Bordeaux-Rodez : amende et interdiction de stade pour le supporter agresseur du joueur du Raf Lucas Buades, retour sur un procès lunaire

Abonnés
  • Marc Bevillard (45 ans) était bel et bien présent à son procès à Bordeaux, le lundi 27 novembre.
    Marc Bevillard (45 ans) était bel et bien présent à son procès à Bordeaux, le lundi 27 novembre. Centre Presse Aveyron - Mathis Fessard
Publié le , mis à jour
À Bordeaux, Mathis Fessard

Poursuivi pour "violence avec préméditation" et "irruption sur une aire de compétition", après avoir agressé Lucas Buades lors du match de football entre Bordeaux et Rodez en juin, le supporter des Girondins Marc Bevillard s’en est sorti sans peine de prison et avec une interdiction de stade judiciaire, ainsi qu’une amende, lundi 27 décembre.

Lunaire. Ce terme qui caractérisait parfaitement la soirée du 2 juin au stade Matmut atlantique de Bordeaux, à l’occasion du déplacement des Ruthénois pour l’ultime journée de Ligue 2, peut de nouveau être employé pour décrire le procès de cette même affaire, qui s’est tenu lundi en Gironde, au tribunal judiciaire. "Je n’ai jamais vu ça de ma carrière." Ces mots de l’avocate de la victime, Lucas Buades, Maître Karine Shebabo, témoignent du côté irrationnel de ce qu’il s’est passé en ce début de semaine dans la toute petite salle d’audience bordelaise, évidemment bondée pour l’occasion, notamment par de nombreux journalistes locaux et nationaux.

Des parties civiles déchirées

Si avant que l’audience ne débute l’ambiance était plutôt détendue, le prévenu, Marc Bevillard, paraissant lui même calme et souriant au moment de voir ses amis des Ultramarines, parmi lesquels le leader Florian Brunet, cela n’a pas duré bien longtemps. Les premières prises de paroles offensives du président de séance, Marc Fritsch, et du procureur de la République, Olivier Etienne, posant les bases d’un procès qui allait quasiment durer quatre heures…

Ce dernier interpellant par exemple de manière sèche le mis en cause, lorsqu’il expliquait que ce qu’il s’est passé il y a six mois était "très confus", alors même que le tribunal venait de visionner les vidéos de son agression (sur le petit écran d’ordinateur de la greffière, l’écran géant ne fonctionnant pas) quelques minutes auparavant : "Les images sont de nature à vous rafraîchir la mémoire. Vous contournez les stadiers, vous contournez le groupe et vous vous retrouvez en face de Monsieur Buades. On l’a vu 150 fois sur les images. Vous n’arrivez pas dans l’intention de discuter de manière aimable !" Une expression qu’il réutilisera plus tard dans l’audience, au moment d’imiter de manière théâtrale la façon dont il aurait pu demander au joueur ruthénois d’avoir "l’amabilité" d’arrêter de chambrer le virage des Ultramarines.

Le gel de Depres au cœur des débats

Lors de l’agression de Lucas Buades par ce supporter de Bordeaux, des images confuses ont montré le Ruthénois Clément Depres, célébrant le but avec son coéquipier avec un objet, d’abord non identifié, qui aurait pu blesser le buteur au niveau du cou. "La version la plus probable des faits", pour l’avocat de la défense. Ce qu’a réfuté la partie civile, rappelant qu’il ne s’agissait en réalité que d’un simple gel énergétique absolument inoffensif. Même constat pour le procureur : "J’ai demandé aux enquêteurs, et ils m’ont assuré qu’il s’agissait d’un objet mou, pas contondant".


 

Malgré cette confusion, Marc Bevillard n’était pas là, lundi, pour clamer son innocence, le prévenu déclarant immédiatement regretter son geste, qui a eu un fort impact sur sa vie personnelle. Les avocats du quarantenaire ont annoncé que celui-ci avait été sous protection policière des semaines durant, par peur de représailles à Annecy, son lieu d’habitation, le club local ayant été indirectement impliqué par les suites de l’affaire Bordeaux-Rodez.

Si le supporter n’a pas fait de vague lundi devant la 5e chambre du tribunal judiciaire girondin, on ne peut pas vraiment en dire autant des parties civiles. Celles-ci n’avaient que le banc sur lequel elles étaient assises en commun. Du moins, il y avait l’avocat du FCGB, Maître Barandas, d’un côté, et les représentants de la Ligue de football professionnel, du Raf et de Lucas Buades (absent lundi) d’un autre… Le premier démarrant les hostilités dans sa plaidoirie, après avoir rappelé que son club avait subi un "préjudice considérable", reconnu qu’il avait "failli" au niveau de la sécurité et condamné les actes de Marc Bevillard : "Les Girondins font de ce dossier une question de principe".

"Chacune des parties civiles doit prendre sa part de responsabilités. On peut tout déplorer dans cette séquence : de l’intrusion, en passant par la chute, l’arrêt du match et le fait que l’on ne reprenne pas la rencontre. La gravité a été surjouée. En réalité, on ne savait pas comment faire rejouer ce match, donc il fallait bien figer le résultat au classement. On ne sait pas si Buades a simulé, mais on est quand même en droit de porter des interrogations sur les circonstances et sur le préjudice".

Les autres avocats des parties civiles, consternés par de tels sous-entendus, ne cachant pas leur indignation et prenant à leur tour un ton offensif. "J’ai l’impression d’entendre le fameux "Oui mais en même temps elle portait une jupe, c’est un peu de sa faute", regrettait le représentant de la Ligue. "On ne peut pas faire passer les victimes pour les auteurs de je ne sais pas quel montage. On délire", estimait de son côté Maître Shebabo.

Préméditation non retenue

Après les demandes de réparations du préjudice par les différentes parties civiles (de 10 à 12 000 € pour chacune d’entre elles, sauf la LFP, qui n’espérait qu’un euro symbolique) et les réquisitions du ministère public (parmi lesquelles figurait une peine de prison allant de deux à trois mois avec sursis), c’était au tour des avocats de la défense de prendre la parole. "Ça aurait pu durer 30 minutes, mais ça fait plus de trois heures qu’on débat, s’étonnait Maître Hazéra. On parle de préméditation, alors que c’est l’opposé de ce que tout le monde décrit ici. Cela n’a aucun sens sur le plan juridique !"

Chose qui a mis d’accord le tribunal, qui, après une vingtaine de minutes de délibération, a retiré cette charge du dossier, condamnant le prévenu à 2 000 € d’amende, une interdiction de stade longue de deux ans, et le versement à Rodez, Bordeaux et la LFP d’un euro symbolique et de 500 € à Lucas Buades. "Tout ça pour ça", s’exclamait Maître Hazéra au sortir de l’audience.
Les parties civiles vont-elles accepter le jugement ou faire appel ? Difficile de le dire à cette heure, les représentants du Raf, de son joueur et de l’instance étant déjà partis au moment où le président rendait les conclusions du tribunal… Lunaire jusqu’au bout.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Sur le même sujet
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?