Aveyron : les producteurs laitiers tirent la langue, les fromages seront maigres

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  • La sécheresse rend le pâturage impraticable, comme ici sur le Sévéragais.
    La sécheresse rend le pâturage impraticable, comme ici sur le Sévéragais.
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O. C.

Que ce soit pour le Bleu des Causses, Jeune Montagne ou Roquefort, la sécheresse rend la situation très compliquée en Aveyron.

"On craint sur le Sévéragais que les prairies soient mortes. On achète du foin mais le déficit est énorme. " Clément Chayrigues, membre de l’organisme de gestion au collège des producteurs du Bleu des Causses n’y va pas par quatre chemins. Avec deux périodes de six semaines sans pluie depuis fin avril, la situation est catastrophique pour alimenter les animaux. Et l’éleveur, sur les 45 adhérents au sein des 26 fermes œuvrant pour le Bleu des Causses, d’ajouter : " Le cahier des charges coûte, c’est une fierté, mais il faudrait que le coût des producteurs soit pris en compte pour répercuter ce coût de production sur le prix du lait. " Or, depuis deux mois, les négociations sur le prix du lait sont à l’arrêt.

Prairies massacrées

En attendant la pluie, les éleveurs achètent des stocks de foin, mettent les vaches à l’ombre avec des bacs d’eau… de ville. D’où une facture salée à l’arrivée. "Nous nourrissons en foin et céréales en l’intérieur depuis le 5 août et nous pratiquons le pâturage tournant pour éviter d’abîmer toutes les parcelles. Mais les prairies sont massacrées ici car nous avons subi la grêle dimanche dernier qui fait que nous n’avons plus de maïs", confie Sébastien Gisquet, autre éleveur qui exerce pour le Bleu des Causses, installé, lui, à Pont-de-Salars.

Vaches à l’abattoir, un crève-cœur

D’autant que les besoins sont nombreux, une vache demande 150 litres de l’eau par jour, sans parler du foin dont les stocks d’hiver sont déjà "attaqués", dixit Sébastien Gisquet qui a même dû se résoudre à amener des vaches en boucherie. "Ce sont des vaches qui avaient encore un an de lactation mais face à la situation, on a dû le faire plus tôt que prévu, c’est un crève-cœur."

Sévéragais, Lévezou mais aussi dans le Sud-Aveyron où les brebis pour l’AOP Roquefort ne sont pas épargnées et les prairies dans le même état. "Les prairies sont cramées, les trèfles ont souffert aussi et on croise les doigts pour les luzernes", dit en ce sens Thierry Aligner, membre du conseil d’administration de l’association des producteurs de lait de brebis Roquefort. Et d’ajouter : " Les brebis sont rentrées depuis mi-juillet. Nous avons dû attaquer les réserves. On verra les conséquences l’année prochaine." L’éleveur du Sud-Aveyron craint la baisse du nombre de collectes, actuellement de 1 400 avec des départs en retraite et des arrêts à cause de la situation.

Réunion de crise à Laguiole

Une situation identique au sein des trois appellations d’origine protégée (AOP) de l’Aveyron puisque sur l’Aubrac, les vaches sont aussi nourries à l’intérieur depuis la mi-juillet. " Nous sommes soumis au cahier des charges mais on peut acheter du foin ", dit Yves Soulhol, directeur de la coopérative Jeune Montagne à Laguiole qui annonce une baisse de 40 % de foins par rapport aux prévisions. Une réunion exceptionnelle est prévue dans les prochains jours. " La coopérative recherche toutes les possibilités pour les accompagner ", assure-t-il. Tout le monde agricole espère le retour de la pluie. " On attend que ça reparte, il faut de l’eau. On verra l’étendue des dégâts à la fin du mois ", glisse Clément Chayrigues qui sait déjà que le lait manquera à l’automne. Et si le lait manque, c’est l’eau qui risque de tomber trop vite en abondance. Telle est l’inquiétude de Thierry Aligner à Roquefort : "Je crains l’épisode cévenol à l’automne." Et de conclure par une note optimiste, du moins réaliste : "On s’alarme mais ce n’est pas la première sécheresse qui nous touche. J’ai connu avec mon père celle de 1976 qui était identique, comme celle de 1982, 2003 ou encore 2005. J’ai même lu qu’une sécheresse avait duré deux années en 1532 et 1533." Face à dame nature, mieux vaut toujours relativiser.

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