Entraygues-sur-Truyère : Pierre Beaugelet, les dessins et son dessein d’activiste écologiste

Son dessein est celui d’un vieux sage. On l’imagine assis sur les pierres, au pied du château d’Entraygues, à la confluence du Lot et la Truyère. Pierre Beaugelet, du haut de ses 23 ans, vient d’obtenir le prix Tremplin Claude-Nougaro de la Région pour sa bande dessinée "Au-dessus des hommes" sur lequel il jette un regard déjà affiné et affirmé sur le monde. Fruit aussi de son analyse aiguisée sur l’état de la planète et les êtres qui la peuplent.

L’histoire d’un homme, Lucas, qui décide de grimper sur la montagne, dans les Pyrénées, pour faire le point sur sa vie. Des retours en arrière dans son bureau jalonnent sa première bande dessinée pour montrer le mal-être, la dépression suite aux pressions exercées par le monde du travail sur ce héros malgré lui. " On le voit sombrer et revivre ", résume Pierre Beaugelet qui dénonce la frénésie de notre époque où tout va trop vite, donc inhumaine. De ce constat surgissent aussi les aspirations du jeune auteur : la cause environnementale. " J’ai toujours randonné avec mes parents. Cela m’a sensibilisé à l’écologie ", confie-t-il. Une bande dessinée environnementale et sociale, au cœur de l’actualité tout en offrant un grand bol d’air. Une respiration. Cela a ainsi été salué par la Région qui lui a attribué le prix Tremplin de la catégorie.

Serge Carrère comme parrain

Ce prix lui permet notamment de disposer d’un parrain, le dessinateur Toulousain Serge Carrère qui a notamment repris le personnage d’Achille Talon avec Fabcaro au scénario. L’opportunité pour Pierre d’améliorer sa bande dessinée qui intégrera l’anthologie du concours. Ajouter du texte tout en allant à l’essentiel figure parmi les précieux conseils de son parrain. La nécessité de revisiter sa première bande dessinée l’aide aussi à trouver son style. Sa signature. Cela se voit dans sa planche préférée où le héros est au pied de la montagne comme au pied du mur, au milieu des feuilles semblant se mouvoir dans le vent. " Je commence à développer un style, le visage. Avoir le style, c’est bon signe ". Et paradoxalement ce n’est pas le confinement qui a porté Pierre Beaugelet. La pause fut entière. Sans doute, les idées ont germé à l’intérieur. De toute façon, le dessin lui est venu naturellement. Il y a bien quelques gènes, son père, décorateur, ayant exercé notamment pour Canal Plus, un grand-père peintre, puis avec ses cousins, il a commencé à écrire des scénarios, développé des histoires. L’atavisme peut-être. Dès la maternelle il a usé le crayon. C’est son moyen d’expression. Son espace de création. " Ça m’a plu, je n’ai jamais lâché ". Il n’a jamais lâché le crayon dès son plus jeune âge à l’inverse des bancs de l’école. Il a lu petit "Boule et Bill", "Titeuf", Enki Bilal dans la bibliothèque de son père, et récemment Mathieu Bablé, lauréat du prix BD Fnac France inter 2021 avec "Carbone & silicium", en lien avec sa sensibilité et ses convictions.

Militant écologique

Le système scolaire, cartésien et basé sur la performance, ne laisse guère d’espace ni de temps à l’imagination et la création. Qu’importe. Pierre Beaugelet n’est pas le seul à s’épanouir en autodidacte. Tout comme la prise de conscience sur la situation de la planète avec la volonté d’agir. De prendre le crayon comme d’autres prennent la plume et de s’engager. Agir. C’est le cas de Pierre Beaugelet en adhérant à l’association "Wings of the ocean" avec qui il devrait embarquer cet été sur un voilier pour ramasser le plastique. C’est d’ailleurs le fondateur de cette association, Julien Wosnitza, auteur de l’ouvrage "Pourquoi tout va s’effondrer", qui lui a proposé sa première commande, en illustrant ses propos en 2018. " Je suis un activiste ", revendique-t-il. Joindre l’utile à l’agréable. Il veut décrire le bien comme le mal. Tous les maux de la terre comme les mots et les silences de Lucas dans "Au-dessus des hommes." Au pied de la montagne comme au fil de l’eau, Pierre Beaugelet a déjà sa deuxième création dans les cartons. Les personnages sont déjà dans sa tête, bientôt dans ses planches. " Le prix de la Région m’a forcé à me bouger. " Motivé, rassuré aussi. Engagé surtout. Lui qui dessine quatre heures par jour, estime que ce n’est pas assez. " Il faut tenter pour ne rien regretter. " Pierre Beaugelet aimerait travailler dans le dessin animé, maîtrisé l’écrit comme l’image. Sa bande dessinée souligne ses capacités. "Autour de moi, les montagnes se sont levées", fait-il dire avec poésie à son héros. Lui aussi se lève, s’éveille. Dans le mouvement. Le vivant. Il a voyagé en Thaïlande, pratiqué le woofing en Norvège, histoire de joindre le pratique au ludique, le Népal avec des treks et une belle ascension à 4 610 m. " Ça m’inspire ". Le jeune homme veut être libre comme l’air tout en apportant sa pierre à l’édifice. Avec vertu. Comme il dessine en pratiquant l’aquarelle, plus exigeant, mouvant. Mais il ne s’interdit pas d’essayer la gouache un jour voire des crayons de couleurs. Pierre Beaugelet ne veut rien s’interdire comme la censure est le pire des maux. "Au-dessus des hommes" a beau être sa première œuvre, elle dit déjà tout de l’homme. Ses pensées, ses idéaux, nos vérités. La place de l’homme dans la nature. Sur les traces de Sylvain Tesson comme de Nicolas Bouvier, qu’il voyage à pied ou monte sur un voilier, bien que cela lui pose un cas de conscience, Pierre Beaugelet n’est pas prêt de s’arrêter. Et c’est tant mieux pour nous. Son dessein est notre meilleure image, son dessin son plus bel ouvrage.