L'or de la Roumanie? Ses jeunes musiciens

  • Des musiciens de l'Orchestre national des jeunes de Roumanie répètent à Bucarest le 8 septembre 2013
    Des musiciens de l'Orchestre national des jeunes de Roumanie répètent à Bucarest le 8 septembre 2013 AFP - Daniel Mihailescu
  • Des musiciennes de l'Orchestre national des jeunes de Roumanie, le 8 septembre 2013 à Bucarest
    Des musiciennes de l'Orchestre national des jeunes de Roumanie, le 8 septembre 2013 à Bucarest AFP - Daniel Mihailescu
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AFP

"Ces musiciens sont l'or de ce pays!", s'émerveille le maestro américain Lawrence Foster en dirigeant l'Orchestre des jeunes de Roumanie, mais dans un des Etats les plus pauvres d'Europe, les jeunes talents luttent pour vivre leur passion.

La Roumanie a donné à la scène internationale des musiciens brillants, du violoniste et compositeur Georges Enesco aux pianistes Dinu Lipatti, Clara Haskil que Charlie Chaplin qualifiait de "génie" ou Radu Lupu.

Nombre de Roumains jouent dans les grands orchestres d'Europe comme Liviu Prunaru, premier violon solo au Concertgebouw d'Amsterdam.

Mais une ombre plane aujourd'hui sur la relève en raison de la faiblesse des financements pour la culture et du manque d'intérêt des gouvernements successifs pour un secteur qui collectionne pourtant les succès à l'étranger dans le cinéma, la peinture et la musique.

En 2014, le budget du ministère de la culture baissera à moins de 130 millions d'euros dans un pays de 20 millions d'habitants. C'est cinq fois moins qu'en Pologne, une goutte d'eau par rapport aux milliards dédiés à ce secteur en France.

Depuis 2008, en raison de la crise économique, le recrutement de musiciens dans les orchestres d'Etat a été gelé, privant de perspectives une partie des jeunes. Si des postes devraient se débloquer, le niveau dérisoire des salaires pose problème.

Un jeune musicien qui entre dans un orchestre gagne de 200 euros à 350 euros par mois.

"C'est très dur d'être un jeune musicien professionnel en Roumanie. Chacun d'entre nous fait face à un dilemme: continuer ou pas, rester ici ou partir à l'étranger", confie à l'AFP Roxana Oprea violoniste de 28 ans à l'Orchestre de Targu Mures (nord-ouest).

Roxana est malgré tout restée car elle croit "que sans la culture les gens ne sont pas complets".

Mais surtout deux grands noms roumains de la musique, le violoncelliste Marin Cazacu et le chef d'orchestre Cristian Mandeal ont su redonner espoir à sa génération en créant "l'Orchestre national des jeunes" en 2008.

Financé majoritairement par des fonds privés --l'Etat ne contribue qu'à hauteur d'environ 5%-- l'orchestre sélectionne les jeunes les plus talentueux dans tout le pays mais pas uniquement sur leur virtuosité.

"Nous regardons aussi leur capacité à jouer avec d'autres", explique à l'AFP M. Cazacu.

Longtemps, l'école roumaine "a éduqué les jeunes comme des individualistes pour devenir le plus grand soliste du monde sans donner la culture du jouer ensemble", raconte cet homme, mécène pour des jeunes de tous âges.

Mais grâce aux prestigieux musiciens invités, les jeunes ont redécouvert la noblesse de la musique symphonique et du collectif.

"Aujourd'hui, ils sont au niveau des plus grands orchestres de jeunesse en Europe", juge le chef d'orchestre Lawrence Foster qui les a dirigés durant le festival Enesco.

"Certains professionnels ne peuvent que rêver d'une telle présence", a estimé le quotidien allemand Tagespiegel après le festival Young Euro Classic.

"Tout ce qu'a réalisé cet orchestre était vu comme une mission impossible mais l'altruisme de notre équipe, le dévouement des musiciens et de ceux qui nous soutiennent l'ont rendu possible", souligne M. Cazacu.

Il raconte avec humour que pour pallier les faibles budgets, il est "à la fois le directeur musical, la secrétaire, l'homme à tout faire" de l'Orchestre.

Les musiciens donnent aussi un coup de main pour la logistique lorsque l'Orchestre doit voyager à l'étranger tandis que nombre d'intervenants de prestige viennent volontairement.

"J'ai peur parfois que les meilleurs de ceux que nous avons formés partent à l'étranger car là-bas ils peuvent jouer dans n'importe quel orchestre professionnel, c'est compréhensible mais dommage pour le public roumain. J'ai aussi peur parfois que beaucoup de jeunes qui voient qu'ils n'ont aucun soutien (en Roumanie) depuis des années perdent l'espérance", confie-t-il.

Etoile montante, Alexandra Dariescu, 28 ans, a quitté la Roumanie pour la Grande-Bretagne il y a neuf ans. Elle qui a été la première pianiste roumaine à jouer au Royal Albert Hall de Londres aux côtés du Royal Philharmonic Orchestra rappelle qu'au Royaume-Uni, de nombreux particuliers et fondations soutiennent les jeunes musiciens.

"En Roumanie, on devrait davantage se serrer les coudes", dit-elle.

Marin Cazacu garde l'espoir: "L'avenir... je ne le vois qu'avec un soutien minimum de l'Etat et des compagnies privées. Je vieillis, un jour, la santé, le temps ne me permettront plus de poursuivre mais cet orchestre doit vivre car il est essentiel pour l'avenir du pays".

Source : AFP

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