Guerre en Ukraine : quels risques pèsent sur la centrale nucléaire de Zaporijjia ?

  • Prises par les troupes de Vladimir Poutine, les installations concentrent les inquiétudes en raison des bombardements proches des infrastructures.
    Prises par les troupes de Vladimir Poutine, les installations concentrent les inquiétudes en raison des bombardements proches des infrastructures. Repro CPA
Publié le
Centre Presse Aveyron

Coincée entre la ligne de front et le fleuve Dniepr, la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d'Europe, essuie des tirs d'obus dont, l’Ukraine et la Russie continuent de s’accuser mutuellement être les auteurs. Le sixième et dernier réacteur en activité de cette centrale va être stoppé. Le point sur la situation. 

Les six réacteurs bientôt tous à l'arrêt

L’Ukraine a annoncé ce dimanche la mise à l’arrêt du sixième et dernier réacteur en fonctionnement de la centrale nucléaire de Zaporijjia. Aujourd’hui, 11 septembre 2022, pendant la nuit à 3 h 41 (1 h 41 GMT) ​l’unité numéro 6 de la centrale a été déconnectée du réseau électrique​, a précisé dans un communiqué l’opérateur ukrainien Energoatom. Des préparatifs sont en cours pour son refroidissement​, ajoute l’opérateur.

Les six réacteurs de cette centrale ukrainienne, la plus grande d’Europe, seront donc bientôt tous à l’arrêt. Les six unités VVER-1000 de conception soviétique, qui ont une capacité totale de production de près de 6 000 mégawatts, avaient toutes été mises en service entre 1984 et 1995. Elles assuraient un cinquième de la production d’électricité de l’Ukraine. La centrale de Zaporijjia, sous le contrôle des forces russes depuis le mois de mars, est située près de la ville d’Energodar (un peu plus de 53 000 habitants avant la guerre), sur le fleuve Dnipro, au sud-est de l’Ukraine.

La situation militaire autour de la centrale reste inquiétante

La décision de mettre ce réacteur à l’arrêt a été prise quand l’approvisionnement électrique extérieur du site a été rétabli samedi soir, avec l’une des lignes de transmission. Selon l’opérateur Energoatom, un arrêt à froid constitue l’état le plus sûr ​pour le réacteur, qui restait depuis trois jours le seul à produire l’électricité nécessaire au refroidissement du combustible nucléaire et à la sécurité du site. Dans le cas d’un arrêt à froid, l’état du fluide de refroidissement du réacteur se rapproche d’un état correspondant aux conditions ambiantes de pression atmosphérique et de température (autrement dit, moins de 100 °C).

Energoatom a donc profité du rétablissement d’une ligne électrique, reliée à la centrale, pour pouvoir refroidir ce dernier réacteur. Préférant ne pas le laisser en activité alors que la situation militaire autour de la centrale demeure inquiétante.

Interrogations autour de générateurs fonctionnant au diesel

Dans son communiqué, l’opérateur Energoatom prévient : En cas de nouveau dommage pour les lignes de transmission reliant le site au système électrique – dont le risque reste élevé – les besoins internes (du site) ​devront être assurés par des générateurs fonctionnant avec du diesel. ​Un risque très probable effectivement, la centrale ayant déjà été déconnectée du réseau électrique.

D’où les interrogations qui planent autour de ces générateurs fonctionnant au diesel : disposeront-ils de suffisamment de carburant pour leur alimentation ? Selon Emmanuelle Galichet, enseignante-chercheuse en physique nucléaire au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), le récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est plutôt rassurant : Quand on connaît les installations, on lit entre les lignes que la situation est rassurante parce que l’on sent que les exploitants de la centrale savent faire leur travail. Sur les stocks de carburant pour les groupes électrogènes de secours, par exemple, on sait maintenant qu’il y a 2 250 tonnes de carburant disponibles​, a-t-elle précisé à Public Sénat.

Reste que l’AIEA recommande tout de même de moins solliciter le système des générateurs qui n’est pas pérenne.

Craintes d’une perte d’alimentation électrique

Dans ce cas, sans électricité provenant du réseau extérieur ou des générateurs, c’est le risque de surchauffe qui se profile. Autrement dit, le processus de refroidissement du réacteur est interrompu, pouvant occasionner l’accident de fusion du cœur : Le combustible fond avec les structures métalliques qui l’entourent, vous avez la formation d’un plasma de combustibles et de métaux, hypercorrosif et très radioactif. Cela peut, à terme, percer une cuve, puis le bâti et même aller dans les profondeurs de la centrale​, explique encore Emmanuelle Galichet à Public Sénat.

Des relâchements importants de substances radioactives dans l’environnement peuvent alors se produire : c’est ce qui s’est produit à Fukushima Daiichi, en mars 2011

Appel à l’établissement d’une zone démilitarisée autour de la centrale

Energoatom réitère son appel à l’établissement d’une zone démilitarisée autour de la centrale, seul moyen selon l’opérateur d’en assurer la sécurité. Vendredi 9 septembre, l’Agence internationale de l’énergie atomique a déclaré que des menaces croissantes pesaient sur la centrale nucléaire de Zaporijjia, en Ukraine, à la suite de bombardements sur les infrastructures électriques de la ville voisine d’Enerhodar.

Je demande donc de toute urgence l’arrêt immédiat de tout bombardement dans ce périmètre. C’est la seule façon d’assurer la sécurité du personnel d’exploitation et de permettre le rétablissement durable du courant à Enerhodar et à la centrale​, a de nouveau demandé Rafael Grossi, chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique, dans un communiqué.

Sur le même sujet