Pierre Soulages : "Une aventure de trente ans" entre le maître de l'outrenoir et Vincent Cunillère, son photographe

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  • Vincent Cunillère et Pierre Soulages en 2017 dans la galerie que le photographe, a ouvert à Rodez, à quelques pas du musée.
    Vincent Cunillère et Pierre Soulages en 2017 dans la galerie que le photographe, a ouvert à Rodez, à quelques pas du musée. Photo - @Vincent-Cunillere
Publié le
Patrice Espinasse

Le Sétois Vincent Cunillère, qui a travaillé pendant 29 ans pour Pierre Soulages, raconte la relation de l'artiste avec la photographie, un an après la disparition du peintre sétois.

C'est une rencontre qui a changé sa vie à un moment où elle balbutiait. À l'intuition et en quête de "quelque chose d'impossible à faire", Vincent Cunillère parvient à croiser la route de Pierre Soulages un jour de 1993, comme le relate Midi Libre.

Il croise la route de Soulages en 1993

Soulages a 73 ans. Le photographe sétois, 28. Il raconte "ces 4 à 5 mois à lui écrire une lettre" – le "courrier d'une vie"-, à se documenter, à "faire de l'artiste un Dieu" alors qu'il ne savait pas qui il était juste avant.

En prenant à la hâte 21 clichés en dix minutes lors de la première entrevue, il ne se doute pas que le maître de l'Outrenoir va peu à peu lui ouvrir les portes de son univers, faisant basculer

 la vie de l'homme et du photographe. "Quand je l'ai revu, il m'a dit que j'avais fait mieux en 21 photos qu'un photographe new-yorkais en une semaine", se remémore, encore ému, le Sétois.

"Un outil pour mettre ses œuvres en exergue"

Une aventure de 30 ans débute alors. Vincent Cunillère photographie la pose des premiers vitraux de Conques. Il fera le livre. Et aussi celui de l'expo du musée Fabre, en 2007. Sans que ce soit officialisé, il devient le photographe attitré de Soulages, réalisant les illustrations de tous les catalogues d'exposition pour les musées et les galeries.

Une aventure de 30 ans débute

Cunillère est subjugué par le souci de perfection du maître de l'Outrenoir. Jusqu'à bouger les lignes de son rapport artistique à la photographie. "Dans son souci du contrôle de tout, c'était un outil pour mettre ses œuvres en exergue et les faire ressortir, témoigne le Sétois. Il savait qu'il fallait être au top qualitativement pour pouvoir rendre au mieux son travail. Pour l'Outrenoir, il me disait qu'une seule photo ne représentait pas son travail."

Quand Vincent Cunillère le convainc de passer au numérique à la fin des années 2000 "afin d'aller chercher les détails dans le noir", Pierre Soulages valide.

C'était 4 à 6 h de boulot pour une seule reproduction

Un incroyable travail de fourmi débute pour les reproductions. "Pour un Outrenoir très fin, il m'est arrivé de retravailler tous les traits noirs et tous les traits blancs à l'unité. C'était 4 à 6 h de boulot pour une seule reproduction mais ça me plaisait car je voulais savoir jusqu'où on irait. Intimement liée à la conception de ses œuvres, la photographie faisait partie de son travail. Un jour, je lui ai amené la reproduction d'une toile. Il l'a montrée à Colette et lui a dit 'C'est comme ça que la peinture aurait dû être'. En fait, par mon intermédiaire, il voulait travailler la photo de sorte à parvenir à ce qu'il avait exactement imaginé avant de peindre."

"Il parlait. C'était à l'autre de comprendre"

Vincent Cunillère évoque encore cette œuvre exposée au musée de Rodez, sur laquelle il a "réussi à faire 9 ou 10 interprétations différentes" : "Si vous bougez votre appareil de 20 cm sur un Outrenoir, ce n'est plus la même photo, plus la même toile. C'est pour cela que Soulages disait que ses toiles n'étaient pas forcément photographiables."

Poussé au détail de la perfection, le photographe sétois conserve un souvenir très ému. "Soulages m'a beaucoup apporté artistiquement. Il ne donnait jamais de leçon et me donnait le champ libre. C'était de l'induction sur le positionnement de l'appareil, le cadrage, le penser de la photo... Le soir, comme un élève apprenti, j'analysais ce qu'il m'avait dit. Il parlait. C'était à l'autre de comprendre."

Et les deux hommes se sont toujours compris.

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