Vous voulez réseauter ? Essayez les applications de rencontres

  • Certaines applications de rencontres proposent des fonctionnalités pour réseauter, tout en cherchant le grand amour (ou une relation éphémère).
    Certaines applications de rencontres proposent des fonctionnalités pour réseauter, tout en cherchant le grand amour (ou une relation éphémère). DjelicS / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Faire de nouvelles rencontres professionnelles, ou "networker" en franglais, demande de l’énergie et du temps. C’est pourquoi certains actifs joignent l’utile à l’agréable en le faisant… sur des applications de rencontres telles que Tinder, Bumble ou Grindr. De quoi faire de l’ombre à LinkedIn.


Près de trente ans après le lancement du premier site de rencontres au monde, un Français sur quatre s'est déjà inscrit sur l'un de ces sites ou applications dans l’espoir de trouver l’amour, selon l'Observatoire 2018 de la rencontre en ligne de l'IFOP. Mais certains internautes se rendent sur ces outils numériques non pas pour sortir du célibat, mais pour rencontrer de nouvelles personnes dans un cadre strictement professionnel.

Si cette pratique peut surprendre, elle se répand aux Etats-Unis. A tel point que George Arison, le PDG de l’application de rencontres gay Grindr, a récemment déclaré au Wall Street Journal qu’il avait personnellement "embauché ou entretenu une relation professionnelle avec plusieurs personnes rencontrées sur l'appli au fil des ans". De manière plus générale, un quart des utilisateurs de Grindr l’utiliseraient pour cultiver leurs relations sociales et, surtout, pour tisser des liens professionnels. "Nous savons que les gens utilisent notre application pour rencontrer de nouvelles personnes dans leur région et dans de nouvelles villes, et nous avons également de nombreuses anecdotes qui montrent que les gens établissent des contacts débouchant sur des opportunités professionnelles comme trouver un nouvel emploi", a expliqué un porte-parole de Grindr à Business Insider.

Des internautes racontent sur les réseaux sociaux comment ils ont réussi à décrocher un nouveau poste, développer leur entreprise ou identifier des partenaires potentiels sur Grindr, et plus généralement sur les applications de rencontres. Le data analyst Omaralexis Ochoa s’est servi des multiples filtres de tri de Grindr, dont celui "networking", pour élargir son réseau professionnel. "Aussi curieux que cela puisse paraître, j'ai moi-même rencontré plusieurs mentors sur Grindr", explique-t-il dans une vidéo publiée sur YouTube.


Bumble offre une fonctionnalité similaire à Grindr pour réseauter, tout en cherchant le grand amour ou une relation éphémère. La plateforme féministe s’est notamment inspirée des codes du "job dating", ces rencontres chronométrées entre recruteurs et demandeurs d’emploi, pour permettre à ses utilisatrices d’échanger et de faire la connaissance de nouvelles personnes dans un cadre (plus ou moins) professionnel. En effet, les femmes sont souvent exclues de certains cercles de décision dans lesquels se font et se défont les carrières, ou n’osent pas s’affirmer lors d’événements dédiés au réseautage. Elles se tournent donc vers des réseaux alternatifs, plus féminins, pour se constituer un réseau professionnel.

Des réseaux sociaux à part entière

De son côté, le leader de la rencontre amoureuse, Tinder, a noué un partenariat avec le gouvernement français en 2022 pour faciliter l'accès au portail en ligne 1jeune1solution, sur lequel figurent près de 70.000 jobs d’été. Pendant plusieurs semaines, les utilisateurs français de l’application, âgés de 18 à 25 ans, ont pu voir des annonces publicitaires leur vantant les mérites de la plateforme, entre les profils de célibataires. Une initiative d’autant plus surprenante que les règles d’utilisation de Tinder indiquent qu’il s’agit d’un lieu pour "crée[r] des connexions authentiques, [et] pas des opportunités business". Dans cette optique, l’entreprise a annoncé en mai son intention de supprimer la mention des réseaux sociaux de ses utilisateurs dans leur biographie. Le but : les décourager d’utiliser ses services pour gagner des "followers". La plupart des sites et des applications du même acabit que Tinder, Bumble ou Grindr mentionnent dans leurs conditions générales qu’ils sont, avant tout, dédiés aux rencontres amoureuses. Ainsi Meetic se décrit comme un "service destiné aux célibataires qui recherchent des personnes authentiques, engagées et prêtes à commencer une relation sérieuse", tandis que Happn stipule que son utilisation est "strictement limité[e] à des fins personnelles et de loisirs". De son côté, Fruitz dit vouloir favoriser "la prise de contact et la rencontre entre utilisateurs se trouvant à proximité géographique". Une formule assez vague qui montre à quel point les sites et les applications de rencontres tendent à devenir des réseaux sociaux comme les autres. On les utilise pour séduire, bien sûr, mais également pour faire de nouvelles connaissances et élargir son cercle d’amis. Près d’un étudiant américain sur deux utilise Tinder pour nouer des relations amicales, selon un sondage mené en 2016 par la start-up WayUp et cité par CNN.

Lors de ces échanges avec plus ou moins d’arrière-pensées, il n’est pas rare de mentionner son travail— comme on le ferait "dans la vraie vie"— et donc de développer des contacts et des relations potentiellement utiles à sa carrière. Car c’est là tout le paradoxe et la difficulté du réseautage. Il n’a souvent pas lieu lors d’événements prévus à cet effet, mais plutôt dans des lieux informels tels que la machine à café, un dîner entre amis ou encore sur Internet.

Quand LinkedIn n'a plus la cote

LinkedIn en a fait son créneau. Depuis sa création en 2003, le réseau social professionnel est devenu le haut lieu du "networking". Ses 930 millions d’utilisateurs y réseautent à l’aide de publications plus ou moins inspirantes sur les vertus de l’échec ou de la prise de risques, compilées pour certaines sur le compte X (ancien Twitter) Disruptive Humans of LinkedIn, et de messages privés allant du simple "Je serai heureux/se de rejoindre votre réseau" au déconcertant "coucou".

Mais des membres de LinkedIn constatent que la limite entre business et plaisir devient floue sur la plateforme. Certains internautes s’y rendent non pas pour développer leur réseau professionnel, mais plutôt pour tester leur capacité à séduire. Si cette utilisation est interdite par les règles de LinkedIn, elle est pourtant répandue. Justine, une journaliste de 30 ans, en a fait l’amère expérience. "Dans le cadre d’un reportage, j’ai été amenée à passer la nuit dans un refuge de montagne avec un groupe de personnes que j’interviewais. Cela a donné lieu à des conversations cordiales, durant lesquelles certains se sont permis quelques blagues douteuses. Le lendemain, en rentrant chez moi, j’ai contacté l’un des responsables avec qui j’avais précédemment échangé sur LinkedIn pour lui envoyer une version PDF de l’article dans lequel il était cité. Ce à quoi il a répondu qu’il serait à Paris dans quelques semaines et qu’il aimerait m’inviter à boire un verre", explique-t-elle à ETX Daily Up. Comme Justine, de nombreuses femmes ont déjà reçu des avances ou des messages inappropriés sur LinkedIn. Plus de 90% des utilisatrices américaines du site ont déjà été confrontées à ce type de comportement, d’après un sondage mené par Passport Photo Online auprès de 1.000 répondantes et cité par le magazine Fortune. Si certaines ne se sont pas privées de faire savoir à leur interlocuteur que leur conduite était déplacée, d’autres ont préféré prendre leurs distances avec LinkedIn. De quoi les isoler encore davantage dans un marché de l’emploi où les inégalités homme-femme subsistent.

Dans ce contexte, des professionnels s'évertuent à développer leur réseau par tous les moyens possibles et inimaginables. C’est le cas de Christian Jones, un entrepreneur américain qui a créé un profil sur l’application de rencontres Hinge dans le seul but de rencontrer de potentiels clients, d’après le Wall Street Journal. Mais cela requiert de la subtilité et, surtout, de la volonté. Car les utilisateurs de ces sites et applications ne voient pas toujours d’un bon œil que le professionnel vienne s’inviter dans le privé, à l’heure où la frontière entre les deux s’estompe de plus en plus dans le monde du travail. Il faudra donc s’armer de patience— et de bons arguments— pour réseauter là où d’autres draguent.

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