Mohed Altrad : « Il faut libérer les énergies et la créativité »

  • Pour Mohed Altrad,  le multiculturalisme s’impose comme une nécessité absolue dans un monde ouvert, qui doit prôner l’ouverture à l’autre. « C’est la grandeur de l’Homme de tendre la main  à l’autre. »
    Pour Mohed Altrad, le multiculturalisme s’impose comme une nécessité absolue dans un monde ouvert, qui doit prôner l’ouverture à l’autre. « C’est la grandeur de l’Homme de tendre la main à l’autre. » Repro CP
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Propos recueillis par Joël Born

Mohel Altrad, le charismatique et médiatique chef d’entreprise, président du Montpellier Hérault Rugby, mais aussi écrivain, est l’invité d’honneur, ce soir, de la CCI et de Centre Presse, pour la cérémonie de l’Aveyron des Champions.Il nous livre sa vision du monde de l’entreprise et, plus généralement, sa philosophie de la vie.

Vous allez assister à L’Aveyron des Champions (jeudi soir), que connaissez-vous de notre département ?

Ce qui me vient avant tout à l’esprit est la beauté des paysages, notamment l’Aubrac, et de ses villages médiévaux. Je pense également au Viaduc de Millau et au musée Soulages. Le département a principalement une dominante rurale et agricole. C’est une terre rude mais chaleureuse, de grande tradition et forte de son histoire. On connaît le courage et l’énergie des hommes de l’Aveyron qui ont su émigrer et conquérir des territoires prestigieux, avec une forte communauté aveyronnaise à Paris par exemple. Vous avez un parcours assez incroyable, qui force l’admiration.

Votre enfance « difficile » vous a-t-elle donné une force supplémentaire pour aller de l’avant et entreprendre sans cesse comme vous le faites ?

On dit que ce qui ne tue pas renforce. Ce fut en effet une enfance douloureuse dont je parle plus précisément dans mon roman Badawi, confronté à la dureté du désert et à un environnement familial hostile. Il est certain que cette enfance douloureuse à laquelle il n’était pas possible de se résigner a créé la nécessité absolue d’échapper à ce tragique et susciter une grande motivation pour tenter de prendre son destin en main, et construire sa propre histoire.

On vous a décerné le « Prix mondial de l’entrepreneur de l’année 2015 ». Comment avez-vous reçu cette consécration internationale ?

Ce prix reste une bonne surprise qui vient consacrer un parcours entrepreneurial de 30 années et constitue une reconnaissance précieuse de mes pairs. C’est donc une grande fierté, mais ça l’est également pour mon pays, la France, qui m’a accueilli, et qui n’avait jamais remporté ce prix jusqu’à présent. C’est une reconnaissance internationale des efforts accomplis par l’ensemble des personnes qui m’entourent. Cette consécration met en valeur l’esprit d’entreprendre et la réussite entrepreneuriale en France, et montre que contrairement à certaines idées reçues, cette réussite est toujours possible dans la mesure où elle s’appuie sur l’ouverture à l’international et la diversité des cultures. Votre groupe a atteint aujourd’hui une taille mondiale.

Quelle est la prochaine étape ?

Oui le groupe a atteint une taille mondiale avec les dernières acquisitions de Hertel et de Prezioso. Cela a permis non seulement de développer notre implantation géographique sur les cinq continents mais aussi d’élargir nos domaines d’expertises dans des domaines complémentaires, principalement axés sur les services à l’industrie. Le groupe est dans une dynamique de croissance soutenue et compte poursuivre cette expansion en saisissant les opportunités de croissance qui ne manqueront pas de se présenter dans un secteur d’activité en pleine consolidation.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune entrepreneur aveyronnais ?

Un entrepreneur jeune et qui plus est, aveyronnais, a toutes les chances a priori de réussir ! Il faut bien sûr avoir un projet, une vision, et ne jamais lâcher prise. La démarche entrepreneuriale requiert toujours du courage et une grande ténacité. Il faut aussi de la passion et la foi dans les hommes et l’aventure humaine.

Si vous étiez ministre de l’Économie, quelle est la première mesure que vous prendriez ?

Il n’y a probablement pas de recette miracle, mais ce qui paraît important est de créer un contexte qui permette de libérer les énergies et la créativité.

Dans le contexte actuel, n’est-ce pas compliqué de prôner le multiculturalisme auquel vous êtes très sensible ?

Plus que jamais, le multiculturalisme s’impose comme une nécessité absolue dans un monde ouvert qui doit prôner l’ouverture à l’autre. On s’enrichit de nos différences, les valeurs de solidarité et de convivialité sont plus que jamais à l’ordre du jour. À une époque où la réflexion tourne beaucoup autour de l’identité, c’est la grandeur de l’Homme de tendre la main à l’autre et de ne pas s’enfermer dans une vision étriquée et faussement protectrice. La diversité culturelle est une vraie richesse.

Vous êtes aussi un écrivain reconnu. Comment vous est venue cette passion pour l’écriture ?

L’amour de la langue que j’ai dû très vite apprendre à maîtriser, mais également le goût de faire vivre à travers des récits romanesques la complexité et la richesse de l’aventure humaine. L’écriture est une passion mais aussi une très forte exigence et parfois une souffrance.

Le rugby, est-ce pour vous une façon de décompresser, de lâcher prise ?

Le rugby c’est comme l’entreprise, c’est une vraie passion. On y retrouve des valeurs fortes telles que le sens du combat, de l’engagement, et de la solidarité. On est fort par les autres et chacun a sa place. Loin de décompresser, je vis chaque match intensément et c’est à la fois une joie profonde et un stress réel.

Quel est votre rapport à la politique et aux politiques ?

La politique doit être dans son principe une vision noble et généreuse de l’organisation de toute société. Lorsque je suis arrivé en France, j’étais hautement impressionné par les livres que j’ai pu lire, et qui mettaient en exergue les valeurs républicaines de liberté, égalité et fraternité. Il est vrai que la réalité vécue n’est pas toujours le reflet de ces exigences. Les hommes politiques ont une mission qui doit se fonder sur une vision. La difficulté est de rester ouvert et sensible aux évolutions et de ne pas s’enfermer dans une sorte de professionnalisme étriqué de la politique. Le monde de demain devra probablement compter d’avantage sur la société civile et laisser plus de place aux valeurs d’audace, de courage et d’ouverture d’esprit au-delà des querelles d’ego et des idéologies convenues.

Vous avez été montré en exemple, lors de l’émission « Leurs secrets du bonheur ». Pour Mohed Altrad, finalement, c’est quoi le bonheur ?

Chaque homme a probablement une idée de l’œuvre à accomplir dans laquelle il puise son bonheur. Pour moi, construire sa propre histoire, partager cette aventure avec les autres, donne du sens et est une source de profonde satisfaction. Chacun aura sa définition du ou des bonheurs. S’il fallait trouver un raccourci on pourrait dire que le bonheur c’est peut-être savoir ce que l’on veut et le vouloir passionnément.

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