Aveyron : ils se lancent dans une bataille pour "l’indépendance" de leur village

Abonnés
  • Les esprits s’échauffent dans ce paisible village rythmé par le passage des pèlerins.
    Les esprits s’échauffent dans ce paisible village rythmé par le passage des pèlerins. Centre Presse Aveyron - Archives JAT
Publié le
Roman Bouquet Littre

Des habitants de Conques se sont constitués en association pour demander le détachement du village de la commune nouvelle de Conques-en-Rouergue.

"C’est un peu David contre Goliath." Dans les rues du village médiéval de Conques, joyau de l’art roman sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, des habitants se battent pour l’indépendance de la commune, associée en 2016 à la commune nouvelle de Conques-en-Rouergue, avec Grand-Vabre, Noailhac et Saint-Cyprien-sur-Dourdou. À l’origine de la démarche, un sentiment d’abandon de certains, rassemblés depuis peu dans l’association "Vivre à Conques". "Nous sommes déjà une quarantaine en une semaine", assure Jérôme Pamela, l’un des initiateurs du mouvement, en arpentant les rues pavées de la cité, classée parmi les plus beaux villages de France et les Grands sites d’Occitanie.

"Ça, c’est le premier bâtiment qu’ils ont vendu, c’est l’ancienne gendarmerie. […] Le fait d’avoir fusionné les communes a aussi condamné l’école. Il n’y a aucun effort pour garder de la vie ici, il y a une politique pour faire mourir ce village. Les élus veulent faire de Conques un musée", dénonce ce polytechnicien à la retraite, qui réside dans la commune depuis 4 ans. "Dans un village ou il n’y a pas de boulangerie, pas d’école, pas d’épicerie, c’est compliqué de faire venir de nouveaux habitants", ajoute Sabine Lafond, présidente de la jeune association, depuis 17 ans à Conques, le chef-lieu de la commune nouvelle à sa création.

"Je m’en veux parce que je n’ai pas senti le coup"

Une place prééminente que la commune aurait perdue, malgré son nom éponyme et sa situation géographique centrale. Officialisée le 11 janvier dernier en conseil municipal, cette décision est symbolisée par le départ de l’administration principale à huit kilomètres de là, à Saint-Cyprien-sur-Dourdou, commune déléguée la plus peuplée de Conques-en-Rouergue.

Une décision vécue comme une "déclaration de guerre" par certains Conquois, qui se sentent trahis après plusieurs entorses aux "orientations prioritaires" entérinées lors de la fusion des quatre communes comme "la pérennisation des écoles maternelles et élémentaires" ou le "maintien d’un service public de proximité". "Je m’en veux parce que je n’ai pas senti le coup. J’avais dit pourquoi pas quand la commune nouvelle avait été évoquée, j’aurais dû me méfier. À partir du moment où ils ont agrandi l’école de Saint-Cyprien avant la fusion, j’ai compris", explique Claude, originaire du village médiéval, attablé à l’auberge Saint-Jacques. Il relève surtout une absence totale de dialogue entre élus et locaux.

Un manquement mis en lumière en octobre dernier par l’enquête publique, chargée de se prononcer sur le changement de chef-lieu. "Ce projet n’a pas été communiqué à la population mais il est tellement avancé qu’il est impossible à inverser", témoignait un autre Conquois dans le rapport.

Malgré un avis favorable au transfert de chef-lieu, soulignant notamment la meilleure accessibilité de la mairie pour les citoyens de la commune nouvelle, dont plus de la moitié habitent Saint-Cyprien-sur-Dourdou, le commissaire enquêteur avait constaté que "les travaux de démolition et de déménagement de la mairie de Saint-Cyprien-sur-Dourdou [avaient] débuté avant le résultat de l’enquête publique".

"Nous faisons ce que nous pouvons en termes de communication. Nous allons essayer de communiquer un peu plus, même s’il ne faut pas oublier que nous nous occupons de toute la commune nouvelle", répond le nouveau maire Davy Lagrange, seul candidat à la succession du démissionnaire Bernard Lefebvre début janvier, qui assure "se battre pour faire vivre le village". "Nous n’avons pas trouvé la solution mais nous travaillons pour que Conques vive toute l’année. On essaye de développer l’artisanat d’art […]. Cette filière attire des habitants à l’année."

Une lecture différente des chiffres du tourisme

L’hiver, les rues de Conques sont pour l’instant bien vides. Seuls les marteaux des couvreurs sur le toit de l’abbatiale Sainte-Foy, classée au patrimoine de l’Unesco se font entendre, avec les agents de la municipalité en plein nettoyage. "L’abbatiale, c’est le deuxième chantier de France après Notre-Dame. Nous avons investi plus de quatre millions d’euros à Conques", explique l’ancien maire, en listant les chantiers, tous liés au tourisme.

Un secteur d’attractivité crucial pour la commune qui se vante sur son site d’accueillir chaque année "600 000 personnes environ", "plus de 500 000" sur les dossiers de presse de l’office du tourisme. Des chiffres de fréquentation "difficiles à estimer", avoue le désormais conseiller municipal Bernard Lefebvre, que pointent les habitants. "Il n’y a pas plus de 500 000 visiteurs à l’année. Il y en a 220 000 au mieux. La politique touristique se base sur des chiffres de fréquentation faux", estime Sabine Lafond.

Le label Grands sites de France comme objectif

Un sentiment de surévaluation partagé par deux commerçantes.

"Sur les chiffres, ils trichent. On le sent sur notre chiffre d’affaires." La source selon eux d’un "décalage entre leur politique touristique et la réalité". "Ils privilégient la quantité de touristes à la qualité. Ce sont des bus, du tourisme de masse et des visites cheap qui n’offrent aucun bénéfice au village. Conques, c’est un business center. Les habitants sont complètement négligés. On ne parle que du tourisme."

Dernier projet en date, hautement symbolique pour ces Conquois, la vente à la communauté de communes Conques-Marcillac de l’ancienne mairie principale, au cœur du village, pour y installer le nouvel office de tourisme communautaire. Un projet "XXL" et "surdimensionné" pour l’association, qui incarne l’ambition des élus d’inscrire le territoire "Conques et vallées Lot et Dourdou" – incluant Cassaniouze, Pruines, Sénergues et Vieillevie – au prestigieux Grands sites de France.

Ce label permettrait de développer encore l’attractivité du territoire tout en préservant "l’âme des lieux". "La création de la commune nouvelle a relancé l’idée de demander ce label. C’est un élément qui nous a soudés", expliquait Bernard Lefebvre, maire de Saint-Cyprien-sur-Dourdou de 2008 à 2016, puis de Conques-en-Rouergue de 2016 à 2023, avant de recevoir pendant trois jours la semaine dernière l’inspecteur général des sites.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
L'immobilier à Rodez

450000 €

En exclusivité chez IMMO DE FRANCE, venez vite découvrir cet opportunité d'[...]

Toutes les annonces immobilières de Rodez