Christian Teyssèdre, président de Rodez Agglo : "Bosch nous mène en bateau"

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  • Christian Teyssèdre doit recevoir les représentants syndicaux de l’usine ce lundi.
    Christian Teyssèdre doit recevoir les représentants syndicaux de l’usine ce lundi. Archives José Antonio Torres
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Mathieu Roualdés

Au lendemain de l’annonce de la direction de Bosch de supprimer 750 emplois sur les 1 250 actuels d’ici à 2025 sur son site aveyronnais, le maire de Rodez et président de l’Agglomération dénonce une "trahison" et "un scandale" de la part du groupe allemand. Entretien.

Vendredi soir, à la suite des annonces de la direction de Bosch, vous vous êtes réunis avec plusieurs élus aveyronnais pour partager votre colère. Celle-ci s’est-elle atténuée ?

Non, absolument pas ! J’ai passé une très mauvaise nuit comme toutes les familles ruthénoises et tous les Aveyronnais. Ce qu’est en train de faire Bosch est lourd de sens et c’est un scandale. On connaît tous le contexte actuel au niveau national et international contre le diesel. C’est la cause de l’effondrement de l’usine ruthénoise, le "diesel bashing" n’est malheureusement plus conjoncturel mais structurel. Quand le gouvernement refuse la vignette Crit’Air 1 aux derniers moteurs diesel, dont les performances actuelles permettent d’envisager d’excellents résultats sur les émissions de gaz à effet de serre et particules fines, cela revient à condamner ce carburant…

Ce "diesel bashing" semble également soutenu par le gouvernement et ne participe-t-il pas aux politiques écologistes actuelles ?

Il y a une telle pression populaire de certains partis politiques dits écologistes et de la maire de Paris, Anne Hidalgo, que le gouvernement est obligé d’entendre cette pression. Même s’il faut tenir compte de ce "diesel bashing", la responsabilité n’est pas à chercher au niveau des élus mais elle incombe pleinement à l’entreprise Bosch.

Vendredi, vous avez évoqué une "trahison" de la direction de Bosch. Quelle est-elle ?

En 20 ans, le nombre d’emplois sur le site ruthénois a été divisé par deux, passant de 2 400 postes à un peu plus de 1 200 aujourd’hui.

Dès 2010, avec Martin Malvy (ancien président de la région Midi-Pyrénées, NDLR), nous avons demandé à Bosch d’intégrer le pôle de compétitivité aéronautique pour diversifier son activité. On sentait très bien que la politique du monoproduit, l’injecteur en l’occurrence, ne pourrait tenir à l’image de ce qu’ont connu la sidérurgie à Decazeville et la ganterie à Millau. Même si nous étions très contents de l’implication de Bosch à Rodez qui a fait vivre des générations de salariés, il ne pouvait y avoir qu’un problème à terme et il fallait diversifier. Bosch a toujours refusé, jamais l’entreprise n’a eu une stratégie alternative !

Heiko Carrie, PDG de Bosch France, indique pourtant depuis des années qu’il a "la volonté de diversifier le site" mais que cela "prendrait du temps"…

C’est du vent, ce n’est pas vrai ! C’est toujours le même discours depuis des années mais il n’y a jamais eu d’actes. Preuve en est l’accord social de la direction avec les syndicats, signé il y a trois ans, qui devait amener 300 emplois dans la diversification. Il n’a jamais été respecté, pour la simple et bonne raison que Bosch n’a pas mis un centime pour la diversification à Rodez, contrairement à ce que disent les dirigeants aujourd’hui. Ils ont payé des sociétés de conseil, comme si ces cabinets pouvaient préparer l’industrie de demain…

Selon vous, ils ont laissé tomber ce site de Rodez…

Je pense que la fermeture du site est dans les cartons depuis longtemps et ils nous mènent en bateau. Car en Allemagne, ils investissent dans la diversification. Ici, rien. Le site de Rodez n’est pas leur priorité. C’est bien beau de rassurer avec des paroles et des paroles mais on voit bien qu’il n’y a aucun projet de diversification qui a émergé ces trois dernières années. On parle de l’hydrogène, certes. Mais pour l’instant, ils sont trois dans l’entreprise à travailler dessus… Et il n’y a aucun investissement en ce sens, sans compter que l’hydrogène, c’est à l’horizon 2030, pas avant.

Avez-vous craint une fermeture totale du site ?

Non, on ne pouvait pas imaginer cela. Ce qui me gêne en revanche, c’est que Bosch agite aujourd’hui ce chiffon rouge de la fermeture définitive pour faire passer la suppression des 750 emplois. C’est inadmissible.

Comment Heiko Carrie peut parler des valeurs de Bosch lors de son entretien (lire notre édition d’hier) alors qu’il vient d’annoncer toutes ces suppressions de postes ?

Comment peut-on accepter d’une entreprise qui fait près de 80 milliards de chiffre d’affaires, et entre 4 et 5 milliards nets de bénéfice, qu’elle n’investisse pas sur le site de Rodez et qu’elle supprime autant d’emplois ?

La direction de Bosch a, elle, assuré que le site serait toujours viable en 2025 et assure également une production jusqu’en 2027…

Je ne peux pas deviner le futur mais ce n’est pas possible car en 2025, les grands constructeurs européens ne feront plus de véhicules diesel. Il ne restera donc que le parc actuel et on ne fait pas vivre 500 personnes avec le seul marché de remplacement des injecteurs.

Certains ont évoqué un "séisme" pour le territoire. Craigniez-vous ces répercussions ?

Je n’utiliserai pas le mot séisme. Il y aura des répercussions car nous sommes en période Covid et qu’il y a une baisse d’activité partout. Mais le territoire a déjà absorbé les 1 200 emplois perdus à Bosch ces vingt dernières années car le taux de chômage est en baisse dans l’agglomération ruthénoise. On ne cessera d’être actif sur les zones d’activité et la venue de nouvelles entreprises. On fera tout pour colmater.

à chaque fois qu’on installe une entreprise dans une zone d’activité, c’est une vingtaine d’emplois. Et la plupart du temps, ils sont non délocalisables à la différence des grands groupes.

Les scénarios qu’ont connus les bassins de vie tels que Decazeville avec la fermeture de sites industriels ne sont-ils pas inquiétants tout de même ?

Le coup est rude certes mais cela n’a rien à voir, ce n’est pas du tout la même époque et de nombreuses entreprises ont besoin du savoir-faire des employés de Bosch. Je ne suis pas pessimiste de ce point de vue là. Ce qui m’inquiète, c’est la sincérité d’Heiko Carrie quand il dit qu’il souhaite éviter des licenciements contraints… Ce scénario, je le crains car je ne crois pas en la parole de Bosch.

Quels sont aujourd’hui vos leviers d’action pour faire bouger les choses ?

Tous les élus et parlementaires aveyronnais ont joué le jeu et on va mettre la pression ensemble pour avant tout faire bouger le gouvernement et voir Bosch investir à Rodez. Je serai à 100 % solidaire des salariés et des syndicats de l’entreprise. J’ai été permanent syndical dans ma vie et je sais que c’est par le combat qu’on parviendra à sauver une partie du site. Le combat commence aujourd’hui et on ne le lâchera rien.

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