Montézic. Le jour où : Michel Bras s’installa au sommet…

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Publié le
Paulo Dos Santos

La série "Le jour où" vous propose de remonter le cours du temps jusqu'au jour où un bel événement est survenu en Aveyron, et ce dans tous les domaines.
 

Si l’on pouvait gratifier l’Aubrac de 7 merveilles, le Suquet y aurait une place de choix. Ce "vaisseau", comme il fut appelé lors de sa construction au début des années 1990, et sa table réputée dans le monde entier offrent depuis des décennies une saveur toute particulière au célèbre plateau du Nord-Aveyron.

Que serait également ce territoire sans la saga familiale des Bras ayant autant façonné le territoire que les bourrasques de vent l’hiver venu… "La magie Bras règne sur l’Aubrac", s’est souvent amusé à écrire le célèbre critique gastronomique, Gilles Pudlowski. Pourtant, en 1991, quand Michel, déjà affublé de deux étoiles au Michelin et d’une note de 19,5 au Gault et Millau, décide de quitter "Le Mazuc" familial au centre de Laguiole pour prendre un peu plus de hauteur sur la route des pistes, nombreux le prennent pour un "fou".

"Le Mazuc ne correspondait plus à notre clientèle, on souhaitait trouver un autre lieu et créer un établissement plus moderne", se remémore Michel Bras, dans son bureau, où les photos et coupures de presse de l’époque s’affichent un peu partout sur les murs. On lui avait alors proposé d’installer ses cuisines à Espalion ou à Rodez. Mais, l’amour du chef pour l’Aubrac n’est plus à prouver. Pas question pour lui de bouger !

Mais les recherches ne sont pas si simples, les agriculteurs ne souhaitent pas léguer leurs terres à celui que certains considèrent encore comme un "illuminé". Son dévolu se jettera finalement sur cette terre déserte du Puech du Suquet et ses 14 hectares de terrains communaux, aux quatre vents et loin de tout ! Alors que partout, on promet la réussite d’une table en raison de son emplacement… Qu’importe. L’Aveyronnais et sa "nouvelle cuisine" sont déjà hors des clous. "Avec ma femme, on a toujours eu une fascination pour les déserts. Ce terrain, c’était exactement ça !", sourit-il aujourd’hui.

"On n’a jamais essayé de plaire ou d’être tendance"

Mais le parcours du combattant ne fait que débuter. Les banques boudent encore le projet. Michel s’accrochera et obtiendra enfin le prêt tant attendu pour lancer les travaux. Ils dureront un an, traversant un rude hiver que seuls les "Aubraciens" savent dompter.

"Quand j’y repense, je crois vraiment que nous étions inconscients à l’époque", rigole le chef retraité. Son établissement très contemporain, dessiné par deux architectes (Éric Raffy et Philippe Villeroux), détonnera également avec les codes de l’époque : "Ce n’était pas forcément bien vu mais on était visionnaire sur ce coup-là… On a cassé beaucoup de codes, jusqu’à l’art de la table. Car avant, un étoilé, ce devait être Versailles ! Nous, on était en dehors de tout cela". Le Suquet, version Bras, ouvrira finalement ses portes le 11 avril 1992.

Les galères, elles, ne se termineront pas là. Grève des camionneurs tout l’été, peur du lendemain avec la guerre du Golfe, le carnet de réservations est souvent resté incomplet. "Tous les jours, j’envoyais mon chiffre d’affaires au banquier pour le rassurer… On s’est vraiment accroché. Mais si je devais refaire la même chose, je le referai", sourit-il.

La consécration ne tardera finalement pas à venir avec un titre de chef de l’année, un classement dans les 10 meilleures tables du monde et une troisième étoile en 1999. Cette fois, les Bras ont conquis l’Aubrac. A leur façon, visionnaire et hors des normes. "On n’a jamais essayé de plaire, d’être dans la tendance", conclut Michel, aujourd’hui âgé de 73 ans. Le temps lui a donné raison.

Toute une histoire

À chaque construction, son histoire et ses innombrables anecdotes… Michel Bras en a encore des dizaines en mémoire. Et notamment celle de ce groupement de chasseurs souhaitant mettre fin aux travaux, par peur de voir les lièvres fuir ces contrées… Selon eux, le terrain du Puech du Suquet était un refuge privilégié pour la procréation des femelles, les hases. "Ce qui est superbe, c’est qu’après la construction, les femelles venaient toujours allaiter leurs petits sous les yeux des clients ! On ne les a jamais dérangées je crois", se marre aujourd’hui Michel Bras.

On pourrait également citer l’imagination débordante de l’architecte bordelais Éric Raffy, faisant grimper la facture à chaque fois – "J’étais obligé de le freiner tous les jours sinon on ne s’en sortait pas", rigole encore le chef aveyronnais -, la construction de cette petite rivière à l’eau d’Aubrac au beau milieu du restaurant (ça vaut le détour !), le choix d’un sac à dos comme présent plutôt que la traditionnelle bouteille de champagne dans les chambres d’hôtels comme une invitation au voyage ou encore toutes ces personnes célèbres, d’hommes politiques à artistes en passant par de grands hommes d’affaires, venus découvrir ce territoire du Nord-Aveyron grâce à l’assiette de Michel Bras…

 

Un chantier en famille

Chez les Bras, c’est bien connu : on se transmet le savoir et la fibre de la cuisine. Encore étudiants en 1992, Sébastien et sa future épouse, Véronique (à droite sur la photo), ont assisté et mis la main à la pâte – ça ne s’invente pas –, lors des travaux au Puech du Suquet. Sans savoir que quelques années plus tard, ce serait à leur tour de s’y installer…. C’est arrivé en 2009, lors de la passation de pouvoir entre le père et le fils. "À l’époque, c’était drôle car tous les professeurs disaient à Sébastien que le plus important dans la restauration, c’était l’emplacement ! Et nous, on faisait tout le contraire", sourit Michel, aujourd’hui. Mais à l’instar de son père, Sébastien est toujours resté attaché au lieu et à la terre de l’Aubrac. Jamais, pour le jeune chef, il n’a été question d’aller voir ailleurs… "C’est un rêve de travailler dans un tel cadre", confie-t-il aujourd’hui encore même si l’idée d’offrir un petit coup de neuf au Suquet n’est jamais très loin dans sa tête…

Dans les archives photos de Michel Bras, on retrouve également une photo de sa maman, "Mémé Bras", première cuisinière de la famille au Mazuc. Elle prenait alors la pause, tout sourire, avec Ginette, l’épouse de Michel.

 

"Nul autre que Michel Bras ne sait orchestrer un tel festin avec autant de simplicité, de légèreté, de diversité, et de créativité", écrivait le Gault et Millau sur le cuisinier aveyronnais préférant toujours le terme d’insouciant à celui de visionnaire, pour qualifier ses longues années derrière les fourneaux. Et en voyage. Car littéralement adulé au Japon, le chef a également reçu trois étoiles du guide rouge dans son établissement de Toya, ouvert il y a près de 20 ans sur l’île d’Hokkaido. Et à 73 ans, Michel Bras n’en a pas fini avec la cuisine. L’an prochain, avec son fils Sébastien, à qui il a passé le relais en 2009, deux nouveaux établissements porteront son nom : un restaurant à Karuizawa, au Japon, et un au sein de la bourse de commerce à Paris. D’ores et déjà baptisé "La halle aux grains", Michel Bras nous confiait encore travailler tous les jours à son ouverture…. ça promet !

 

Michel Bras, une vie au sommet de son "art"

Une note de 19,5 au célèbre Gault et Millau, trois étoiles au Michelin, élu "chef de l’année" par ses pairs en 1992, classé à plusieurs reprises dans la liste des 10 meilleurs restaurants au monde… Si le qualificatif qui colle le mieux à Michel Bras est l’humilité, l’Aveyronnais a élevé la cuisine au rang d’art depuis de nombreuses années. Et s’il s’est toujours fait rare sur les plateaux télévisés ou les journaux, l’homme n’en demeure pas moins l’un des chefs les plus influents de la "nouvelle cuisine". Autodidacte assumé – " à l’époque, quand vous n’étiez pas ‘‘fils de’’, les portes des grandes maisons restaient fermées", rappelle-t-il souvent encore –, il fut également le premier à populariser la cuisine dite végétale, caractérisée par son célèbre plat "le gargouillou". Une cuisine aujourd’hui dans l’air du temps et reprise par de nombreux grands chefs, tel que René Redzepi.

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