Aveyron : « Le monde du sport est à un tournant »

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  • Jean-François Angles, président du comité départemental olympiqueet sportif, a fait un pointsur la situation du monde sportif pendant ce deuxième confinement.
    Jean-François Angles, président du comité départemental olympiqueet sportif, a fait un pointsur la situation du monde sportif pendant ce deuxième confinement. Reproduction Centre Presse - Reproduction Centre Presse
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Centre Presse Aveyron

Jean-François Angles, président du comité départemental olympique et sportif, a fait un point sur la situation du monde sportif pendant ce deuxième confinement.
 

Que vous inspire la situation actuelle, avec la reprise de l’entraînement pour tous les mineurs à partir de mardi (1), mais toujours des restrictions pour les majeurs ?
C’est long… C’est bien que les jeunes puissent remettre le pied à l’étrier mais pour les adultes, c’est un peu désespérant car c’est bien joli de faire de l’entraînement, mais s’il n’y a pas de match, c’est un peu, comment dire… On n’est plus dans l’esprit sportif mais dans la pratique sportive. Bon, c’est bien du point de vue de la santé mais si on ne peut pas reprendre la compétition avant le 20 janvier, il est clair que dans quasiment toutes les disciplines, la saison sera foutue. Maintenant, il faut voir quelle va être la politique des fédérations. Je sais que certaines ont décidé qu’elles tireraient un trait sur la compétition, en n’essayant même pas de faire de classement mais en reprenant ce qui était valable en septembre pour le reporter en septembre 2021.

Êtes-vous inquiet pour l’avenir ?
Oui, car il est certain que des petits clubs auront un mal fou à redémarrer, pour deux raisons. La première est qu’ils n’auront pas eu les rentrées financières qu’offrent les activités hivernales comme les quines ou les petits-déjeuners. Certes, ils ont fait des économies étant donné que tout leur fonctionnement est en stand-by, mais quand même. La seconde est pour moi liée à une possible démotivation de la part d’un certain nombre de bénévoles. La nature ayant horreur du vide, il se peut que ces personnes aient trouvé d’autres occupations, d’autres centres d’intérêt à la place de la vie associative dans les clubs. L’État, le ministère des Sports et le CNOSF (comité national olympique et sportif français, NDLR) ont beaucoup insisté sur le manque à gagner pour les clubs et essayent de le compenser par diverses mesures, à l’image du « pass sport » pour les jeunes, mais à un moment, il n’y a pas que le financier qui compte ; l’état d’esprit aussi et l’autre jour, j’ai participé à une réunion avec des gens de la Région, et force est de constater que les retours ne sont pas positifs dans ce domaine.

L’argent reste néanmoins le nerf de la guerre et ce qui permet aux clubs et fédérations de fonctionner, en partie grâce au montant des licences…
Les financements du sport ont quatre origines : les cotisations des licenciés, c’est-à-dire les fonds propres, l’État, les collectivités territoriales et les partenaires privés. On sait très bien que ce ne sont pas les plus grosses fédérations qui vont perdre le plus dans cette crise étant donné qu’elles avaient, avant que tout commence, une trésorerie qui leur permettra, en se serrant un peu la ceinture, de passer le cap difficile. En revanche, si l’on prend un petit club situé au fin fond de l’Aveyron, la situation ne sera pas la même étant donné que les financements de l’État vont être minimes et que ceux des collectivités territoriales risquent de diminuer du fait des charges sociales. Certaines collectivités n’ont d’ailleurs pas caché qu’au mieux, elles maintiendraient leur participation au même niveau, et au pire, y mettraient un terme. Enfin, quand on voit le nombre d’entreprises qui sont en difficulté, quand encore elles ne sont pas en liquidation, on ne peut décemment pas aller frapper à leur porte pour demander de l’aide, pas plus qu’on ne peut augmenter le prix des licences pour des gens qui se trouvent en chômage partiel ou ont pompé dans leurs économies pour maintenir leur niveau de vie. C’est là que l’on s’aperçoit que le sport n’est pas une priorité, malgré le discours des élus, qui consiste à dire « le sport, c’est la santé, la cohésion sociale, l’éducation ». Aujourd’hui, ce milieu est lui aussi frappé par la crise, mais on dit à ses acteurs, en gros, « débrouillez-vous ».

La situation est donc déjà grave...
Il ne faut jamais désespérer mais il faut être réaliste : la période est et va continuer à être très difficile, et ce que je crains est que l’on voie arriver à la tête des comités, dont on renouvelle actuellement les présidents, des opportunistes plus attirés par la possibilité de mettre ça en avant sur leur carte de visite que par celle de dynamiser leur discipline. Je vais essayer de ne pas être trop noir au sujet de l’avenir mais on va faire face à un défi qui sera de relancer le dynamisme sportif, de façon à ce qu’il ne se trouve pas en concurrence avec le sport commercial, c’est-à-dire les salles de sport ou les coaches. Ces derniers passent des diplômes et, une fois qu’ils les ont, lancent souvent leur entreprise pour vivre de leur savoir, et je ne leur jette pas la pierre, mais le problème est que si le confinement pousse les gens à être plus individualistes, l’esprit fédéral, de partage, pourrait très bien se diluer dans le domaine commercial. Le monde du sport ne vit pas une révolution mais est à un tournant fort au niveau de sa gouvernance, ce qui va obliger ses dirigeants à innover dans la conception qu’ils ont de la pratique sportive, notamment dans les clubs. On a été mis en concurrence par l’État avec le domaine commercial donc il va falloir réfléchir à la façon dont attirer les gens car de plus en plus d’entre eux se disent « à quoi cela sert-il de payer une licence si c’est pour engraisser une fédération et ne rien voir en retour ? ». Dans les clubs où il y a beaucoup d’échanges, de convivialité, où les familles se connaissent, ça pourra aller, mais dans ceux avec un nombre de licenciés assez important, il va falloir trouver de nouveaux moyens, autres que la pratique sportive, pour garder les adhérents et en attirer de nouveaux.



(1) Jusqu’à présent, seuls ceux qui pratiquent un sport en extérieur pouvaient s’entraîner.
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Les commentaires (1)
Vilain Il y a 3 années Le 14/12/2020 à 08:43

Je suis surpris de ce pessimisme d'avenir pour le monde Sportif.
En effet, le monde sportif a connu plus terrible dans son histoire ( 14/18 et 39/45 ) et a rebondi !
Arrêtons de noircir le situation, car le Sport véhicule d'autres messages d'espoir, d'espérance à mettre en avant .
Il y aura une reprise du Sport comme dans tous les domaines de la Vie après l'issue de cette période sanitaire. Il suffit donc de motiver les troupes pour aborder ce tournant avec confiance.