrats… On verra bien".

L’espoir de l’été prochain

Benjamin Malric, lui aussi, croise les doigts : "Si l’on n’a pas l’été prochain, on ne sauvera pas les meubles". L’accordéoniste de Flavin travaille beaucoup en milieu hospitalier et dans les Ehpad. Crise sanitaire oblige, il a dû rengainer, avec ses trois musiciens, les instruments. Ressortis pourtant à trois ou quatre reprises cet été dans les campings du Lévezou. "Mais sans les mariages qui assurent, comme pour certains de mes confrères, une activité régulière.."

Les fêtes estivales annulées, celles de fin d’année sont toujours dans le flou le plus total. Benjamin Malric doit assurer la Saint-Sylvestre à Ceignac : "Une belle fête chaque année. Ce n’est pas encore annulé mais cela ne saurait tarder…"

Insupportables incertitudes

Alors faut-il se réinventer à tout prix ? La réponse s’avère difficile surtout quand la crise sanitaire bride toute forme d’ambition. "Je compte beaucoup sur les écoles de danse pour créer une nouvelle dynamique", avance Benjamin Malric.

Ces incertitudes répétées, et un bout du tunnel invisible sont tout aussi durs à supporter que l’absence de rentrées financières. Tous les artistes s’accordent sur ce point.

La situation est à peine moins compliquée pour les amateurs comme Véronique Pomiès (mais elle fait travailler des intermittents) qui est salariée de la collectivité territoriale et tourne durant ses repos avec l’aval de son employeur. Mais pour les pros, il faut ouvrir le robinet de l’épargne pour survivre, la vente des CD que certains ont réalisé "ne se fait que durant les représentations, les gens vont écouter les morceaux gratuitement sur Youtube", reconnaît Thierry Bonnefous.

Certains s’en sortent grâce au cours d’accordéon qu’ils ont pu maintenir. C’est le cas de Guillaume Fric qui retrouve ses élèves en visio. "Et avec ce deuxième confinement, les adultes s’y mettent, avec les jeunes, assure-t-il. Cela fait du bien au moral mais le plus dur est d’arriver à avoir la motivation. Côté scène, les gens n’appellent plus depuis l’été pour des prestations".

D’autres ont déjà glissé vers des reconversions : Yvan-Marie Rufié est depuis quelque temps déjà, viticulteur dans le Vallon. "C’est mon deuxième métier qui reprend quand l’autre s’arrête, glisse-t-il. Mais je suis à l’arrêt complet depuis un an, pas de gala. Et il est possible que je n’en fasse plus". Sa célèbre troupe Obsession travaille aussi pour d’autres artistes… Quand ces derniers peuvent assurer les spectacles.

Tous déplorent le manque de contact avec le public, une drogue selon eux. Un public lui aussi privé de réjouissances qui partage désormais avec les artistes un même moral en berne.

Pas de relève dans le public

Le retour aux affaires risque de s’avérer timide dans ce contexte qui aura laissé du monde au bord du chemin. S’y ajoute un autre phénomène : "Notre public est souvent âgé, plus le temps passe et moins nous sommes sûrs de le retrouver car il n’y a pas de relève", professe Thierry Bonnefous. Les générations plus jeunes ne seraient donc pas forcément attirées par les thés dansants ? Frédéric Vernhet y souscrit : "La clientèle ne se renouvelle pas et cela se répercute sur les formations dont le nombre de musiciens diminue". En complément du bal musette Frédéric Vernhet a développé des spectacles cabarets "pour toucher un public plus large, et cela fonctionne avec toutes les tranches d’âge". Véronique Pomiès garde confiance, l’espoir peut venir "des groupes folkloriques qui brassent toutes les tranches d’âge et touchent des gens plus jeunes. C’est une piste pour les accordéonistes…"

 

Une reprise sous inquiétudes

Le bout du tunnel tant espéré risque de se révéler semé d’embûches. C’est ce que craignent les artistes quand sonnera la reprise possible des activités : "De nombreuses discothèques et dancings qui organisaient les thés dansants rencontrent actuellement de graves difficultés et risquent d’avoir mis la clé sous la porte au moment où l’on aura besoin d’eux", redoute Thierry Bonnefous. "Ces établissements sont d’autant plus importants pour les orchestres car ils nous permettent d’établir des plannings à l’avance", renchérit Véronique Pomiès.

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