L'espace, ce "Far West" juridique environnemental

  • "Chacun est censé mettre en place des règles et les respecter, mais personne ne viendra vérifier si elles le sont vraiment", explique Maître Larher.
    "Chacun est censé mettre en place des règles et les respecter, mais personne ne viendra vérifier si elles le sont vraiment", explique Maître Larher. johan63 / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - L'enjeu majeur dans l'espace ne concerne plus seulement son exploration, mais aussi sa conservation. Peuplé de débris spatiaux en tout genre, l'espace ressemble à un Far West juridique. Aucune loi, aucune autorité ne peut préserver et contraindre les pollueurs. Seul le bon vouloir des États et leurs initiatives rendront cet espace sain.


"L'espace est un Far West où il n'y a pas vraiment de shérif", déclare Maître Yann-Mael Larher, avocat et fondateur du bureau Legal Brain. Lundi 15 novembre 2021, les projecteurs se sont braqués dans l'espace. Les tests de missiles antisatellites effectués par la Russie n'ont pas manqué de faire réagir la communauté internationale.

Mais ces tests ont également mis en lumière la quantité faramineuse de débris spatiaux. Comment dépolluer l'espace ? À quel point l'espace est-il pollué ? Peut-on vraiment dépolluer l'espace ? On a voulu savoir s'il existait, comme sur Terre, un cadre juridique sur la pollution spatiale. Mais jusqu'ici, ce cadre n'est pas clairement énoncé.

Un No man's land juridique

Dans l'espace, la législation est un point difficile à faire respecter. Elle ne couvre que des principes de base comme le prévoit le Traité de l'espace (ou traité sur les principes régissant les activités des États en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes), un traité international ratifié en 1967 qui relève d'un droit inter-étatique. L'espace est alors "libre d'exploration" et son usage doit être pacifique. En d'autres termes : il appartient à tout le monde.

"Chacun est censé mettre en place des règles et les respecter, mais personne ne viendra vérifier si elles le sont vraiment", explique Maître Larher. Aucun "arbitre" n'existe à ce jour pour sanctionner des comportements négatifs. Le Secrétaire général des Nations unies lui-même ne possède aucun pouvoir, si ce n'est le rappel à l'ordre.

En 2015, Joshua Tallis, chercheur et scientifique au Centre Naval Analysis (CNA, Centre d'Analyse Naval), publiait un article sur la remédiation des débris spatiaux : "La technologie comme industrie en expansion exponentielle [...] pousse continuellement ses propres frontières. Une telle croissance rapide est rarement, sinon jamais, compensée par une évolution équivalente dans le cadre juridique qui la régit". Les lois manquent pour encadrer la pollution de l'espace.

Principe de pollueur-payeur

La France a inscrit les débris spatiaux dans sa loi du 3 juin 2008, sur les Opérations Spatiales (Artc. 5). À l'échelle mondiale, c'est la Résolution 68/74, votée par l'Assemblée générale des Nations unies en 2013, qui fait mention de "la nécessité d'assurer une utilisation durable de l'espace, en particulier en limitant les débris spatiaux, de veiller à la sécurité des activités spatiales et de réduire au minimum les risques potentiels pour l'environnement".

Les grandes puissances spatiales, quant à elles, suivent des règles de bonnes conduites et des recommandations quant à la fabrication des objets pour limiter ces débris dans l'espace.

Comment aller plus loin ? "On pourrait imaginer un traité sur le même principe que celui de la taxe carbone", confie Maître Lerher. Un principe de pollueur-payeur. Les Russes, Américains et Chinois étant les principaux pollueurs dans ce cas. Selon les données issues du service SpaceTrack, les Russes sont responsables de 36% des déchets qui gravitent autour de la planète, tandis que les Etats-Unis suivent avec 33% devant la Chine à 24%.

D'autres leviers pourraient être mis en place, comme nettoyer progressivement l'espace ou repenser la fabrication des objets pour que "les prochains satellites puissent s'auto-détruire ou s'éloigner" avec le temps.

"On voit aujourd'hui le besoin d'y réfléchir", affirme l'avocat de Legal Brain. D'autant plus dans un contexte où le tourisme spatial deviendra un événement pour la tranche très riche du monde. "Il faut anticiper ces questions et contribuer à créer des législations".

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