2023 en Aveyron : le dossier de la RN88 à 2x2 voies revient sur le devant de la scène

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  • Arnaud Viala se rendra-t-il bientôt sur les premiers travaux de la RN88 entre Rodez et Sévérac, son projet phare ?
    Arnaud Viala se rendra-t-il bientôt sur les premiers travaux de la RN88 entre Rodez et Sévérac, son projet phare ? Centre Presse - Mathieu Roualdés
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Ce fut, à n’en pas douter, le sujet de l’année dans la sphère politique aveyronnaise. Après plusieurs décennies de tergiversations, de déceptions, de tentatives avortées, le passage à 2x2 voies de la RN88 est de nouveau au cœur des débats. La raison : le Département a récupéré la maîtrise d’ouvrage de Rodez jusqu’à l’A75, à Sévérac. Retour sur une année, peut-être décisive.
 

6 janvier : le Département récupère la maîtrise d’ouvrage

Serait-ce le coup d’accélérateur longtemps espéré pour rouvrir en grand le dossier de la RN88 ? On peut le penser. Début janvier, l’État a tranché dans sa politique de transfert de routes nationales aux collectivités : le Département hérite du tronçon appelé à passer à 2x2 voies entre l’échangeur du Lachet à Olemps et l’entrée de l’A75 à Sévérac-d’Aveyron. C’était la volonté du président Arnaud Viala et de son équipe. « C’est un énorme défi qui nous attend. Cette décision vient reconnaître notre savoir-faire en matière de routes », s’était félicité le chef de file du conseil départemental. Voilà plusieurs mois qu’il était en concurrence sur ce dossier avec la Région. Elle aussi souhaitait endosser ce rôle de maître d’œuvre.

Janvier-février : plus de 300 millions à trouver

« Les Aveyronnais ont attendu 40 ans pour cette RN88, il faut vraiment aller vite maintenant ». Rapidement, Arnaud Viala a fait savoir son envie de débuter les travaux de mise à 2x2 voies le plus rapidement possible. Mais pour cela, l’homme politique doit trouver des financements. Le coût global du chantier entre Rodez et Sévérac-d’Aveyron est estimé à plus de 350 millions d’euros. Le Département espère une clé de répartition telle que celle-ci : 25 % à sa charge, 25 % pour la Région et… 50 % pour l’État. « S’il s’est désengagé des routes nationales, ce n’est pas pour les financer ensuite ! », font savoir plusieurs voix, sceptiques sur le fait que le gouvernement s’engage véritablement dans ce projet. Au Département, on apprend que les premiers travaux sont attendus avant la fin du mandat, soit 2028.

3 février : un premier signal négatif

À peine un mois après avoir récupéré la maîtrise d’ouvrage, le Département fait face à un premier signal négatif. Alors que les élus sont réunis en assemblée plénière, ils apprennent dans la matinée qu’un rapport du conseil d’orientation des infrastructures vient d’émettre un avis défavorable à leur projet. « Malgré la forte mobilisation des autorités locales et l’accord donné récemment par le gouvernement, la pertinence d’un aménagement complet à 2x2 voies ne semble toujours pas établie comme une réponse adaptée aux besoins de développement économique du territoire concerné. Les projections de trafic, qui restent faibles au regard d’un aménagement à 2x2 voies, méritent elles-mêmes d’être réexaminées en fonction des nouvelles orientations nationales », pouvait-on lire dans le rapport que Centre Presse s’est procuré. Ce dernier pointait du doigt également « une conception datée de l’aménagement du territoire » et un tracé « ancien » appelé à traverser plusieurs zones naturelles sensibles et classées Natura 2000.
Réaction d’Arnaud Viala ? « Pour nous, cet avis est un épiphénomène et ne remet rien en cause. Le Département s’est battu pour obtenir cette maîtrise d’ouvrage. Et nous l’avons fait en ayant l’assurance que l’État serait à nos côtés. Je pense qu’il comprend très bien le caractère structurant de cette réalisation face à un avis purement technique du conseil d’orientation des infrastructures. Je ne baisserai pas pavillon pour si peu. On ne ferait plus rien si on s’arrêtait de travailler après chaque avis mitigé de tel ou tel organe… »

6 avril : Carole Delga annonce une participation à 95 M€ !

À l’occasion d’une visite en Aveyron de la Première ministre, Élisabeth Borne, la présidente de Région Carole Delga annonce une excellente nouvelle pour le Département. Elle s’engage à participer à hauteur de 95 millions d’euros pour la mise à 2x2 voies de la RN88. Soit les 25 % attendus de sa collectivité, dans la clé de répartition envisagée. Ne reste donc qu’à connaître l’engagement de l’État, attendu lui au double, pour lancer les travaux ! « Aujourd’hui, les collectivités locales ont besoin de ces garanties afin d’accélérer et de programmer les travaux dans les meilleurs délais. Je demande donc que l’État s’engage sans attendre à nos côtés dans le cadre d’un nouveau protocole d’itinéraire […] Je sais l’attachement porté par la Première ministre au développement de nos territoires. Dans bien des départements, particulièrement en zone rurale, les routes restent des infrastructures stratégiques pour permettre à nos concitoyens de se déplacer librement et à nos entreprises de développer leur activité », soulignait l’élue PS dans un communiqué de presse.

14 avril : Arnaud Viala réunit tous les élus

Dans la salle des Épis à Lioujas, à deux pas du tout récent barreau de Saint-Mayme, comme un symbole, le président Arnaud Viala a réuni élus, représentants de l’État et acteurs économiques du département afin « de réussir ce que tout l’Aveyron souhaite depuis des années ». Dans son discours, le président a réaffirmé son état d’esprit, celui de « la jouer collectif ».
« On se lance dans une véritable course de haies et on souhaite tous qu’elle se termine bien et dans les temps », a affirmé le préfet, Charles Giusti, face à un premier calendrier dévoilé par le Département : la mise en service du tronçon Rodez-Laissac est attendue pour 2030 et la totalité du parcours pour 2035. La participation de l’État, elle, n’est toujours pas connue. « Ce sera le cas d’ici peu », avait annoncé Arnaud Viala.

19 mai : Marc Censi revient dans le jeu

Ancien maire de Rodez, président de Région et créateur du Syndicat mixte de la RN88 dans les années 1990, Marc Censi plaide dans un long message pour un grand contournement de la préfecture plutôt que le projet actuel d’aménagement de la rocade via des dénivellations sur les trois principaux giratoires. « En découvrant le tracé de la future liaison autoroutière Rodez - Sévérac, je constate incrédule, qu’il se confond avec celui de la rocade dans la traversée de l’agglomération. Pendant qu’un grand nombre de villes interdisent tout ou partie de leur territoire aux véhicules polluant en les classant en ZFE (zone à faibles émissions), Rodez se prépare à accepter une circulation autoroutière au cœur de l’agglomération. Car ne nous y trompons pas : le niveau de la route a beau se situer cent mètres au-dessous du piton, la pollution monte et se répand sur une distance de 300 ou 400 mètres de part et d’autre du tracé. Elle met en danger grave et avéré la santé de la population environnante […] Dans quinze ou vingt ans, avec le tracé envisagé, les populations qui subiront les effets de la pollution seront en droit d’engager des actions en justice contre les responsables », écrivait Marc Censi. Mais cette option, du grand contournement par le nord, reprise par la conseillère départementale Sarah Vidal, le successeur de Marc Censi, Christian Teyssèdre, n’en veut pas la jugeant bien trop coûteuse. Ce dernier a également annoncé qu’il participerait, avec l’Agglomération, à hauteur de 20 % à la facture totale de la traversée de Rodez. Celle-ci pourrait coûter 150 millions environ.

26 mai : « On ne peut plus attendre »

Réunis en assemblée et toujours suspendus à la décision de l’État, les élus du Département commencent à s’impatienter. À la tribune et aux côtés du préfet de l’Aveyron, invité pour l’occasion, le vice-président André At lance : « On ne peut plus attendre. Ces aménagements ont débuté il y a trois décennies et nos concitoyens finissent légitiment par douter de les voir un jour, et seules les synergies intelligentes peuvent nous permettre de réaliser ces travaux dans des délais urgents compte tenu de l’insécurité meurtrière de la route actuelle et des résistances de plus en plus fortes de certaines franges de nos sociétés ».

1er juin : Christophe Béchu n’appuie pas sur l’accélérateur

En visite dans le département, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, n’arrive pas avec des bonnes nouvelles pour le dossier de la RN88. Pis, ce dernier indique clairement que « le changement climatique modifie les règles du jeu ». Quelles conclusions en tirer ? Difficile de savoir car en même temps, l’homme politique annonce que l’État sera « le partenaire prioritaire » du Département pour mener à bien la mise à 2x2 voies.

11 septembre : Arnaud Viala dit réfléchir à d’autres solutions

Lors de sa conférence de presse de rentrée, Arnaud Viala a montré pour la première fois son impatience vis-à-vis de l’État, lui qui s’en était pourtant rapproché en quittant sa famille politique (Les Républicains). « On ne peut pas attendre indéfiniment que la solution vienne d’en haut, sinon la RN88 à 2x2 voies ne verra jamais le jour… », avait lancé le président, en référence à l’attente de la participation de l’État, et tout en évoquant « réfléchir à des solutions alternatives ». Sans en dire davantage depuis. Souhaitait-il évoquer le fameux partenariat public-privé, cher à certains de ses prédécesseurs en son temps ? On ne le saura pas ! « L’État doit respecter ses engagements et ses promesses », avait simplement prévenu Viala.

11 octobre : Gérard Larcher au soutien d’Arnaud Viala

« Il faut que l’État se mouille ! » : invité par l’association départementale des maires, le président du Sénat Gérard Larcher met lui aussi, à son tour, la pression sur le gouvernement quant à sa participation pour la RN88. Plusieurs semaines après, c’est un ancien ministre, Jean-Louis Borloo, invité cette fois par la droite aveyronnaise, qui indiquera : « À un moment donné, il faut se positionner. Il faut choisir ». Autant de pressions, restées encore à ce jour dans l’oreille d’un sourd !

17 novembre : les écologistes se mobilisent contre

Si d’aventure elle voyait le jour, la nouvelle RN88 de l’Aveyron serait-elle aussi contestée que l’A69 entre Castres et Toulouse ? C’est en tout cas le souhait des écologistes aveyronnais. Ces derniers ont affirmé qu’ils s’opposeraient au projet et qu’ils comptaient créer un collectif avec de nombreuses associations. Ils annoncent également que des procédures juridiques seront engagées afin de ralentir le projet. « Les élus nous vendent des arguments pour la sécurité des usagers et l’attractivité économique mais, pour cela, il faut prospecter du côté des alternatives. Nous ne pouvons pas accepter de continuer l’artificialisation des sols, à l’heure où tout le monde a pris conscience de l’urgence climatique », argumentait Laurent Renaudin, secrétaire départemental des Écologistes de l’Aveyron.

13 décembre : « Ça devrait se débloquer rapidement »

Dans un entretien accordé à Centre Presse, la présidente de Région, Carole Delga, annonce que le dossier de la RN88 « devrait se débloquer rapidement ».
« C’est une question de somme espérée de l’État », assure-t-elle encore, alors que le Département ne s’est jamais précisément prononcé sur la somme qu’il attendait a minima.

15 décembre : la RN88 oubliée des « exceptions »

Dans le cadre de la loi zéro artificialisation nette, le gouvernement a annoncé qu’il ferait des exceptions pour certains projets d’envergure. Il s’appuie sur les régions pour faire remonter ces derniers. Et la RN88 a été oubliée de la liste ! Les élus du Département ont voté une motion afin de rectifier la chose…

22 décembre : inauguration de la bretelle de la Gineste

C’était la dernière réalisation de l’État, aux commandes de la RN88. Débutés il y a plus d’un an, les travaux de la bretelle de la Gineste, appelée également « shunt », ont été livrés vendredi 22 décembre. Celle-ci doit permettre d’alléger le trafic au rond-point de Saint-Félix… Avant l’aménagement global de la traversée de Rodez ? Lors de l’inauguration, Arnaud Viala était à Paris pour porter une nouvelle fois le dossier auprès du gouvernement. Le lobbying finira-t-il par payer ?

Le chiffre

23

Selon les estimations des services du Département, Rodez ne serait plus qu’à 23 minutes de l’A75 avec le nouveau tracé de la RN88 à 2x2 voies. Et ce, selon une moyenne de 110 km/h. Actuellement, avec la limitation de vitesse fixée à 80 km/h, il faut compter 45 minutes pour relier les deux villes.

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