Aux Pays-Bas, les cours en anglais à l’université font débat

  • En principe, les établissements d’enseignement supérieur du pays sont déjà tenus de dispenser la plupart de leurs cours en néerlandais.
    En principe, les établissements d’enseignement supérieur du pays sont déjà tenus de dispenser la plupart de leurs cours en néerlandais. monkeybusinessimages / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Les universités néerlandaises dispensent de nombreux cours en anglais pour accommoder les étudiants étrangers qui viennent étudier, chaque année, dans le pays. Mais le recours poussé de la langue de Shakespeare est de plus en plus contesté aux Pays-Bas, y compris dans les hautes sphères du pouvoir.


Le ministre de l’Éducation Robbert Dijkgraaf porte même un projet de loi qui ambitionne de limiter l’utilisation de l’anglais dans l’enseignement supérieur. Ce texte, soumis au vote au second semestre de 2025, prévoit qu’un tiers des matières dispensées en licence soient enseignées dans une autre langue que le néerlandais. "Ma position de départ : la langue de formation est le néerlandais. Si vous voulez dispenser quelques cours spécialisés en anglais, c'est possible", a expliqué M. Dijkgraaf dans une allocution officielle, citée par le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Des dérogations pourront être accordées aux universités néerlandaises qui souhaitent intégrer davantage d’autres langues dans leurs cursus, mais il s’agira de mesures exceptionnelles. En principe, les établissements d’enseignement supérieur du pays sont déjà tenus de dispenser la plupart de leurs cours en néerlandais. Mais, dans les faits, beaucoup enseignent en anglais pour permettre à leurs élèves de mieux s’insérer dans un marché de l’emploi tourné vers l’international, et faciliter l’intégration des étudiants étrangers.

Pour cause, les Pays-Bas accueillent beaucoup d’étudiants internationaux. Ils étaient pas moins de 115.000 en 2021, d’après des chiffres de l’office néerlandais des statistiques. Cela représenterait 35% de la population estudiantine du pays, selon les estimations d'Euronews.

L'importance des talents internationaux

Comme d’autres nations, les Pays-Bas rivalisent de stratégie pour attirer le plus grand nombre d’étudiants étrangers dans ses établissements d’enseignement supérieur. Car leur présence génère un impact économique considérable dans le pays, tout en contribuant à développer son "soft power" au-delà de ses frontières. D’autant plus que de nombreux étudiants internationaux choisissent de rester aux Pays-Bas, une fois leurs études finies. L’organisation Nuffic estime qu’un quart d’entre eux y résident toujours cinq ans après l’obtention de leur diplôme, et que les trois quarts ont un emploi. Ce qui montre à quel point cette catégorie d’étudiants représente une véritable manne économique pour les Pays-Bas.

Cependant, des voix s’élèvent dans le pays contre la généralisation des cours en anglais dans les universités néerlandaises. Elles affirment que d’autres mesures peuvent être prises pour renforcer l’attractivité des établissements d’enseignement supérieur vis-à-vis des internationaux, sans, pour autant, renoncer au néerlandais. Mais la perspective de limiter les cours en langues étrangères inquiète dans le milieu universitaire.

Les directeurs d’université s’inquiètent des répercussions de cette politique sur l’admission des élèves, surtout dans les filières dont les effectifs sont en baisse, à l’instar des sciences. "La démographie des Pays-Bas et les pénuries dans plusieurs secteurs signifient que le manque de main-d'œuvre dans le secteur technologique ne peut être résolu par les seuls étudiants et ingénieurs néerlandais", ont écrit plusieurs d’entre eux dans une tribune dans le quotidien de Volkskrant. "[Les] talents internationaux sont indispensables et les Pays-Bas ne peuvent pas se permettre de rendre les programmes de licence technique entièrement ou largement néerlandophones, comme le préconisent certains partis politiques".

Autre problème de taille : le recrutement des professeurs. Beaucoup d’universités néerlandaises emploient des enseignants non-néerlandophones pour dispenser leurs cours. Le projet de loi de Robbert Dijkgraaf pourrait potentiellement rendre les embauches plus difficiles dans le monde académique. "Pour nous, c'est un gros problème parce que nous ne trouvons pas assez de professeurs capables d'enseigner en néerlandais pour des cours spécifiques, notamment sur l'intelligence artificielle ou l'ingénierie électrique", a déclaré, en juin, Robert-Jan Smits, président de l'université de technologie d'Eindhoven, à Euronews. Et d’ajouter : "Les Pays-Bas ont toujours eu la réputation d'être ouverts, tolérants et libéraux. Notre succès historique est basé sur l’ouverture du pays".

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