Dans le Vallon de Marcillac, la vigne ne s’impose pas, elle se vit

Abonnés
  • P.L.
  • P.L.
  • P.L.
  • P.L.
Publié le
P.L.

Alors qu’octobre sera comme chaque année parqué par le temps joyeux et laborieux des vendanges, la Fondation du patrimoine vous emmène entre tradition et modernité à la découverte "autrement" du patrimoine viticole issu de la culture avec un grand et un petit "C" de la vigne et des vignerons de ce terroir.

Dans le "Vallon", la vigne se dresse fièrement sur les pentes les plus ensoleillées aménagées en terrasses dans ce paysage de bocage vallonné délimité par les alignements de frênes et de noyers. L’automne venu, elle illumine le pays en nuances de pourpres et d’or.

Ouvrez l’œil et vous comprendrez qu’ici, la vigne a façonné le paysage. La pente qu’il fallait adoucir pour construire des terrasses (faissa en oc). Pour ce faire, il fallait casser le rocher et l’épierrer ou plus simplement trier la pierre et la terre et se servir de l’une pour retenir l’autre en construisant un mur (paredal). Il fallait également prévoir de gravir la pente en montant et en descendant d’un étage à l’autre, souvent chargé car dans la vigne, le transport se faisait alors à dos ou, ici, sur les épaules du vigneron à l’aide d’un coussin de porteur (lo coissin) qui recevait un panier à deux panses (lo panièr carrejador).

Il fallait construire des escaliers de pierre qui pouvaient, selon les méthodes de constructions, être en saillie ou intégré au mur. Il fallait aussi récupérer l’eau et éviter ainsi le lessivage de la terre si précieuse à la fertilité de chacune des terrasses. Un système de canal perpendiculaire à la pente (capalièra), construit en pierres sèches, drainait toutes les rigoles taillées au ras des talus vers le bas de la parcelle et alimentera parfois, plus tard, le bac à bouillie, en complément des écoulements du toit de la cabane ou de la maison de vigne, entendez bouillie bordelaise.

Construction d’une cabane ou d’une maison de vigne

En rive de ce chenal, ou en bordure de fossé, est planté l’osier, indispensable à la ligature des sarments en forme de boucle rapportée sur le cep. Il sert aussi l’hiver à la confection des paniers à deux panses. Les pieds de vigne étaient alignés et soutenus par un tuteur de châtaignier refendu.

Les terrasses abandonnées dessinent la superficie qu’occupait la vigne au temps de son apogée. Elle occupait toutes les terres accessibles et souvent quelle que soit son orientation.

Le vigneron, venant souvent de loin et restant la journée sur place, avait pris soin de construire une cabane ou parfois même une maison de vigne, qui lui permettait de se mettre à l’abri, lui et ses outils en cas de pluie.

Ces cabanes sont parfois appuyées et d’autres encastrée au moins partiellement dans la muraille. Beaucoup subsistent encore dans tous les domaines, un programme de restauration a même été entrepris. Depuis, les terrasses ont été aménagées pour pouvoir mécaniser le travail de la vigne. Elles se sont élargies et sont organisées en lacets permettant l’accès aux tracteurs vignerons, parfois munis de chenilles. Autre particularité, plus large, la terrasse moderne est plantée de deux rangées de vignes palissées sur fil.

Caves troglodytiques

Au village, en général proche des habitations, se trouvait la cave. La vendange était alors déchargée à l’étage supérieur accessible par une pente en terre, passait à l’égrappage, les jus coulaient à travers la voûte jusqu’aux cuves de bois, puis de ciment, et aujourd’hui en inox ou fibre de verre, les parties solides passées ensuite au pressoir (truèlh), et les jus envoyés à leur tour dans la cuve. Nous ne parlerons pas d’ici de l’image "traditionnelle" des jeunes gens piétinant la vendange dans la cuve.

À Marcillac, il existe tout type de caves. Elles ont en commun les éléments architecturaux caractéristiques : une porte à claire-voie orientée au nord, de part et d’autre, deux ouvertures basses permettant une bonne ventilation et évacuant les gaz résultant de la fermentation du vin. À l’intérieur elles disposent de tout le matériel de vinification : pressoir, cheminée pour réchauffer l’ambiance pendant les automnes froids et aussi la présence d’eau entretenant naturellement l’hygrométrie.

Certaines de ces caves sont troglodytes, à Salles-la-Source, à Saint-Laurens ou à Cassagnettes, et d’autres sont agencées le long d’une rue comme à Clairvaux ou à Marcillac.

Aujourd’hui, les techniques de vinification se sont "modernisées", gage de qualité pour le consommateur. Les vignerons vous accueilleront volontiers dans leurs caves et compléteront la découverte de leur métier, de leur environnement et de leurs vins et de leur cépage, le mansois, qu’ici on appelle saumencès en oc.

Plus que tout autre, ils seront en mesure de vous raconter l’histoire familiale à laquelle ils sont attachés.

Pour des idées de visites ou de randonnées, il faut se rapprocher de l’office de tourisme à Conques ou à Marcillac. Il existe un topoguide des 22 randos, soit 250 km de chemins balisés aménagés. Il est possible également de pousser les portes du musée départemental des arts et métiers traditionnels à Salles-la-Source où vous contemplerez une collection de pressoirs et d’outils du vigneron, et d’autres métiers. L’union Sauvegarde du Rouergue a consacré le numéro 112 de sa revue à "l’architecture de vigne, le vallon de Marcillac et ses environs".

250 km

Pour des idées de visites ou de randonnées, il faut se rapprocher de l’office de tourisme à Conques ou à Marcillac. Il existe un topoguide des 22 randos, soit 250 km de chemins balisés aménagés. Il est possible également de pousser les portes du musée départemental des arts et métiers traditionnels à Salles-la-Source où vous contemplerez une collection de pressoirs et d’outils du vigneron, et d’autres métiers. L’union Sauvegarde du Rouergue a consacré le numéro 112 de sa revue à « l’architecture de vigne, le vallon de Marcillac et ses environs ».
 

En cours de restauration

Patrimoine en cours de restauration sur le territoire de l’appellation et ayant fait appel à don via la Fondation du patrimoine : la chapelle de Foncourrieu à Marcillac, la Porte Tour de Clairvaux, l’église de Panat (Clairvaux), le château de Beaucaire à Nauviale et l’abbatiale de Conques.À venir : la place de Nuces, l’église de Valady et l’église Saint-Denis de Cougousse (Salles-la-Source).Vous pouvez faire vos dons en ligne sur le site de la Fondation du patrimoine.

Quelques dates…

À Marcillac, la vigne s’implante et se développe sous l’impulsion de Conques et des autres abbayes aveyronnaises. En 281, Probus, gouverneur d’Occitanie, relance la production de vin après les limitations imposées sous Domitien en 92. Au Moyen Âge, la production s’effondre à cause des guerres et des invasions. Le mansois ou fer-servadou de la famille des cabernets est un cépage répandu dans le Sud-Ouest. Tout laisse à penser que ce cépage a été introduit dans le cadre des échanges entre Conques et Moissac. Du XVe siècle à la Révolution, le vignoble se développe avec l’essor du commerce prospère du vin. Au XIXe siècle, le vignoble passe progressivement aux mains de ceux qui le travaillent. L’embellie est de courte durée, frappée par le phylloxéra, avant de voir ses bras arrachés par la guerre de 14-18 et enfin détruite par les gelées destructrices de 1956. Le vignoble ne compte plus qu’une centaine d’hectares. En 1965, neuf viticulteurs obtiennent le classement VDQS et lancent la cave coopérative. En 1990, le VDQS Marcillac obtient sa reconnaissance en AOC devenu depuis AOP. Aujourd’hui, le vignoble compte 230 ha d’AOP dont les vins rouges rosés sont complétés par des cépages blancs vinifiés en IGP Aveyron. 1,5 million de bouteilles sont commercialisées par 19 caves ou domaines.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?