À Castelnau-de-Mandailles, un chocolat made in Aubrac

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  • Cédric Da Costa Faro a appris en autodidacte. Cédric Da Costa Faro a appris en autodidacte.
    Cédric Da Costa Faro a appris en autodidacte. A.A.
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Anaïs Arnal

Tombé amoureux de l’Aubrac, Cédric Da Costa Faro s’y est installé pour y fabriquer son propre chocolat. Autodidacte, il a la particularité de torréfier lui-même les fèves de cacao, ce qu’ils sont très peu à faire en France.

Qu’est-ce qui a bien pu amener Cédric Da Costa Faro, 44 ans, originaire du Gard et travaillant depuis plusieurs années dans le négoce de matières premières, à venir torréfier du cacao sur le plateau de l’Aubrac ? "Mon épouse a toujours voulu y vivre, raconte-t-il. Cela remonte à ses études de lettres modernes. Elle a fait son mémoire sur Jean Giono, grand ami de Julien Gracq, qui a écrit de très beaux textes sur l’Aubrac. Ajoutez à cela l’amour de la gastronomie, qui nous a conduits à la table de la maison Bras il y a quinze ans, et vous avez les ingrédients de notre projet d’installation." Le couple a commencé à chercher une maison il y a trois ans et a eu le coup de foudre pour un corps de ferme à rénover sur la commune de Castelnau-de-Mandailles, "proche de Saint-Chély, à la cassure entre le plateau et la vallée du Lot, au-dessus des nuages", se réjouit Cédric Da Costa Faro.

Après un Deug d’anglais-russe, cinq années en Lozère dans les matières premières cosmétiques et six autres à Genève dans les matières premières alimentaires, l’ingénieur informatique en a eu assez d’exercer un métier purement intellectuel. "J’avais envie de faire quelque chose de mes mains. Il y a déjà 4 000 chocolatiers pâtissiers en France. En revanche, les torréfacteurs de cacao ne sont qu’une soixantaine." En l’absence d’école pour se former au métier, Cédric Da Costa Faro a appris seul, en autodidacte, pendant trois ans : "Je torréfiais mes fèves au four, j’ai fabriqué un moulin en pierre et je moulais à la main", raconte la quadragénaire.

Des chocolats millésimés

Désireux de proposer des produits de qualité, il a rapidement rejoint l’association Bean to bar (De la fève à la tablette) qui met en avant exigence, éthique et transparence pour valoriser tous les acteurs de la filière cacao. "Les tablettes de chocolat que l’on trouve dans les grandes surfaces ont toujours le même goût, quelle que soit la période de l’année, constate l’artisan. Or, il y a des différences gustatives selon les pays et régions d’origine, les saisons de récolte, les process de fermentation et de séchage, la torréfaction, la quantité de sucre ajouté… Je suis incapable de faire deux fois le même chocolat. Comme pour les vins, je dirais que je fabrique des millésimes."

Cédric Da Costa Faro travaille en étroite relation avec trois sourceurs qui jouent un rôle clé. Ils trouvent les plantations, visitent régulièrement les fermes pour contrôler la qualité des fèves, supervisent la récolte, s’assurent que les ouvriers sont payés décemment et qu’on ne fait pas travailler d’enfants. "Aujourd’hui, il se plante la même génétique, productive et résistante, partout dans le monde. Je recherche des cacaos indigènes, qui ont un terroir, une typicité, du caractère. Le cacao industriel se vend entre 1,50 et 2 € le kilo. Je paye le mien au moins 5 € le kilo."

Des fèves d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie

Le torréfacteur travaille des fèves de cacao issues de huit pays : Sao Tomé, Venezuela, Nicaragua, Colombie, Guatemala, Belize, Inde et Congo. Pour sa production de 120 à 150 kg par mois, sous forme de pastilles et de tablettes de chocolat qui affichent entre 70 et 78 % de cacao, il n’utilise que trois ingrédients : des fèves de cacao, du sucre de betterave et du beurre de cacao. "Je veux être au plus près de la fève donc je n’ajoute pas d’émulsifiant comme la lécithine ni d’arômes tels que la vanilline." Cela n’empêche pas le produit fini d’avoir des arômes fruités, épicés ou encore floraux. Le procédé de fabrication est relativement long – 3 à 4 jours – et compte de nombreuses étapes : tri des fèves, torréfaction, concassage, vannage (pour enlever la pellicule sur la fève), raffinage, conchage (brassage des fèves pour enlever les acides), repos pendant 4 à 6 semaines pour que les arômes continuent à se développer et que l’amertume disparaisse, remise en température et moulage. "Ma marque de fabrique, c’est d’intégrer des plantes locales et de saison issues du causse Comtal à l’Aubrac : gentiane, astragale, berce, gratte-cul, thé d’Aubrac… J’ai d’ailleurs conclu un partenariat avec le Jardin botanique d’Aubrac pour proposer des ateliers chocolat-plantes au printemps. "

Les chefs cuisiniers Gilles Moreau, Nicole Fagegaltier, Cyril Attrazic ou encore Sébastien Bras se sont d’ores et déjà laissés séduire par le chocolat de Cédric Da Costa Faro, que les particuliers peuvent trouver dans différentes épiceries : Rodez, Onet-le-Château, Bozouls, Espalion et Saint-Côme-d’Olt.

Tombé amoureux de l’Aubrac, Cédric Da Costa Faro s’y est installé pour y fabriquer son propre chocolat. Autodidacte, il a la particularité de torréfier lui-même les fèves de cacao, ce qu’ils sont très peu à faire en France.

L’entreprise devient Lucifèves d’Aubrac

Un peu plus de six mois après la création de son entreprise, Cédric Da Costa Faro a décidé de la rebaptiser Lucifèves d’Aubrac. "Avec ce nouveau nom, le but était de s’ancrer dans le territoire, d’associer le végétal et le luxe", explique-t-il. Si le terme Aubrac était incontournable pour géolocaliser le lieu de fabrication de ses produits, le chocolatier a souhaité mettre l’accent sur ce qui l’a séduit sur le plateau : luci, qui vient du latin lux, la lumière. Le terme fèves est là pour rappeler la plante, le cacao, le chocolat, sa matière première. "Enfin, le luxe est suggéré via la sonorité proche de Lucifer, qui signifie celui qui porte la lumière et qui est le symbole de la passion, de la liberté, de la créativité, mais aussi du transgressif", détaille l’artisan. Et quelle douce transgression de croquer dans un carré de chocolat !
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