Réforme des retraites : serons-nous vraiment prêts à temps au 1er septembre ?

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  • Les syndicats craignent notamment un manque de formation des équipes du Cnav
    Les syndicats craignent notamment un manque de formation des équipes du Cnav Illustration Midi Libre - JEAN MICHEL MART
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Philippe Salvador

Sitôt promulguée, sitôt appliquée, la mise en œuvre rapide de la réforme des retraites au 1er septembre fait craindre des dysfonctionnements dans le traitement des premiers dossiers. La direction de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) se veut rassurante quand les syndicats, eux, se montrent plus alarmistes. État des lieux.

Dans un mois, le 1er septembre 2023, la réforme des retraites entrera en vigueur. À partir de cette date, progressivement, l’âge légal sera relevé, à raison de trois mois par année de naissance, pour atteindre la cible de 64 ans en 2030. La durée d’assurance pour bénéficier du taux plein passera, elle, à 43 annuités, avec un trimestre supplémentaire par année.

Ces nouveaux paramètres ont été officiellement intégrés le 12 juillet, avec trois jours d’avance, au service informatique de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). Cet organisme, qui prélève les cotisations sur les fiches de paye de plus de 20 millions de salariés et verse leurs pensions à 17 millions de retraités, a donc commencé à calculer les droits des 30 000 premiers dossiers concernés par la réforme.

Déjà, depuis le 12 juin dernier, le simulateur de la Cnav est mis à jour et permet à tout un chacun de savoir quand il pourra partir à la retraite et combien il touchera. Tous ces outils étant opérationnels, Renaud Villard, le directeur général de la Caisse se veut catégorique : "Nous sommes parfaitement dans les clous", affirme-t-il.

Celui qui compte dans ses registres 38 millions d’assurés attend toutefois la publication d’une trentaine de décrets d’application de la nouvelle loi. À ce jour, seuls ceux concernant l’âge de départ et les carrières longues sont parus au Journal officiel. Reste encore à venir les mesures portant sur la retraite progressive et le cumul emploi-retraite, la revalorisation de la pension minimale, la pension d’orphelin, la fermeture des régimes spéciaux, l’usure professionnelle et la prévention de la pénibilité ou la situation des aidants de personnes en situation de handicap…

Un embouteillage de procédures administratives qui font craindre à Christelle Thieffinne, secrétaire nationale du syndicat CFE-CGC, que "cette réforme ne sera pas mise en œuvre opérationnellement et entièrement au 1er septembre 2023. Cela a été un mensonge du gouvernement", estime-t-elle.

Formation, bugs informatiques…

Pour appuyer ses dires, elle se base sur "les plannings de la direction de la Sécurité sociale". "Nous pensons aux assurés qui ne vont pas avoir les informations suffisantes à la rentrée pour faire valoir leurs droits à la retraite, […] aux salariés des caisses de Sécurité sociale dans les complémentaires qui vont avoir en face d’eux des assurés auxquels ils ne pourront pas donner des informations complètes. Et à nos parlementaires qui n’ont pas eu les informations suffisantes pour voter ou poser encore des questions à l’Assemblée nationale quant à cette application".

Autres angoisses, régulièrement exprimées par les représentants du personnel de la Cnav : celle de ne pas avoir été suffisamment formés et de devoir essuyer les bugs du nouveau système informatique…

Autant de doutes qu’ont une nouvelle fois unanimement martelé les principaux syndicats français, récemment reçus par Élisabeth Borne, avec les organisations patronales, pour une séance de rabibochage destinée à sceller "un pacte pour le travail".

Leur dernière rencontre avec la Première ministre, les 16 et 17 mai, avait été empreinte d’amertume, après trois mois de grèves et manifestations, et le passage en force du gouvernement pour faire adopter la réforme.

Un magot au cœur des négociations

Avec un résultat global de 5,1 milliards d’€ en 2022, les feux sont au vert pour l’Agirc-Arrco, la caisse de retraite complémentaire du privé. Une bonne santé qui devrait être confortée avec le passage de l’âge de départ de la retraite de 62 à 64 ans. Les syndicats et le patronat lanceront en septembre des négociations pour la période 2023-2026. Elles se concentreront sur les paramètres de l’évolution des pensions et sur les 68 milliards d’€ de réserves dont dispose la complémentaire.

L’ancien président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux assure qu’ « il n’y a pas de cagnotte » car si le taux de chômage reste à 7 % en 2030, "il n’y a plus d’excédent". Un message adressé à l’État, qui, selon des responsables d’employeurs, voudrait utiliser cet argent afin de financer de nouvelles dépenses liées à la réforme des retraites. Éric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) demande au gouvernement de "clarifier ses intentions", rappelant que l’Agirc-Arrco doit maintenir "la règle d’or imposant de disposer de réserves représentant six mois de pensions à une échéance de quinze ans".

 

La réforme n’enrayera pas le déficit après 2030 selon le CSR

Appelé à se prononcer annuellement sur la situation du système de retraite, le Comité de suivi des retraites (CSR) a pour la première fois rendu un avis qui prend en compte les effets à venir des mesures de la réforme. Et celui-ci, basé sur les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR), n’est pas si optimiste.

"Si, jusqu’en 2030, les nouveaux dispositifs de la réforme produisent une légère résorption du déficit, ces effets ne seront pas pérennes au-delà, en raison notamment de la hausse mécanique du niveau des pensions pour les retraités qui partent deux ans plus tard ; des mesures compensatoires prévues pour les populations les plus fragiles (invalides, personnes ayant des carrières courtes et contraintes de partir à l’âge d’annulation de la décote)", émet le CSR.

Cet organisme officiel, qui fait tout de même le constat d’une réforme "plutôt redistributive", appelle donc à "une stratégie intermédiaire" pour les futures mesures à mettre en œuvre.

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Les commentaires (1)
RienCompris Il y a 8 mois Le 31/07/2023 à 08:53

Il est urgent de réformer les retraites avec un report de l'âge à 66 ans si l'on veut que les pensions soient correctement évaluées.