Laurent Berger quitte la tête de la CFDT ce mercredi : "Le ressentiment social peut doper l’extrême droite"

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  • Laurent Berger, dix ans à la tête de la CFDT. Une page se tourne.
    Laurent Berger, dix ans à la tête de la CFDT. Une page se tourne. MaxPPP
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Propos recueillis par Manuel Cudel

Entretien avec l’emblématique leader de la CFDT qui quitte la tête du premier syndicat de France ce mercredi 21 juin.

Dans quel état d’esprit quittez-vous la tête de la CFDT, ce mercredi ?

Je suis serein pour la maison CFDT. Il y a encore de gros défis pour le syndicalisme dans les années à venir, mais la CFDT est la première organisation syndicale, elle est en forme et la succession est assurée.

Quelles leçons tirez-vous de cette longue bataille autour de la réforme des retraites qui semble s’achever ?

Au moment où on voulait nous faire croire que le syndicalisme était dépassé, qu’il n’avait plus sa place dans le monde du travail, nous avons montré qu’il restait central. Nous rendrons public ce mercredi une étude sur la CFDT. Elle montre que nous sommes en progression, en nombre d’adhérents mais aussi en audience dans le pays.

Vous n’êtes pas parvenus, pour autant, à faire plier l’exécutif…

C’est une défaite sur le fond. Le syndicalisme sort renforcé de la période, mais il y a de l’amertume après ce combat, pas sur les conditions dans lesquelles il a été mené, mais sur son issue.

Avez-vous fait des erreurs de stratégie au sein de l’intersyndicale, sur le choix de la méthode, la rue plutôt que les blocages ?

Les blocages, ça ne se décrète pas. Ce que nous ont dit les militants, c’est qu’ils ne le voulaient pas. On a mené notre stratégie et je crois qu’on a été aussi extrêmement responsable.

Vous avez entretenu des relations tendues avec Emmanuel Macron. Comment les qualifieriez-vous ?

Je ne veux pas tomber dans l’ultra personnalisation des choses, mais on n’a pas la même conception de la démocratie sociale, ni sans doute de la démocratie. On n’a pas la même conception du modèle social qui doit être le nôtre pour accompagner les Français, les parcours. On a eu à s’affronter, mais quand il fallait chercher les compromis possibles, on a essayé de le faire. La CFDT a gardé la même ligne. Ce n’est pas nous qui avons changé !

Que vous inspire la façon dont l’exécutif a fait passer son texte au Parlement ?

Il n’y a pas eu de vote sur le texte à l’Assemblée, alors que cette réforme change radicalement la vie des travailleurs, le vice démocratique continue.

Comment interprétez-vous le rapport du Conseil d’orientation des retraites, selon lequel le système restera "durablement en déficit", malgré la réforme ?

Je ne l’ai pas lu, je ne vais donc pas le commenter. Mais le gouvernement a bricolé, depuis le début, sur ce sujet-là… Il aurait fallu faire autrement.

Le ressentiment peut-il s’exprimer d’une autre manière désormais ?

Ce n’est jamais bon dans une société quand la colère domine ainsi. Il y a besoin de gestes sociaux très forts sur la question du pouvoir d’achat, des salaires, de reconnaissance du monde du travail. La question est de savoir si on aura en face de nous des acteurs patronaux, gouvernementaux qui le comprendront. Si ce n’est pas le cas pas, ce sera assez douloureux. Le ressentiment social, conjugué à une défiance envers les institutions, peut doper l'extrême droite. Il faut lutter contre cela en faisant des politiques sociales assumées.

Doit-on s’attendre à des changements avec l’arrivée de Marylise Léon à la tête de la CFDT ?

Il n’y aura pas de changement de ligne, comme elle le dit, il y aura un changement de style. Tout cela se fait dans un cadre très apaisé entre nous et une forme d’évidence dans la transmission. J’ai toute confiance en Marylise, c’est à elle de définir sa feuille de route, et je crois qu’elle a une grande conscience des transformations à l’œuvre dans la société et le monde du travail et sur la façon dont le syndicalisme peut y répondre.

Les membres de l’intersyndicale restent-ils en phase sur la suite des actions, les discussions à mener avec l’exécutif ?

L’intersyndicale, pour la CFDT, ce n’est ni un empêcheur d’agir, ni quelque chose à négliger parce que, si on est capable de porter des positions communes, ça peut nous emmener beaucoup plus loin. Mais chacun continue aussi sa route.

Quels sont vos projets ?

Je vais rentrer mercredi soir dans une forme de discrétion et de silence. Je vais m’effacer. Je reviendrai en septembre et je dirai ce que je vais faire. Je continuerai d’être un militant et j’aurai de nouvelles aventures professionnelles.

Avez-vous reçu des sollicitations politiques ?

Oui je reçois des sollicitations de toutes parts, mais celles-ci ne sont même pas étudiées…
 

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