COP28 : avec Agnès Pannier-Runacher, au cœur "d'une négociation très tendue" qui a abouti à un accord "historique"

Abonnés
  • Agnès Pannier-Runacher.
    Agnès Pannier-Runacher. MaxPPP
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par Manuel Cudel

La ministre de la Transition énergétique a mené les négociations lors de la COP28 pour la France à Dubaï. Elle répond aux questions de nos confrères de Midi Libre.

Peut-on parler d’un accord historique à la COP28 ?

On peut effectivement parler d’une première. Cet accord intègre très clairement toutes les énergies fossiles. Il n’y a pas de précédent. Des pays producteurs d’énergies fossiles ou qui les utilisent fortement s’accordent pour la première fois à dire qu’il faut s’organiser pour en sortir. C’est un engagement fort qui était absolument impensable il y a quelques mois encore.

Le texte parle cependant d’une "transition" et non pas d’une "sortie" claire des énergies fossiles. La nuance est importante. Que dit-elle ?

Elle dit qu’on y va progressivement, mais qu’à la fin, il n’y aura plus d’énergies fossiles. Ces termes ont permis d’arriver à un accord.

Sans l’opposition des États pétroliers et le positionnement plus réticent de la Chine et des États-Unis, vous seriez peut-être allés plus loin. Que vous inspire l’attitude de Pékin et Washington ?

La Chine n’a pas poussé pour un accord, mais ne l’a jamais empêché, c’était important. Les États-Unis, l’Australie, le Canada, des pays qui pourtant ont du gaz, du pétrole, voire du charbon en abondance, ont également rallié cette sortie des énergies fossiles, car ils sentaient bien que nous n’aurions pas de deuxième chance avant quelques années. C’est cela aussi qui a fait que nous avons réussi à entraîner l’ensemble des pays.

Des ONG pointent cependant le manque de fermeté de cet accord. Il n’est pas contraignant. Qu’est-ce qui garantit qu’il sera appliqué ?

L’accord de Paris, qui a le même statut du point de vue juridique, a permis de passer d’un scénario d’augmentation des températures à 4°C à un autre qui est aujourd’hui situé entre 2,2°C et 2,8°C. Il a eu un impact majeur. Cet accord de Dubaï revendique de rester sur une trajectoire de 1,5°C, c’est un engagement extrêmement ferme des pays qui refusent de tomber dans la résignation et le fatalisme

Qu’est-ce qui fait qu’on y arrive ?

C’est la force du multilatéralisme, le fait que 195 pays s’y engagent collectivement : la France, par exemple, est en train de baisser ses émissions de gaz à effet de serre. Derrière ces accords, il y a des actions et des investissements concrets pour décarboner nos économies. Les solutions existent : les énergies renouvelables, les technologies bas carbone, le nucléaire qui a été cité pour la première fois dans l’accord.

L’objectif de l’accord de Paris est-il toujours atteignable ?

L’objectif de l’accord de Paris est de limiter l’élévation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici à 2100, même si on est passé à un moment donné à 1,6°C, ou 1,7°C. La COP28 réaffirme cet objectif et précise qu’il faut diminuer nos émissions de gaz à effet de serre de 43 % en 2030. L’accord reprend très fortement toutes les expressions du Giec. Ce n’était pas du tout évident.

Il reste une zone de flou : la question du financement. Elle est pourtant cruciale.

Tout à fait. L’accord reconnaît que les techniques de décarbonation sont économiquement compétitives et n’ont pas besoin de financement particulier, sur le papier. Mais les pays pauvres n’ont pas facilement accès aux banques, aux investisseurs et le sujet est plutôt de ce côté-là.

C’est tout l’agenda que le président de la République a porté pour les peuples et la planète. Il consiste à réformer en profondeur les financements climat pour conforter la base des financements publics provenant des pays développés et l’élargir.
Il faut aussi rediriger les financements privés vers les énergies bas carbone et les “dérisquer”. L’accord que nous venons de valider reprend des éléments très forts de l’agenda du président de la République, notamment la recherche de financements innovants et tout le travail à mener sur des taxes internationales qui pourraient être mises en place.

Avez-vous des regrets ?

Cet accord aurait pu aller plus loin sur le méthane, en fixant un objectif de diminution. Il aurait surtout pu aller plus loin sur la sortie du charbon. Un cap a été franchi mais nous continuerons de nous battre pour porter ces sujets. Nous travaillons aussi sur une façon de repenser la dette de pays en développement qui investissent dans des projets pour la nature. Le président de la République pousse pour que nous puissions faire des annonces fortes dans l’année qui vient sur la résilience de pays très impactés par le réchauffement climatique.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (1)
Gilou12740 Il y a 4 mois Le 14/12/2023 à 10:07

Un accord bidon