Élections législatives : comment Macron peut-il gouverner sans majorité absolue à l'Assemblée ?

  • Le deuxième mandat du président de la République va se jouer en partie au palais Bourbon.
    Le deuxième mandat du président de la République va se jouer en partie au palais Bourbon. Repro Centre Presse
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Vincent Coste

La perte de la majorité absolue dans le camp présidentiel, la Nupes première force d’opposition, mais pas sur le périmètre attendu, le Rassemblement national haut comme jamais, Les Républicains à la peine mais qui pourraient jouer un rôle majeur durant le quinquennat. Les électeurs ont redistribué les cartes ce dimanche. Cela impactera le deuxième mandat du chef de l’État, qui va se jouer au Palais Bourbon.

"Un vote sanction d’élection à mi-mandat", anticipait cette semaine le politologue Jérôme Jaffré en évoquant le risque pour la majorité présidentielle de ne compter qu’une majorité relative à l’issue du deuxième tour de ces élections législatives.

Il en est donc allé ainsi. Une sanction et deux promotions, pas forcément dans les proportions attendues, qui vont bouleverser la donne dans les cinq années à venir. Au cours desquelles les Français vont (re) découvrir les vices et vertus d’un régime parlementaire, que l’on avait fini par oublier sous le règne de Macron 1. Décryptage.

Macron, un mandat d’équilibriste

Une claque ou un désaveu ? Peu importe le terme choisi, le camp de la majorité présidentielle est tombé de haut dimanche soir, de plus haut que ce qu’il pouvait initialement redouter.

Il compte ce lundi une grosse centaine de députés de moins qu’en 2017, ce qui dit déjà quelque chose du revers enregistré.
Ironie du sort, le chef de l’État se retrouve dans la peau du François Mitterrand de 1988, un Président tout juste réélu, déjà, à qui le pays n’avait pas donné une majorité absolue. Ce qui avait débouché sur un mandat de négociations et de recherches d’alliances, texte par texte, loi après loi.
C’est ce même type d’équations que le président de la République, sa Première ministre et son gouvernement vont devoir s’atteler à résoudre. En s’appuyant peut-être avec un peu plus de force sur sa jambe droite, vers les élus de la droite républicaine et du centre, là où se déploient les possibilités d’alliances les plus conséquentes sur le plan mathématique, les plus cohérentes au niveau idéologique.

Et il va de soi aussi qu’avec les résultats de dimanche soir, plus que jamais, Renaissance (ex-LREM) a tout intérêt à entretenir les plus cordiales des relations avec ses alliés d’Horizons et du MoDem, dont le rôle va s’avérer plus que précieux : vital.

La Nupes ne devra pas imploser

La réussite de la Nupes, tant sur le plan de son élaboration que par son optimale mise sur orbite avait suscité d’immenses espoirs dans le camp de la gauche. Espoirs déçus ce dimanche soir ? Il y avait un peu de ça. Dans les rangs de La France insoumise, sa principale composante, certainement, qui ne devait pas s’attendre à compter moins de députés que le Rassemblement national. Chez les communistes aussi, qui ratent de peu la possibilité de constituer un groupe parlementaire, ce qui ne sera pas le cas des Verts (qui font leur retour au Palais Bourbon à cette occasion) et des socialistes.

Si cet ensemble-là n’explose pas au premier débat parlementaire sur un texte qui mettrait leurs différences en évidence, il constituera d’évidence la force d’opposition la plus puissante siégeant au Palais Bourbon. Mais si chacun reprend ses billes, la donne s’avérera singulièrement différente.

On tient là probablement un des enjeux majeurs de la mandature à venir, dès ses premières semaines certainement.
Reste aussi à savoir comment s’inscriront dans cette reconfiguration générale les dissidents socialistes, adeptes d’une troisième voie entre l’aile gauche de la Macronie et la Nupes. Si une voie existe, elle pourrait rester étroite.

Marine Le Pen et le RN en force

Le RN vainqueur caché du premier tour de ces législatives qui lui sont traditionnellement défavorables, évoquions-nous il y a une semaine.
Les masques sont tombés et ils pourraient presque revendiquer le statut de principal bénéficiaire de ce scrutin. Avant de présenter d’autres exigences, la présidence de la commission des finances (traditionnellement accordée au premier parti d’opposition) n’étant pas la moindre, suivant la lecture que l’on fait des résultats de dimanche soir et des équilibres dans l’hémicycle.

Des résultats qui crient encore beaucoup d’autres choses : la surprise d’un score inattendu (encore une fois, oui, avec le RN), la preuve que ce mode de scrutin n’est pas forcément rédhibitoire pour lui, la confirmation de son statut de premier (dans certaines régions) ou deuxième parti du pays (à l’échelle nationale), la remise en selle et dans la lumière (si tant est, du point de vue de ses électeurs, qu’elle soit réellement restée dans l’ombre) d’une Marine Le Pen de 53 ans à peine, qui va prendre la tête d’un groupe puissant et, partant, bénéficier d’une tribune et d’une visibilité à nulle autre pareille. Qu’un Jean-Luc Mélenchon ne pourra plus revendiquer.

Dernière conséquence, pas la moindre, de cette soirée de tous les bouleversements : la domination actée de trois forces principales dans le nouveau paysage politique français. Enfin, et c’est tout sauf un détail, la plus grande victoire du RN avait peut-être été validée aussitôt les résultats du premier tour connus.

Avec 4,2 millions de voix recueillies il y a une semaine, le parti, très endetté, avait ainsi assuré sa survie financière, puisque l’État lui versera chaque année pendant cinq ans près de sept millions d’euros.
Une manne et une aubaine, à l’heure de rembourser ses créanciers et ce fameux emprunt russe qu’Emmanuel Macron avait reproché à Marine Le Pen lors de leur débat. Et sachant qu’un groupe de 30 élus rapporte environ un million d’euros de plus par an, dimanche soir au RN, on a dû ressortir les calculettes un sourire aux lèvres.

Les Républicains au centre du jeu ?

Inexorable, la chute des Républicains à chaque scrutin national se poursuit. Le rendez-vous de ce dimanche n’a pas fait exception à la règle, même si la défaite a été moins spectaculaire qu’annoncé. Paradoxalement, conjuguée au revers de la majorité présidentielle, ce résultat pourrait replacer LR au centre du jeu parlementaire qui va rapidement dévoiler toutes ses subtilités. Car Emmanuel Macron et son gouvernement devraient prioritairement se tourner vers le parti de Christian Jacob afin de recevoir son soutien pour l’adoption d’une majorité de textes.
Les Républicains facilitateurs d’élaboration de lois et réformes ?

Reste à savoir quel positionnement stratégique adoptera le parti, déjà très partagé sur le sujet. Au cas par cas ? Dans le cadre d’une coalition avec Macron ? Ou en s’installant dans le registre d’une opposition dure ? À trancher aussi, la ligne idéologique : celle d’une droite sociale vers laquelle Aurélien Pradié souhaiterait revenir ? Ou celle accrochée aux questions identitaires et de sécurité qu’un Éric Ciotti voudrait encore et toujours incarner ?

Reste à savoir si Laurent Wauquiez pourrait être l’homme de la synthèse, celui vers lequel toutes les tendances convergeraient… Beaucoup de questions en suspens, et de premiers éléments de réponses (très) attendus au conseil stratégique de LR ce mardi.