Vidéo : en Aveyron, Christian Viguier, bouilleur ambulant, fabrique l'eau-de-vie sur les routes

Publié le , mis à jour
Alexia Ott

Bouilleur de cru et bouilleur ambulant, ces métiers ancestraux liés à la fabrication de l'eau-de-vie n'ont plus la même importance qu'auparavant sur le territoire aveyronnais. Nous sommes allés à la rencontre de quelques-uns des derniers pratiquants de cette activité. 

Certains métiers, tels que bouilleur de cru ou encore bouilleur ambulant, n'ont pas la même importance qu'antan. Le bouilleur de cru récolte les fruits, les fermente et les amène au bouilleur ambulant quand il n'a pas la possibilité de les distiller lui-même. Le bouilleur ambulant distille la fermentation à l'aide d'un alambic afin de créer de l'eau-de-vie. Le liquide revient alors au bouilleur de cru, qui l'utilise pour sa consommation personnelle.

Bouilleur de cru : de 3 160 000 en 1960 à 47 000 en 2020

Ce secteur a connu de nombreuses réglementations au fil du temps. Les dates de distillation s'étalent désormais du 1er octobre au 30 avril, la production d'eau-de-vie est taxée par la douane en fonction de la quantité produite, la restriction du privilège qui autorisait la production de 1 000° d'alcool non taxée est adoptée... Cette profession a connu un important déclin, notamment depuis les restrictions du privilège. De 3 160 000 en 1960, le nombre de bouilleurs de cru ayant distillé est descendu à 47 000 en 2020.

Christian Viguier, propriétaire de vignes à Campouriez et bouilleur de cru depuis une quarantaine d'années, amène une fois tous les deux ans le reste de la pulpe de sa récolte de raisins à Michel Ladet, bouilleur ambulant basé à Sainte-Eulalie-d'Olt depuis 7 ans, pour faire du Marc ( eau-de-vie à base de raisin ). Il utilise le Marc pour conserver la viande et pour faire du ratafia. "C'est sympa, ça permet de pouvoir donner une bouteille d'eau-de-vie quand on reçoit quelqu'un".

Une tradition que les bouilleurs de cru sont heureux de perpétuer

Christian Viguier est heureux de perpétuer cette ancienne tradition. "C'est une tradition qu'il y avait dans les fermes; c'est un plaisir pour moi. C'est une coutume que j'ai gardée de mes ancêtres; mon père y allait, mon grand-père aussi". Il souligne la convivialité de ce domaine : " je distille chez un ami, quand j'y vais c'est un plaisir". Il confirme que cette tradition est en perdition : "À l’époque, une cinquantaine de personnes faisaient ça à Campouriez. Maintenant, ça ne concerne plus qu'une dizaine de personnes". Il pense que l'avenir sera un peu compliqué : "J'espère que ce métier ne va pas disparaître".

Michel Ladet espère que son fils reprendra son activité.
Michel Ladet espère que son fils reprendra son activité. Centre Presse Aveyron - Alexia Ott

Michel Ladet a repris l'activité de son père, Rémy Ladet, qui l'a exercé pendant pas moins de 53 ans. "Avant, mon père travaillait tous les jours. Maintenant, on travaille uniquement le samedi et on arrive à tenir pied". Il confie ne pas regretter l'exercice de cette activité à côté de son métier d'agriculteur : "On est à la rencontre des gens et c'est super agréable. Il y a parfois des jeunes qui me demandent des renseignements, ça fait plaisir". Il aimerait que son fils reprenne son activité dans les années à venir.

Un métier difficile

Ce travail est pourtant loin d'être facile, notamment de par son lien étroit au climat : "On dépend de la météo, les gelées du printemps sont mortelles pour nous".

Pour Georges Boule, un ancien bouilleur ambulant basé à Estaing, la difficulté est toute autre. "Je me demande si je reprendrai, ça ne vaut pas le coup, il n'y a pas de matières premières et il n'y a plus de gens. Les vignes s'arrêtent, les jeunes ne boivent plus de vin. Dans le temps, les paysans buvaient du vin matin, midi et soir. C'est un changement de génération. Peut-être que ça reviendra, mais ce n'est pas pour tout de suite."

Après avoir pratiqué cette activité pendant 35 ans, il affirme que : "L'avenir, il n'y en a pas. En Aveyron, on n'est pas nombreux, on doit être 8 ou 10". Un secteur de passionnés, mais qui n'a que très peu de successeurs : "La majorité de mes clients ont entre 75 et 90 ans".

"Maintenant, on ne bouge plus"

Les conditions de travail d'un bouilleur ambulant ont bien changé. Georges Boule explique que, l'essence même des bouilleurs ambulants, qui est de se déplacer de village en village, n'est plus à l'ordre du jour : "Maintenant, on ne bouge plus. Avant les gens étaient à pied, maintenant ce sont eux qui se déplacent".

Ce métier, en déperdition, n'a plus le même impact qu'auparavant. "Il y a 30 ans, on travaillait tous les jours du matin au soir sauf le dimanche. Maintenant, des fois, on allume l'alambic pour deux clients par jour, on est là pour rendre service". Michel Ladet tient à rétablir la vérité sur le droit à la distillation : "Tous les touristes pensent qu'on n'a plus le droit de faire de l'alcool comme il n'y a plus de privilège, c'est faux ! On peut faire distiller dès lors que l'on est propriétaire d'un arbre fruitier."

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