Pour Qasim, il est plus simple d'être gay au Pakistan qu'aux Etats-Unis

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AFP

Qasim et Ali s'aiment et vivent ensemble au Pakistan. Ils songent un jour à se marier à l'étranger, mais pour l'instant les seuls mariages auxquels ils assistent sont ceux d'amis gays unis de force par leur famille à des femmes qui ne savent rien de leurs penchants pour les hommes.

"En fait, c'est plus facile d'être gay au Pakistan qu'aux Etats-Unis", décoche Qasim, qui grille sa cigarette dans un café "branché" de la capitale Islamabad, expliquant les dessous, parfois croustillants, de sa vie d'homosexuel au "pays des purs".

Ici, comme dans de nombreux autres pays musulmans, il n'est pas rare de voir des hommes marcher main dans la main dans la rue, ce qui n'est en rien un gage de leur identité sexuelle. Mais cela permet à des homosexuels de passer sous le radar, comme Qasim qui prend doucement la main d'Ali sous la table du café.

"Nous pouvons rester comme ça sans problème, personne n'a d'arrière pensée en nous voyant ainsi", souffle Qasim, né au Pakistan il y a 41 ans. Sa famille, de riches propriétaires d'usines de textile, migrent aux Etats-Unis lorsqu'il a trois ans à peine.

Là, il coule des jours heureux. Il étudie la mode et l'informatique, obtient un MBA, puis joint les rangs de Microsoft. Jusqu'au jour où son monde bascule. Dans la mi-vingtaine, il est diagnostiqué séropositif. A la fin des années 1990, cela signifiait potentiellement une expulsion pour un étranger naturalisé américain.

Après une vaine bataille devant les tribunaux, Qasim renonce à sa citoyenneté américaine et rentre au Pakistan, un pays qu'il n'a jamais vraiment connu et où l'homosexualité est illégale.

"Quand je suis revenu c'était le choc. Je n'étais pas à l'aise du tout. Je me suis enfui à Dubaï pendant trois ou quatre mois, mais n'ai pas trouvé de boulot. Puis, ce fut Sydney (en Australie) pendant encore six mois, mais encore là pas de boulot", raconte-t-il à l'AFP.

De retour au Pakistan, Qasim fonde une ONG pour aider les homosexuels et les transsexuels. Son organisation, qui fait profil bas, offre une aide médicale et permet à de jeunes homosexuels des classes défavorisées, souvent victimes d'abus, de discuter et simplement se relaxer, écouter de la musique et regarder la télévision. Bref, un petit oasis.

"On me respecte, je me sens valorisé par ce travail. J'espère changer la vie des gens et faire une différence", souffle Qasim qui vit avec son copain Ali, 26 ans, dans un appartement orné d'oeuvres d'art contemporain dans un quartier huppé de Lahore (est), capitale culturelle et ville la plus libérale du Pakistan.

La vie y est douce. Qasim se lève tôt le matin, sort le chien, jardine un tantinet avant de réveiller son amant. Ils petit-déjeunent et vont travailler. Qasim dans le siège de son ONG juste en bas et Ali dans un des centres d'accueil. Le soir, Ali rentre vers 20h30, après un détour pour faire de la gym, et met les pieds sous la table. Parfois, ils cuisinent ensemble. Après c'est la télévision et la couette.

"Les voisins ne se doutent de rien. Nous n'organisons pas de grandes fêtes gays et il n'y a pas de personnalités flamboyantes qui passent à la maison", sourit Qasim. "Pour moi, c'est une vie normale comme n'importe quel autre couple gay", s'accorde Ali, "dépressif" avant de rencontrer l'amour de sa vie. "Je n'arrive même pas à décrire mon bonheur avec des mots".

Cette vie rangée jure avec un passé plus pétillant dans le monde underground des nuits folles de Lahore, un réseau serré où il faut absolument être muni d'une invitation pour atterrir dans une chaude soirée alcoolisée et hyper-sexualisée. "Imaginez 400 à 500 mecs frustrés sexuellement dans une pièce. Les gens viennent +faire leur marché+", lance Qasim.

Les deux amants n'ont jamais été menacés ou insultés, mais ils réduisent leurs relations avec le reste de la société pour justement ne pas attirer ces indiscrétions.

La vie familiale a, elle, un goût d'inachevé. Ali n'est jamais sorti du placard. Il parle à ses soeurs, mais voit rarement son père. Qasim a fait son "coming out" à l'adolescence. Lorsque les amoureux visitent les parents de Qasim à Islamabad, ils dorment toutefois dans des chambres séparées.

Et le mariage gay ? Qasim et Ali soutiennent l'initiative dans d'autres pays, sans vouloir transposer le combat dans leur société conservatrice. "Nous rêvons au jour où nous pourrons adopter une petite fille", soupire Ali. Mais ce jour ne viendra peut-être jamais au Pakistan...

Source : AFP

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