Emmanuelle Gazel attaquée et injuriée sur les réseaux sociaux : "La confrontation d’idées, elle se fait à visage découvert"

  • "Ma vie privée n’a rien à faire dans le débat public".
    "Ma vie privée n’a rien à faire dans le débat public". Photo - Midi Libre
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Recueilli par Jennifer Franco

Les violences verbales sont tout autant destructrices qu’une agression physique. Ces derniers mois, Emmanuelle Gazel, maire de Millau, en a aussi été la cible. Pour elle, c’est le dossier de l’expérimentation de la piétonnisation dans le centre-ville qui a jeté le feu aux poudres sur les réseaux sociaux. Victimes d’injures, le plus souvent de manière anonyme ou caché derrière un pseudonyme. 

Quel regard portez-vous sur les agressions envers les élus de la République ?

L’augmentation de l’agressivité n’est pas qu’envers les élus. Elle est assez générale. Je le constate aussi à l’accueil des services publics dont j’ai la responsabilité.
Certains de nos concitoyens prennent vraiment la posture du consommateur. On leur doit un service. Certes, c’est vrai, mais avant tout, on doit le respect aux uns et aux autres.

Ce sont des tensions dans la société que l’on ressent un peu partout. Dans les conflits de voisinage, dans la difficulté croissante à accepter l’autre, les nuisances, etc. Il y a un sentiment d’intolérance, d’impatience qui augmente. Cela touche l’ensemble de la société. Et les élus sont aussi victimes de ces comportements-là puisque nous représentons les institutions, une responsabilité.

En tant que maire, comme dit souvent la présidente de la Région, on est à portée d’engueulades. Je trouve cela bien car c’est important d’avoir cet espace de dialogue, d’échange pour pouvoir entendre des mécontentements parfois justifiés. Ce qui n’est pas acceptable, ce sont les violences, bien sûr, physiques mais verbales aussi. Je condamne les permanences caillassées. Les députés ne doivent pas avoir une peur de représailles par rapport à leur vote. On a le droit de ne pas être d’accord mais le vote de chacun doit être respecté.

A titre personnel, vous avez été prise à partie sur les réseaux sociaux sur vos choix d’élue et sur votre vie privée…

Sur les réseaux sociaux, aussi, je trouve cela inacceptable. Car la plupart des commentaires extrêmement agressifs, discriminants, blessants y compris sur des questions personnelles, se font sous couvert d’anonymat. La confrontation d’idées, elle se fait à visage découvert.

J’assume pleinement mes actes en tant qu’élue. J’accepte totalement de confronter mes choix avec d’autres visions. En revanche, je n’accepte pas la diffamation, d’être injuriée avec des rumeurs personnelles qui n’ont rien à voir avec mon mandat. C’est là qu’on voit qu’on est loin de l’égalité femme-homme.

Pensez-vous que le fait d’être une femme y contribue ?

Clairement. On ne cesse de dire que toutes les femmes qui sont en responsabilité sont autoritaires. Heureusement que j’en prends des décisions. Cela fait partie de mes responsabilités. Ma vie privée n’a rien à faire dans le débat public.

Avez-vous porté plainte ?

Oui, j’ai été obligée de porter plainte à la rentrée 2022 sur un délit d’injures publiques où j’étais représentée avec la moustache d’Hitler sur le dossier de la piétonnisation. Puis, sur tous les éléments ayant attrait à ma vie personnelle. J’ai choisi les investissements de mon mandat, en faisant une consultation citoyenne.

Comment expliquez-vous cette montée de violences et d’intimidations, notamment envers les maires, qui paradoxalement sont les élus préféré des Français ?

Le mandat de maire, c’est celui de la proximité. Si on a un problème avec ses enfants ou ses voisins, son travail, on va voir le maire. C’est l’interlocuteur de proximité qui doit arriver au maximum à accompagner, à aider. C’est le mandat du lien fort. Quand on fait appel à lui, c’est que l’on a confiance en ses capacités à résoudre un problème.

A contrario, cela peut parfois être le mandat de la déception qui peut être forte. On a de moins en moins de moyens dans nos mairies et de plus en plus de contraintes juridiques, administratives. On perd des compétences et finalement on se retrouve de plus en plus impuissants face aux problématiques de nos administrés.

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