Ruralité : comment Le Viala-Du-Tarn a sauvé son épicerie grâce à une association d'habitants

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  • Depuis trois ans, l'équipe du "Dépanneur" tient à bout de bras l'épicerie associative.
    Depuis trois ans, l'équipe du "Dépanneur" tient à bout de bras l'épicerie associative. Midi Libre - GIACOMO ITALIANO
Publié le , mis à jour
Richard Gougis

Entre Saint-Affrique et Millau, cette commune perchée de 540 habitants a sauvé son épicerie grâce à une association d'habitants et vient de rouvrir son auberge grâce aux investissements de la mairie. Des initiatives qui essaiment dans les villages voisins.

Une route qui serpente et vous ensorcelle sur les rives du Tarn avant de s'élever vers des hameaux perchés au milieu du parc naturel des grands causses. Bienvenue au Viala-du-Tarn, entre Saint-Affrique et Millau. Ici, au milieu du nulle part, 541 âmes et une multitude de cœurs battent intensément pour que celui du village ne s'arrête pas.

Pour Charlotte Boissonnade, institutrice et directrice de l'école, c'est un retour dans son Aveyron natal après neuf ans très formateurs dans l'académie de Montpellier, à Béziers, cité Paul-Valéry de Montpellier, ou une classe ULIS à La Mosson. En poste depuis 4 ans, elle savoure un autre rythme, elle qui encadre avec sa collègue 28 élèves de la petite section de maternelle au CM2. Avec toujours "la crainte d'être juste côté effectif et de perdre un poste." 

Attirer les randonneurs du GR 736

L'environnement est idéal pour mettre en avant le respect de la nature - les petits viennent de planter des arbres avec l'ONF -"plus compliqué pour caler des sorties culturelles en ville". Charlotte loue ces classes multi-niveau où "les grands montrent des choses aux petits", où l'entraide se cultive dès le plus jeune âge, comme un ADN ou un instinct de survie.

À deux cents mètres de là, reprendre l'auberge, c'est un autre retour qui coulait de source pour Mélanie. Après sept ans passés en Provence, elle s'est fixée dans les racines de son papa, originaire de Saint-Rome. Après plusieurs saisons dans le restaurant des rives du Tarn, elle a succombé à l'appel de la mairie pour reprendre depuis le 18 mars ce lieu incontournable de cœur du village, fermé depuis de longs mois.

"Un village sans épicerie était destiné à mourir"

"J'ai fini par dire oui pour cette location en gérance. C'est beaucoup de pression mais j'espère faire plaisir à tout le monde", assure cette rouquine pleine d'énergie qui prévoit de créer "des ateliers cuisine pour les enfants et aussi les personnes âgées afin de les aider dans leur autonomie alimentaire."

Après le bar, le volet restaurant ouvre en douceur en fin de semaine et des travaux sont planifiés pour aménager avec l'aide la mairie un dortoir et des chambres individuelles pour les marcheurs du GR 736, qui relie le Mont Lozère à Albi.

Sur la terrasse, attablés devant leur petit noir, Jérôme, Nunu et Liliane font partie des habitués. Trois piliers de l'association "Le Dépanneur", créée en décembre 2019 pour permettre la survie de l'épicerie centrale, tenue par le boulanger qui prenait sa retraite. "Nous étions une poignée à nous dire qu'un village sans épicerie était destiné à mourir, raconte Jérôme. Le plus simple était de la reprendre sous forme d'un collectif qui serve d'outil pour faire du lien au service de tout le village en proposant un maximum de produits, bio et non bio."

"Un village gaulois où d'autres apportent leur énergie"

Là où on leur conseillait 40 % de marge pour être viables, eux font vivre l'affaire avec seulement 10 % sur les produits locaux et 25 % sur le reste en misant sur la quantité.

"On, n'est pas parti de rien, raconte Nunu. Il y a un dynamisme qu'on avait vécu dans les années 90 avec un bistrot fédératif." Son sourire émerge de sa barbe de druide quand il compare le Viala à "un village gaulois dont certains, comme moi, sont partis vivre des expériences ailleurs et où d'autres arrivent pour apporter leur énergie."

Trois personnes, puis douze puis une cinquantaine de bénévoles se sont succédé. "10% de la population locale qui s'investit, ce n'est pas rien, sourit Jérôme. Les gens d'ici nous ont suivis assez vite car la crise covid a renforcé la nécessité d'avoir un magasin pour le lien social."

Quinze associations et trois comités des fêtes !

L'épicerie s'est même agrandie dans des locaux loués par la mairie, qui a  investi dans des chambres froides. Elle vendra bientôt le pain du nouveau boulanger, Alexandre, un jeune Bordelais arrivé pour faire se lever un nouvel espoir.

Le Dépanneur, lui, essaime dans les communes environnantes. " Beaucoup viennent nous demander conseil car il y a une hécatombe sur les petits commerces, en particulier les boulangeries", sourit Nunu.

À quelques pas de là, la superbe mairie en pierres a dû voir défiler des générations de commerçants. Flanqué de son adjointe Nadine Malaval et de son prédécesseur Michel Héraud, Gérard Descotes, maire depuis 2020, loue cette "dynamique que nous essayons d'entretenir et qui s'appuie sur un tissu remarquable avec une quinzaine d'associations, trois comités des fêtes répartis dans les sept hameaux du village."

"S'écouter, se comprendre pour tirer dans le même sens"

Épargné par la désertification médicale, le village compte nombre d'artisans, une charcuterie, une ferme fromagère et est fier d'apparaître dans le Top 10 des communes RBNB les plus accueillantes. Fier aussi d'un patrimoine comptant un hameau classé et une plage aménagée, le maire jongle pour faciliter à la fois la vie de ses administrés et des touristes, investissant tantôt dans un local pour accueillir la maison France Services, là sur des bornes de recharge de vélos électriques ou une balade numérique.

"Notre rôle est d'aider ceux qui portent l'économie dans une commune apaisée où il faut s'écouter, se comprendre, pour tirer dans le même sens, conclut Gérard Descote. Mais c'est très fragile. Rien n'est jamais gagné."

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Les commentaires (1)
Rosita Il y a 1 année Le 17/04/2023 à 22:02

C'est bien pour les habitants de ce petit village que l'épicerie soit sauvé ainsi que l'auberge qui va certainement permettre aux gens de passage de s'arrêter et déambuler dans les rue du village.